DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
L’équipe Infolettre   |

Fantasia 2022 : Partie 7

Par Olivier Thibodeau, Maude Trottier et Claire Valade


prod. Heartwake Films, Rundfunk Berlin-Brandenburg (RBB), Filmuniversität Babelsberg Konrad Wolf

WE MIGHT AS WELL BE DEAD
Natalia Sinelnikova  |  Allemagne/Roumanie  |  2022  |  94 minutes  |  Camera Lucida

Derrière un titre qui évoque un nihilisme presque sain face à la désintégration du tissu social provoqué par la montée planifiée d’un individualisme cataclysmique, le film s’affaire avec minutie à créer une impasse simultanée pour ses spectateurs et sa protagoniste, une juive roumaine coincée pour le meilleur et pour le pire dans un nid de fascistes paranoïaques. Le film débute comme un coup de canon, avec l’image d’une famille qui, la hache à la main, traverse la forêt en direction d’une tour d’habitation solitaire qui surplombe l’horizon sur fond d’une interprétation épique de Chtchedryk (Carol of the Bells), obsédés par l’idée d’y trouver refuge. À l’instar du High-Rise (2015) de Ben Wheatley, cette tour constitue une sorte d’eldorado pervers, le summum totalitaire d’un monde dystopique, où vit une communauté fermée d’élitistes intransigeants qui trient sur le volet les nouveaux postulants en fonction de divers critères arbitraires (leur athlétisme, leurs habiletés sociales, leur sourire, leur hygiène mentale, etc.). L’idée derrière ce processus de sélection astringent est simple : garantir la sécurité des habitants en éliminant les individus considérés indésirables. Or, lorsque la gardienne de l’immeuble, Anna, est prise pour un voleur après une excursion nocturne à la recherche d’un chien disparu, toute la cohésion sociale s’effrite et cède à une psychose dévorante dont le seul remède est la purge.

La mise en scène glaciale de l’impressionnante Sinelnikova (dont il s’agit ici du film de fin d’études) est parfaitement adaptée à la froideur de la société qu’elle entreprend d’ausculter, et dont les membres sont constamment en train d’évaluer, de juger et de dénoncer leurs pairs. Elle est aidée dans ce dessein par le caractère aliénant du gratte-ciel qui sert de toile de fond, multipliant les angles de caméra incongrus dans les appartements exigus des personnages – que d’autres sont prêts à supplier pour obtenir – et déployant de façon écrasante la géométrie oppressante des lieux, dont la fuite semble impensable au vu de l’horreur qui gît hors ses cloisons rigides. Comme dans High-Rise, il n’existe pas réellement ici de monde extérieur – 100 % de l’action se déroule dans la bâtisse, sur le terrain de golf et dans le bois environnant – il n’existe que l’idée d’un monde extérieur rempli, bien sûr, de larrons et de coupe-jarrets. Il n’existe qu’un univers subalterne dont on extrait les ressources par voie de paquets livrés à domicile. Or, c’est face à l’appréhension de cet univers que les habitants de l’édifice acceptent si docilement les règles contraignantes de la junte bourgeoise qui dirige l’endroit et s’arment pour le protéger. Le film se présente donc à beaucoup d’égards comme un traité sur l’érosion du lien interpersonnel à l’époque sécuritaire, la fille d’Anna se cloîtrant dans la salle de bain pour ne pas propager le « mauvais œil », la disparition d’un chien provoquant des accusations tous azimuts, la présence d’un poète dans l’ascenseur stimulant la méfiance, l’apparition d’un voleur potentiel causant la formation d’une brigade de voisinage armée de bâtons de golf, exigeant des serrures plus costaudes pour toutes les unités locatives… Le scénario et la réalisation nous invitent même à participer à cette paranoïa infondée, laissant constamment présager la possibilité d’une entité malfaisante qui ne se manifeste jamais, montrant scène après scène où la protagoniste est à la recherche de… rien du tout. En effet, il n’y a rien, malheureusement, qui menace véritablement l’ordre bourgeois monstrueux qui trône au sommet de la pyramide, et ce malgré ce qu’il voudrait bien croire du haut de sa tour d’ivoire, à mille lieues de la misère qu’il crée avant de s’en détourner. (Olivier Thibodeau)

 


prod. Cine Woule Company, PAGOD Films

OPAL
Alain Bidard  |  France/Martinique  |  2021  |  85 minutes  |  Section Axis

Il est excessivement rare d’avoir la chance de visionner des films martiniquais chez nous, et encore plus de l’animation provenant de ce petit département français d’outre-mer, alors on ne boudera pas la chance qui nous est offerte par Fantasia de découvrir ce beau film d’Alain Bidard. Au-delà des empreintes artistiques (Mucha, Munch, Horta) et philosophiques (Fanon, Jung) avouées du réalisateur, on voit bien aussi les influences cinématographiques de celui-ci dans Opal, fable féministe sur l’inceste et les relations abusives : celui du grand Hayao Miyazaki dans le traitement de la jeune héroïne, celui des maîtres français Michel Ocelot et René Laloux dans l’atmosphère mystique. Opal nous entraîne dans un univers enchanté, un royaume magique suspendu dans le temps et dans l’espace, littéralement et figurativement, avec ses villages qui flottent dans l’immensité comme des îlots-ballons colorés foisonnant d’une nature luxuriante, placés sous la protection des Irokos, sortes d’esprits bienfaisants tout-puissants.

Pionnier de l’animation indépendante aux Caraïbes, Bidard est le principal artisan du film, au sens où il est derrière pratiquement chaque trait, chaque apprêt de couleur, chaque décision artistique et dramatique visible à l’écran. Et ses choix donnent le champ libre à l’expression d’un imaginaire résolument afro-caribéen, à commencer par l’apparence des Irokos, bâtis comme des troncs d’arbre massifs, d’un brun chaleureux à cheval entre la couleur de la peau des Antillais et l’écorce des bois les plus riches, avec une chevelure de branches enchevêtrées. La princesse Opal et ses parents arborent aussi des vêtements et des parures clairement issus d’un mélange de cultures d’origines africaines, autochtones et insulaires, avec leurs coupes franches, leurs couleurs opulentes et leurs dorures. Les cheveux, le maquillage et les bijoux, tout en rondeurs, trouvent écho dans les décors entourant les personnages, répétant les motifs des cercles et des couleurs vives, mais évoquant aussi l’aspect irréel et mystique du royaume suspendu. La magie de ce lieu est palpable et le spectateur n’a aucune difficulté à imaginer que cette magie émane de la princesse tant celle-ci est bien cernée et incarnée, à la fois déterminée et vulnérable, volontaire et obéissante, rayonnante et sombre. Le rythme du film est aussi à l’image des cultures représentées : lent, posé, progressif et parcouru d’un bouillonnement intérieur qui menace d’exploser à tout moment.

Tout cela donne au film un souffle auquel il est difficile de résister, même s’il faut aussi admettre que l’œuvre souffre des défauts de ses qualités. S’il place la force de la magie entre les mains d’une jeune héroïne noire et donne le pouvoir d’envoûtement à la langue créole, lesquelles deviennent ici des instruments de création, de révolution et de résolution suprêmes, Bidard ne peut s’empêcher aussi de surexpliquer et de surreprésenter ses idées. La frontière est mince entre un récit simple, imagé, évocateur, et l’illustration simpliste de celui-ci. Par le choix de certains éléments narratifs, Bidard n’échappe pas à ce piège. Par exemple, le roi-monstre porte symboliquement sa verge sur le front, au vu et au su de tous. Cette corne de licorne, qu’il arbore avec orgueil et arrogance, cherchant à afficher un air majestueux et mythique à l’instar de la créature des légendes, n’évoque plutôt qu’un accro du pouvoir minable qui exhibe vulgairement sa masculinité toxique, sa vanité et son sexe. D'ailleurs, pas besoin de phallus pour lui lorsqu’il s’agit d’agresser sa fille. Les scènes de viol métaphoriques — le vol de la magie d’Opal et, par là, de son autonomie, de son innocence, de sa joie — oscillent entre le sensible et le choquant sans jamais parvenir tout à fait à donner dans la complexité. Bien sûr, on pourra dire qu’un viol n’est jamais un acte subtil, et c’est bien vrai, mais une subtilité plus raffinée dans l’allégorie aurait peut-être permis de mieux absorber le message.

En fait, c’est la surenchère de références psychanalytiques qui agace — les mots EGO, SUPEREGO, ID inscrits en lettres majuscules, comme d’énormes signaux en néon au-dessus des diverses pièces où Opal trouve refuge, ne sont pas exactement des plus discrets. Bien que l’on comprenne enfin pourquoi ces termes sont présents, avec deux scènes finales inopinées qui viennent presque étouffer le souffle du film par excès de concret au milieu d’un conte de fées déjà suffisamment explicite, on se demande pourquoi l’auteur a mis tant d’application à vouloir ancrer le fantastique dans la réalité. Le mélange de conte et de psychanalyse freudienne rend d’ailleurs un peu difficile l’identification du public à qui s’adresse le film : enfants ? adultes ? enfants accompagnés d’adultes décrypteurs de codes psychologiques ? Ces bémols n’enlèvent pourtant rien au plaisir d’admirer l’exquise qualité du dessin et la résilience ultime de la jeune héroïne qui conserve jusqu’à la fin sa lumière empreinte de mélancolie. (Claire Valade)



prod. Secret Engine, Square Peg, Tango Entertainment

RESURRECTION
Andrew Semans  |  États-Unis  |  2022  |  103 minutes  |  Sélection 2022

Force est d’admirer le jusqu’au-boutisme de ce thriller quasi télévisuel, qui possède au moins le mérite de pousser sa vedette, Rebecca Hall, et son récit d’obsession maladive jusque dans les retranchements les plus farfelus et les plus délirants de la série B. On croit d’abord à une histoire d’agression sexuelle lorsque Maggie, une professionnelle indépendante et mère monoparentale d’une jeune femme récemment adulte, se met à péricliter avec la réapparition soudaine dans sa vie d’un homme nommé David (Tim Roth), figure sombre de son passé. Or, l’architecture du trauma de l’héroïne est beaucoup plus originale qu’escompté, impliquant un être qui pourrait être optimalement décrit comme « le bébé de Schrödinger », de même qu’un antagoniste flegmatique, douceâtre, en parfait contrôle de la situation jusqu’au tout dernier acte, où l’ascendant qu’il exerce sur la folie de Maggie se retourne finalement contre lui. Apparaissant inopinément dans l’entourage de celle-ci (à l’occasion d’une conférence, pendant une visite au centre commercial, durant une promenade dans le parc), la présence de David devient vite une obsession pour la protagoniste, qui commence à surprotéger sa fille avec un zèle plus effarant qu’à son habitude. Mais pourquoi est-il là exactement ? S’agit-il d’une coïncidence ? Est-il à sa poursuite ? S’agit-il d’un simple produit de son imagination, elle qui exhibe une énergie maniaque, presque psychotique, dont l’origine ne semble pas uniquement liée à son métier stressant dans une grosse boîte du centre-ville ? Les questions d’usage de ce genre d’œuvres se manifestent bel et bien, mais sans jamais vraiment rester en suspens tant le film semble obsédé par l’idée de concrétiser les traumatismes et de jouer dans les blessures de l’héroïne pour précipiter sa catharsis — ou au moins d’épouser le cadre de sa folie en route vers la catharsis imaginaire qui sert de conclusion au film.

Au vu d’une mise en scène axée principalement sur l’art dramatique, Rebecca Hall porte le film sur ses épaules et se donne généreusement en pâture à la caméra, offrant au regard du spectateur son corps effilé, poussé à bout par une hygiène de vie spartiate et meurtri par les abus subis lorsqu’elle était plus jeune. Elle nous donne surtout à voir l’esprit déliquescent, presque palpable, et les tendances maniaques de son personnage, écartelé entre des désirs maternels devenus désespérés après la perte de son premier enfant, mais aussi les vestiges d’une masculinité toxique dont elle a hérité des traits les plus vicieux depuis sa relation avec David. Elle incarne en somme une engeance monstrueuse mais sympathique pour qui l’amour est devenu indissociable du désir de possession, s’exprimant dans une violence protectrice hors norme qu’elle impose à sa fille, la cloîtrant dans sa chambre par la menace, la soudoyant pour obtenir des informations, allant même jusqu’à la saouler pour qu’elle s’assoupisse à ses côtés, à portée de sa main envahissante. Maggie est certainement un personnage habité, hanté par les traces d’un passé qui la laissent à la fois impuissante et déterminée, oscillant entre la force et le désespoir au gré d’une performance puissamment bipolaire, où la passion mène au pathétique, mais aussi à une explosion de violence libératrice à l’occasion d’un climax délectable. La seule scène de révélation du traumatisme vécu auprès de David est mémorable de simplicité, alors que le visage solitaire de Hall, ceint de ténèbres, mouillé par une larme solitaire qui point au moment optimal, narre son calvaire dans un long flot hypnotique, galvanisant son interlocutrice en hors-champ, mais le spectateur également, à qui l’on propose ici une plongée privilégiée dans une psyché à la pathologie palpable. Pour le meilleur et pour le pire. (Olivier Thibodeau)

 


prod. Aniplex, Kawade Shobô Shinsha Publishers, Science SARU

INU-OH
Masaaki Yuasa  |  Japon/Chine  |  2021  |  97 minutes  |  Section Axis

Certainement l’un des films-événements du festival, Inu-Oh renoue partiellement avec la magie de l’excellent Mind Game (2004), autre film du réalisateur Yuasa dont les habitué·e·s de Fantasia se souviendront sans doute pour son étrange puissance cathartique. Or, bien qu’il ne possède pas la morale édifiante de ce dernier, le présent film contient le même type d’énergie maniaque, déployée dans des scènes musicales absolument délirantes, envoûtantes, hypnotiques, dont l’expérience transcende aisément la minceur d’un scénario anecdotique inspiré de l’Histoire et des mythes japonais médiévaux. On assiste très tôt à la naissance du personnage titulaire, un être monstrueux au visage mutant et au bras surdimensionné dont nous ne retrouverons la trace que plus tard, à la croisée du chemin de Tomona, un jeune homme rendu aveugle par le dégainage d’une épée légendaire, puis devenu joueur de biwa ambulant. Débutant comme la quête spirituelle pathétique de Tomona à la recherche des légendes du clan Taira, l’œuvre se transforme subrepticement en film de concert à la suite du contact des deux hommes, deux parias qui deviendront des idoles instantanées grâce à des numéros rock palpitants, préparés pour le public incrédule du Japon de l’époque.

Fidèle à son habitude, Yuasa développe ici un sens aigu du spectacle, incarné par une mise en scène à la fois extrêmement dynamique, en harmonie avec la grande fluidité du dessin animé, et grandiloquente, capable de prendre plein avantage des largesses fantaisistes permises par le médium. Le résultat est particulièrement exaltant lors des scènes musicales qui, si elles rappellent les films de concert classiques par leurs montages alternés entre des interprètes zélés et une foule en délire, transcendent éventuellement ceux-ci par l’exécution de cascades surhumaines et le déploiement d’une pyrotechnie anachronique. Ce ne sont pas seulement des numéros de musique qui apparaissent à l’écran, mais des sauts sur une toile volante où glisse une baleine ambulante, le maniement virtuose de bâtons enflammés, des sauts de l’ange à l’amplitude démesurée, même l’invocation de dragons volants, tout cela au sein d’un hommage réjouissant du potentiel festif de la musique rock. On inclut même des gros plans sur les dents pourries de Tomona au moment de vocaliser la mélodie, dans un acte célébratoire du potentiel émancipateur d’un certain art prolétaire, opposé ici à la rigueur et à la rigidité du Nô traditionnel.

On note aussi que la matérialisation de la subjectivité, qui était l’apanage de Mind Game, se déploie également ici de façon astucieuse. Dans les plans subjectifs des personnages d’abord, dont la perception tordue du réel donne lieu à quelques amusantes gymnastiques perceptuelles, dont la vision inhumaine d’Inu-Oh, rendue dans une série de plans fort intrigants où le spectateur se retrouve derrière son masque, à portée de langue de quelque insecte à dévorer en vol. La perception sensorielle héritée du handicap visuel de Tomona, chez qui le toucher provoque l’apparition à l’écran de figures évanescentes correspondant à ses impressions de celles-ci, nous permet parallèlement de voir le monde à travers ses « yeux ». Toute l’œuvre est au diapason de ce déploiement sensoriel, développant un monde interactif par accumulation de détails pittoresques, dépeints dans des styles d’animation variés, adaptés aux atmosphères respectives des différents segments qui constituent les mises en abîme sur lesquelles s’appuie le scénario. Le tout se révèle ainsi comme une invitation palpitante à une expérience sensorielle singulière… celle peut-être d’un opéra céleste, où les démons de la guitare se retrouvent munis des ailes des anges. (Olivier Thibodeau)

 


prod. Goon Films/Lucky Red/Rai Cinema

FREAKS OUT
Gabriele Mainetti  |  Italie  |  2021  |  141 minutes  |  Sélection 2022

Généralement, je ne fréquente pas les festivals de films pour commenter ce genre de méga-productions, mais le Freaks Out de Gabriele Mainetti est tellement irrésistible, tellement euphorisant que je n’ai pas pu résister. Dès la première scène, où on assiste hébété au spectacle fantasmagorique livré par les quatre héros sous un chapiteau que viennent ensuite détruire les bombes nazies, le film nous happe et ne nous relâche que 140 minutes plus tard, électrisés et pantelants après une série ininterrompue de péripéties abracadabrantes dignes du cinéma des Golden Boys. On croirait presque effectuer un survol éclair de nos souvenirs d’enfance, passant de la douce féérie de Hook (1991) aux scènes d’action brutales de Saving Private Ryan (1998) en un seul instant, convaincu dès lors que Mainetti et compagnie vont nous en donner pour notre argent. Question de proposer une comparaison plus contemporaine, disons que la plastique somptueuse qui caractérise la production et l’énergie maniaque qui anime la mise en scène évoquent les meilleurs films de Guillermo Del Toro, particulièrement Hellboy (2004), avec lequel le présent film partage un groupe d’antagonistes nazis, dirigés par l’excellent Franz Rogowski (Victoria [2015], Happy End [2015], Transit [2018], Undine [2020]). Le personnage de Rogowski n’est pas qu’un simple officier nazi par contre. C’est un pianiste à douze doigts qui délecte les foules avec son interprétation du Creep de Radiohead et qui, entre les spectacles, consomme de l’éther pour voir dans l’avenir, dont il ramène des esquisses de téléphones intelligents et de manettes de PlayStation, de même que la certitude qu’Hitler mourra sous peu dans son bunker s’il ne parvient pas à rassembler les quatre freaks titulaires pour joindre son armée.

Comme c’était le cas pour Hellboy, on retrouve ici un scénario et des personnages qui, s’ils ne sont pas transcendants d’originalité — on sent fort l’influence de Marvel, particulièrement de la série ­X-Men —, se distinguent néanmoins par leur grande flamboyance et leur personnalité débordante. L’interprétation énergique que livre l’étincelante distribution est cruciale en ce sens. Force est d’ailleurs de constater la performance mémorable d’Aurora Giovinazzo dans le rôle principal, jeune beauté que l’on risque fort de revoir au grand écran, et qui donne ici la réplique avec fougue à trois adorables compagnons : Pietro Castellitto (en maître des insectes), Claudio Santamaria (en puissant homme-loup) et Giancarlo Martini (en nain magnétique à la bitte-aubergine). Pour faute d’un qualificatif plus évocateur, je dirais en outre que c’est le côté « italien » du film qui est garant de sa saveur distinctive, son caractère décomplexé, verbomoteur, lascif, complaisant et irrévérencieux, lequel se manifeste dans des échanges enflammés et dans de fréquents excès de violence et de sexe. Il n’y a qu’à penser à cette scène où les trois hommes du quatuor sont accueillis en rois au Zirkus Berlin, où l’homme-loup baise avec la femme-loup tandis que les deux autres s’amusent de façon grivoise avec des baigneuses aux gros seins pour qu’on se sente à une distance confortable des saucisses fades que produisent en série les rapaces de Disney. Les massacres de nazis sont pas mal sanguinolents également, et ça fait vraiment plaisir. Plaisir de voir leurs têtes défoncées, leurs corps déchiquetés et leurs oreilles arrachées, plus comme chez Tarantino que chez Spielberg, c’est-à-dire du bon côté de la bienséance hypocrite qui caractérise les méga-productions de genre états-uniennes. (Olivier Thibodeau)

*Critique publiée une première fois dans notre couverture du Festival de Rotterdam 2022

 


prod. Urbal Productions

MONSIEUR MAGIE
Patrick Gauthier  |  Québec  |  2022  |  11 minutes  |  Sélection 2022 (Le Zappin' Party Final de DJ XL5)

Monsieur Magie est rusé. Et heureusement pour lui, car il n’est pas au bout de ses peines en arrivant dans cette maison perdue au fond des bois où il a été engagé pour un « gig » d’illusionniste. Deux filous qui sacrent comme ils respirent l’ont fait venir pour l’anniversaire de leur chef. Or, ceux-ci ont en tête un projet bien plus audacieux qu’un simple spectacle de prestidigitation. Souhaitant leur patron mort, ils sont arrivés à la conclusion logique que Monsieur Magie, avec son savoir-faire extraordinaire, était le parfait plan pour faire disparaître le corps. Court métrage parfaitement ajusté à Fantasia, avec son mélange d’univers inédits entre le gangstérisme et les tours de passe-passe, Monsieur Magie nous arrache un franc rire « québ » à l’aide de cette langue sans détour (franchement région) dont il use. Si son scénario et ses situations absurdes font penser à un sketch écrit par des étudiants qui déconnent (et c’est un compliment), ce sont surtout ses personnages si incarnés qui font tout le charme du film. Plus spécialement, la rencontre jubilatoire entre Anthony Montreuil dans le rôle-titre — personnage qu’il a d’abord fait connaître en ligne dans des Chroniques de magie et sur scène, comme stand-up — et Benoît Rivest dans le rôle de Spike. Aussi court que prégnant, le film de Patrick Gauthier, avec ses dialogues aussi sentis que délicieusement nonos, a ce quelque chose de culte qui fait en sorte qu’on a envie après-coup de performer ses répliques dans la vie de tous les jours, rien que pour le plaisir de se les mettre en bouche et les faire revivre deci delà. (Maude Trottier)

 

 

INTRO

PARTIE 1
(Polaris, The Diabetic, My Small Land,
The Tales of the Party Pooper Monster, The Heroic Trio)

Face/Off

PARTIE 2
(Aspirational Slut, Coupez !, The Fish Tale,
All Jacked Up and Full of Worms, Popran)

PARTIE 3
(Lynch/Oz, L'employée du mois,
The Cow Who Sang a Song Into the Future, From.Beyond)

Entrevue : John Woo

PARTIE 4
(Les pas d'allure, One and Four, Sissy, The Harbinger)

PARTIE 5
(Detective Vs. Sleuths, The Fifth Thoracic Vertebra, Give Me Pity!,
The Pez Outlaw, Megalomaniac, My Grandfather's Demons)

PARTIE 6
(Chorokbam, Vesper, Happer's Comet, The Breach, Skinamarink, Shari)

PARTIE 7
(We Might as Well Be Dead, Opal, Resurrection,
Inu-Oh, Freaks Out, Monsieur Magie)

PARTIE 8
(Speak No Evil, Island of Lost Girls, Deshabitada, Ring Wandering)

Il demonio

PARTIE 9
(Country Gold, Whether the Weather Is Fine, Cult Hero,
Incroyable mais vrai, Compulsus, Next Sohee)

 Entrevue : Shinji Higuchi

Maigret

Topology of Sirens

Shin Ultraman

Envoyer par courriel  envoyer par courriel  imprimer cette critique  imprimer 
Article publié le 30 juillet 2022.
 

Festivals


>> retour à l'index