CAP SUR LA ROUMANIE
C'est le plus important événement de sa catégorie en Roumanie : le TIFF - Transilvania International Film Festival - tire les avantages de ses solides fondations et rayonne depuis onze ans. Installé dans la petite ville de Cluj-Napoca, ce festival résulte d'une initiative menée par deux personnalités : Tudor Giurgiu, ex-président de la Televiziunea Română (télévision nationale), producteur et réalisateur, aux côtés de l'affable Mihaï Chirilov, critique de cinéma parmi les plus signifiants du pays, directeur artistique de la manifestation.
En 2002, Cristian Mungiu réalisait son premier film,
Occident, sélectionné par la Quinzaine des réalisateurs : le conte de fées du cinéma roumain à Cannes commençait, signalant la naissance de la « nouvelle vague roumaine ». L'histoire s'est depuis répétée, du sobrement réaliste
The Death of M. Lazarescu (2005) au surprenant
Tales from the Golden Age (2009), en passant, bien sûr, par
4 Months, 3 Weeks and 2 Days, Palme d'Or en 2007. Il n'y a pas plus tard qu'un mois, le dernier Mungiu,
Beyond the Hills, recevait les prix d'interprétation féminine et du scénario à Cannes. Parallèlement, alors qu'il n'existait en Roumanie aucun festival de cinéma digne de ce nom, le TIFF, loin d'arriver comme un cheveu sur la soupe, répondait à une réelle nécessité. Il fallait ériger une fenêtre représentant les nouvelles cinergies du cinéma roumain qui, chaque année, en dirait long sur la production en cours. Aujourd'hui, des centaines de programmateurs et acheteurs internationaux se bousculent aux portes des « Romanian Days », intense section qui présente, durant les derniers jours du festival, les meilleurs longs et courts métrages roumains du moment. C'est une réussite.
Un accomplissement cependant parsemé de déceptions. Le refus de Cristian Mungiu de présenter son dernier film à Cluj a été très mal perçu par les organisateurs du festival, amers. Jusqu'à ce jour, bien que présentés à Cannes en mai, les films roumains trouvaient le mois suivant, en juin, une belle fenêtre dans la programmation hors compétition du TIFF. Mungiu a décidé de rompre cette tradition, ébranlant ainsi les efforts considérables menés par le festival pour le cinéma national. Selon Mihai Chirilov, dix ans après qu'un critique étranger dont on ne se souvient plus vraiment du nom ait identifié le phénomène de « nouvelle vague roumaine », la polémique Mungiu révèle justement un besoin de détachement. Les Cristi Puiu, Corneliu Porumboiu, Andrei Ujică et autres cinéastes fleurons du mouvement expriment un désir d'indépendance.
THE DEATH OF MR. NEW WAVE
Le magazine AperiTIFF, proposant une belle sélection de textes sur le cinéma roumain, titrait cette année : « The Death of Mr. New Wave ». Voilà qui fait grincer des dents. Pour déjouer l'appauvrissement paradoxal de la critique cinématographique en Roumanie, AperiTIFF est le document de référence. Cette initiative du TIFF et du Romanian Cultural Institute in New York, dirigé par Corina Şuteu, a depuis son lancement en 2010 fait ses adeptes. Le premier numéro disséquait avec éclectisme et passion la nouvelle vague à travers plusieurs entrevues et rétrospectives (à lire, entre autres, un superbe article de Mihai Chirilov sur les scènes de dîner dans les derniers films roumains). Aujourd'hui, la désaffectation progressive dont parle Chirilov mènerait à ce qu'il s'amuse à identifier comme « The Birth of Miss New Wave ».
Beyond the Hill en serait l'un des premiers exemples, par son sujet rare pour le cinéma roumain (le calvaire subi par une jeune femme dans un monastère orthodoxe) et son traitement se distinguant du réalisme glauque d'usage.
Nous passerons sur la politique de financement du cinéma roumain par les institutions, frisant la corruption, ou l'inquiétante position de la distribution des films sur le territoire national (le cinéma roumain a plus d'adeptes à l'étranger qu'en Roumanie). Sérieux, attentif, réactif et souvent délicieusement fanatique, le festival de Cluj répond à l'appel et, quoiqu'il arrive, cherche à révéler les tendances sous un même chapiteau de diversité. Pour toutes ces raisons, 2012 est justement l'année à ne pas manquer.
Pendant une semaine, Panorama-cinéma était sur place, participant au jury des « Romanian Days » (composé de Michel Ciment, de la revue Positif, Vincenzo Rossini, directeur artistique du Milano International Film Festival, et Guilhem Caillard). L'occasion idéale de faire le point sur ce vent de fraîcheur, et faire connaître le TIFF, ce festival décidément pas comme les autres.
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