DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Rencontres internationales du documentaire de Montréal 2010

Par Alexandre Fontaine Rousseau
Que reste-t-il du fameux « succès populaire » du cinéma documentaire que certains prédisaient au début de la décennie en notant l'engouement créé par les pamphlets accessibles de Michael Moore et de ses disciples? Trop peu distribué, trop peu vu, trop souvent relégué aux écrans de télévision pour lesquels on n'hésite pas à le charcuter, le cinéma documentaire s'est en quelque sorte réfugié dans le circuit des festivals où il lui est permis d'exister « intègre », au même titre que le cinéma de fiction. À cet égard, on peut dire que le documentaire se porte bien, puisque même un festival traditionnellement consacré au cinéma de genre tel que Fantasia est aujourd'hui muni d'une section spéciale, « Documentaries from the Edge », qui nous a permis de voir plus tôt cette année l'excellent Into Eternity de Michael Madsen.

Il n'en demeure pas moins qu'à Montréal, les RIDM constituent l'incontournable rendez-vous annuel des amateurs de cinéma documentaire. Encore une fois, la programmation de l'événement nous permettra de faire le point sur les différentes tendances que préconisent ces caméras braquées sur le réel. Il y a, évidemment, quelques auteurs de renom dont la présence ne peut être passée sous silence. Il ne faudrait sous aucun prétexte manquer I Wish I Knew, le plus récent film du cinéaste chinois Jia Zhang-Ke, mieux connu du public pour ses oeuvres de fiction puisant leur matière première à même le réel (The World, Still Life). Frederick Wiseman, dont le petit dernier Boxing Gym était présenté il y a moins d'un mois au FNC, est lui aussi au rendez-vous avec La danse - Le ballet de l'opéra de Paris - oeuvre imposante d'une durée de 159 minutes, s'intéressant autant aux relations hiérarchiques qui régissent les rapports humains au sein d'une telle institution qu'aux performances captées.

Une véritable légende du cinéma direct américain, D.A. Pennebaker (Primary, Don't Look Back, Monterey Pop), sera quant à elle de passage à Montréal pour donner une classe de maître et pour présenter son nouveau film, Kings of Pastry, coréalisé par Chris Hedegus (Startup.com). Une autre légende, musicale celle-là, viendra elle aussi faire un tour en ville pour présenter sa tout première réalisation. Il s'agit bien évidemment de Lou Reed, dont la toute première oeuvre Red Shirley traite d'une cousine âgée de presque cent ans qui a vu défiler sous ses yeux le vingtième siècle.

Les mélomanes ne voudront sous aucun prétexte manquer Stones in Exile de Stephen Kijak, documentaire produit par les Rolling Stones en personne que l'on nous promet d'une intimité stupéfiante. Ça sent déjà la débauche à plein nez, ce qui n'est pas pour nous déplaire. Le festival Pop Montréal présente pour sa part Blank City, plongée dans le New York mythique de la fin des années 70. Images Super 8 et 16mm, trame sonore No Wave, références à Jarmusch et Amos Poe, Debbie Harry et Steve Buscemi? Voilà qui sonne trop cool pour être vrai. En réalité, toute la section DocTape, consacrée aux sujets marginaux de tous les acabits, a de quoi piquer la curiosité. Notons au passage Disco and Atomic War, sur la résistance culturelle en Estonie durant la Guerre froide, et Machete Maidens Unleashed! de Mark Hartley, sur le cinéma d'exploitation philippin des années 70.

Les amateurs de documentaire engagé se dirigeront pour leur part vers les sélections Caméra au poing et ÉcoCaméra, qui présentent respectivement des oeuvres à caractère politique et environnementaliste. Notons la présence des plus récents films d'Ondi Timoner (Dig!, We Live in Public) et de Ron Mann (Twist, Grass), Cool It et In the Wake of the Flood. La réalisatrice québécoise Ève Lamont (Squat!, Pas de pays sans paysans) persiste et signe avec L'imposture, sur le milieu de la prostitution. Après le remarqué Junior, Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault nous reviennent avec La nuit, elles dansent qui sera présenté en première mondiale dans le cadre de la section Caméra-stylo. Lavigne donnera elle aussi une classe de maître, le dimanche 14 novembre à 17h.

Des rétrospectives consacrées au producteur et cinéaste Marcel Simard, décédé plus tôt cette année, ainsi qu'à Michel Chartrand (une occasion en or de revoir sur grand écran 24 heures ou plus de Gilles Groulx) complètent une programmation qui, cette année encore, en a pour tous les goûts.

Bon festival!


CRITIQUES

ARMADILLO de Janus Metz (2010)
KINGS OF PASTRY de D.A. Pennebaker et Chris Hegedus (2009)

CAPSULES

LA NUIT OÙ PASOLINI EST MORT de Roberta Torre (2009)
MACHETE MAIDENS UNLEASHED de Mark Hartley (2010)
RED SHIRLEY de Lou Reed & Ralph Gibson (2010)
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Article publié le 10 novembre 2010.
 

Festivals


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