FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM SUR L'ART 2012
2012.03.25
JEAN GENET, LE CONTRE-EXEMPLAIRE (2010)
Gilles Blanchard | 59 minutes
En ces moments de mobilisation citoyenne pour la cause étudiante (comment ne pas en parler?), l'espoir d'une société qui se battra corps et âme pour ses idéaux refait surface; espoir que le flambeau n'est pas éteint et que certaines causes peuvent encore être gagnées. Lors du visionnement du fabuleux
Godin de Simon Beaulieu, je me souviens avoir été envahie d'une profonde tristesse. Moi, génération Y qui n'ai pas connu les attroupements enthousiastes d'un René Lévesque, d'un Gérald Godin, ou encore d'un Gilles Vigneault, moi qui vote contre un parti, et non pour un autre, vais-je côtoyer un jour un personnage qui saura émouvoir, inspirer, bouger les foules?
La négritude, l'homosexualité, la marginalité: Jean Genet (1910 - 1986) aborde ces notions sans aucune pudeur comme s'il les avait lui-même inventées. Sa littérature choque et bouscule dès les premières parutions, tout en faisant germer les réflexions d'une beat generation à éclore. Le réalisateur Gilles Blanchard (Tête d'or, Mauvais oeil, herbes folles et rêve fatal) s'attaque à un énorme morceau de la littérature en misant sur les répercussions sociales de l'oeuvre plutôt que sur son créateur. On s'y entretient avec des théoriciens, des prisonniers, des Africains, des transsexuels, afin de comprendre comment ils ont vécu et vivent toujours « la confrontation Genet ».
Il est fort difficile d'étiqueter le documentaire de Blanchard. Témoignages, discussions libres, mises en scène, pèlerinage sur sa tombe au Maroc; Jean Genet, le contre-exemplaire est un casse-tête d'informations et d'impressions laissées que doit remettre en place le spectateur. Il aurait été absurde de réaliser un film classique sur le maître de la contre-culture, soit. Mais lorsque la forme est à l'avant-plan, à un point tel qu'elle en distraie du fond, le document perd malheureusement sa raison d'être. (LLP)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2012.03.24
HOWARD PHILIPS LOVECRAFT (1998)
Pierre Trividic et Patrick-Mario Bernard | 45 minutes
DOCTEUR SAN-ANTONIO ET MISTER DARD (2011)
Jean-Pierre Devillers | 52 minutes
N'importe quel fan de la littérature lovecraftienne c'est un jour butté à bon nombre de questions sans réponses sur le célèbre auteur de
Dagon et de
L'Appel de Cthulhu. Qui était exactement Lovecraft, d'où tenait-il ces monstres sans nom venus d'abysses impénétrables? À lire
Le Cauchemar d'Innsmouth, nous nous demandions où l'auteur du Rhode Island pouvait bien être allé chercher de telles monstruosités. Les avait-il vus? Sûrement pas. Les avait-il imaginés? Les tenait-il à portée de sa plume, dans un quelconque tiroir de ses rêves les plus fous? Le fait est que Lovecraft provoque l'admiration et la curiosité la plus démente, lui qui parle de choses dont on ne doit jamais parler vient toujours nous murmurer ses histoires d'horreur comme si nous ne devions surtout pas les répéter.
C'est ce pacte du secret entre l'auteur et le lecteur qui le rend si captivant, si unique et c'est ainsi que Trividic et Bernard l'ont abordé.
À l'aide du très peu d'informations qu'ils pouvaient avoir sous la main, ils reconstituent son parcours dans un film efficace et ne faisant pas son âge (1998). Les citations demeurent l'oeuvre d'un travail de recherche remarquable tout comme la volonté de rendre Lovecraft à son temps, celui de l'après-guerre, des années folles et de la grande dépression. Tout à coup, nous n'imaginons plus l'auteur seul dans une maison lugubre pas trop loin de Salem, mais plutôt dans un appartement new-yorkais, aux prises avec ses éditeurs. Sans ne rien inventer, sans rien apporter que nous ne savions pas déjà, Howard Philips Lovecraft remet en perspective celui qui a toujours préféré le monde des plénitudes et a l'honneur d'être un document essentiel pour les avertis et un avant-goût tout à fait efficace pour ceux qui ne se sont pas encore frottés à cet écrivain du domaine des incontournables.
Nous pouvons, bien malheureusement, en dire un peu moins sur Docteur San-Antonio et Mister Dard, un film certes convaincu du génie absolu du créateur de San-Antonio, mais malheureusement trop peu nourri. Alternant principalement entre l'auteur Guy Carlier, Antoine De Caunes et Dard lui-même, le film de Devillers prend en adoration complète son sujet. Carlier, ce chroniqueur n'ayant jamais connu son auteur fétiche, mais qui maria la fille de ce dernier, nous accompagne dix ans après la mort de Dard pour retracer les grandes qualités de l'auteur.
C'est l'occasion pour le spectateur peu versé dans le sujet de retrouver ce personnage de 175 romans s'étalant des années 50 jusqu'aux années 90 (et pour l'amateur, c'est le moment de revoir des entrevues bien familières). Au rythme de quatre romans par année, San-Antonio vit constamment avec son temps, nous dit-on. Il répudie ses contemporains intellectuels (ceux du nouveau roman; Duras, Robbe-Grillet) en se disant de l'école de Céline même si ses requêtes demeurent plutôt de l'ordre de la vodka, du sexe et de la belle vie. Voilà un film peut-être trop attaché à son sujet, certainement bien fait et passionné, mais dont les manques sur le plan discursif l'amènent sur les terres du reportage plutôt que sur celles du documentaire. (MLG)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2012.03.24
UN MUSÉE DANS LA VILLE (2011)
Luc Bourdon | 52 minutes
Les institutions culturelles, en cette province, ne semblent jamais bien stables. Aussitôt prises pour acquises, voilà qu'elles nous glissent entre les mains. Nous nous devons constamment de leur faire la cour, de crier haut et fort notre amour, de porter publiquement notre deuil pour que, dans le meilleur des cas, elles nous reviennent. Peut-être avons-nous aussi besoin de les sentir fragiles pour en remarquer l'importance. Le Québec et la culture, c'est un vieux couple, dans le fond.
Noble personnage de l'art vidéo, Luc Bourdon parcourt au fil de sa carrière le cinéma expérimental, la fiction, les installations vidéo, l'essai et le reportage, pour se consacrer depuis quelques années au cinéma documentaire. Il réalise en 2005 La Grande Bibliothèque, La mémoire des anges en 2008 (portrait poétique de Montréal, réalisé à partir d'extraits de films de l'Office National du Film), et Classes de Maîtres en 2009, portant sur les conservatoires d'art dramatique et de musique du Québec.
Son dernier-né, Un Musée dans la ville épluche le Musée des Beaux-Arts de Montréal, de la conception de son nouveau pavillon au choix de la disposition des œuvres, en examinant la sélection, la conservation et la restauration de celles-ci. On y découvre une enceinte où fourmillent des artisans tous plus méticuleux les uns que les autres, loupe à l'oeil, accordant un soin particulier à un vernis terne, à une cohérence visuelle, à un effet de perspective, ou à la juxtaposition du contemporain face à l'ancien. Bourdon réalise un film élégant, survolant les mécaniques de cette institution âgée de 150 ans, qui survit principalement grâce aux collections privées et à l'intérêt des mécènes pour la diffusion de l'art au Québec. (LLP)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2012.03.23
CHER THÉO (2011)
Paul Lavoie | 13 minutes
ÉDOUARD MANET: UNE INQUIÉTANTE ÉTRANGETÉ (2011)
Hopi Lebel | 52 minutes
Des nombreuses manières de discourir sur la carrière d'un artiste – plus encore lorsque celui-ci s'appelle Van Gogh –, le court-métrage en costumes est le plus laborieux. Cherchant à retrouver dans l'image factice les lieux et les couleurs du célèbre peintre, les films de ce genre s'embourbent la plupart du temps par leur manque de finition, leurs performances touchant au maniérisme plutôt qu'à l'interprétation. Heureusement, en à peine 13 minutes, Paul Lavoie sait être l'exception qui confirme la règle. Osant faire un montage de mots à partir de la correspondance qu'entretint Van Gogh avec son frère Théo, il imagine ce qu'aurait été cette dernière lettre avant la mort envoyée à celui qui l'a toujours supporté. À mi-chemin entre le documentaire et le film à costume,
Cher Théo possède des moments de rare beauté où la chaleur des couleurs et l'exactitude de leurs choix dans un état d'esprit en parfaite adéquation avec le peintre ne sont pas sans rappeler les
Rêves de Kurosawa et
Lust for Life de Minnelli.
À l'opposé, Hopi Lebel, lui-même issu d'une famille plongée depuis longtemps dans les arts (son père Jean-Jacques est un artiste engagé célèbre, son grand-père Robert fut près des surréalistes et un critique influent du début du siècle), connaît de l'art ce qu'il faut connaître; refusant la simple succession d'images et de têtes parlantes, il intègre à son documentaire des galeries virtuelles visant à recréer la disposition originelle de la dernière grande prestation publique d'Édouard Manet. À partir de ce point culminant et final de la carrière du peintre, Lebel plonge dans son passé et tente de percer cette inquiétante étrangeté qu'abritait le visage invinciblement audacieux des nombreuses femmes qu'il mît sur toile.
Du Déjeuner sur l'herbe jusqu'à Olympia, le film analyse, avec la précision théorique la plus intéressante et concise qu'il m'a été donné de voir de tout ce FIFA, le corpus des essentiels de Manet. Trouvant dans ces sujets choisis des implications biographiques, Lebel pointe l'étrangeté que nous ne pouvions comprendre et conclut qu'il ne s'agissait-là que d'une ambition démesurée : changer les mœurs de son temps, dévoiler ce qui se cache en deçà de la France bourgeoise, dévoiler les petits et grands tords d'un monde trop pris dans sa dentelle et, dans le même geste, en dévoiler toute l'humanité. (MLG)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2012.03.21
COMMENT HAUSSMANN A TRANSFORMÉ PARIS (2011)
Yves Billon | 52 minutes
GAUDI, LE DERNIER BÂTISSEUR (2010)
Lizette Lemoine, Aubin Hellot | 54 minutes
La liberté n'est pas une marque de yogourt, dixit Pierre Falardeau, et la modernité n'est pas un lit d'eau en mélamine noire. La modernisation s'est faite en plusieurs étapes témoins de la confrontation de penseurs, d'artistes, et probablement de plusieurs désaxés. Il vaut très certainement la peine de se pencher sur ceux qui ont été assez culottés pour se lancer dans le projet et accoucher du monde tel qu'on le côtoie aujourd'hui.
Paris est moyenâgeuse quand Napoléon III mandate le baron Haussmann de la rénover en 1853. Pendant ses 17 années de règne, le fonctionnaire institue un réseau d'égouts, élargit les rues, standardise et construit plus de 40 000 immeubles, non sans exproprier les moins nantis et endetter la ville. Véritable document, le film d'Yves Billon (réalisateur et co-réalisateur d'une centaine de films, dont Gabriel Garcia Marquez, l’écriture sorcière, Ali Farka Touré, ça coule de source, et Andy Warhol Factory People) est richissime en détails historiques, en témoignages et en images qui affûtent la compréhension de ce personnage visionnaire. Récit agilement ficelé d'une révolution urbanistique.
S'attaquer à Gaudi, tenant compte de la littérature existante et des 3 millions de touristes qui en visitent les monuments chaque année, n'est pas sans danger. Lizette Lemoine et Aubin Hellot se sont effectivement fait avaler par la grandeur de l'architecte. Le documentaire se veut contemplatif du « Gaudisme », courant unique et révolutionnaire, sans en assurer le ton. On y évoque des théories somme toute assez basiques sur la nature et la méditerranée comme source d'inspiration, et le manque de rythme, de substance et de cohérence entre le visuel et le narratif n'en fait malheureusement qu'un autre film sur l'illustre créateur. (LLP)
Rediffusion jeudi le 22 mars à 20h (Auditorium Maxwell-Cummings du Musée des Beaux-Arts de Montréal | Séance 110)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2012.03.21
LA FAMILLE STEIN, LA FABRIQUE DE L'ART MODERNE (2011)
Elizabeth Lennard | 53 minutes
Dans l'ascension populaire des médias sociaux est né un nouveau mal psychologique, communément appelé le FOMO, ou Fear of Missing Out. Nous envahit alors la peur de passer à côté de quelque chose de plus intéressant que ce que l'on est en train de vivre. Certaines époques sont assez riches en bouillonnement culturel pour générer un FOMO à retardement. Personnellement, l'ère de la Factory de Warhol me donnera probablement des complexes jusqu'à ma mort. Mais tant qu'à avoir manqué le bateau, autant l'assumer et courir les films qui vont nous le raconter.
Elle-même artiste multidisciplinaire de renom (photographe, metteur en scène, auteure), Elizabeth Lennard n'en est pas à son premier documentaire sur l'art. Après l'univers de Gisèle Freund, Ryuichi Sakamoto, Edith Wharton, et Serge Piliakoff, elle s'attaque à celui de la légendaire famille Stein, dont le repère parisien rue de Fleurus fut le véritable épicentre de l'avant-garde artistique, au début du XXe siècle.
Originaires de San Francisco, Leo, Gertrude, et Sarah Stein s'installent graduellement à Paris. Le film retrace l'histoire de leurs débuts comme collectionneurs, de la naissance d'un lieu culte d'échange et de discussion (avec Matisse, Picasso, Picabia, Man Ray, Hemmingway, etc.), et de leur existence teintée d'une époque mouvementée en évolution sociale et artistique. Lennard se penche davantage sur Gertrude qui, entre ses quatre murs tapissés de tableaux, développe sa pensée critique et son style littéraire cubiste jusqu'à son identité sexuelle. La cinéaste ne manque pas non plus de sortir ses personnages de leur zone de confort, relatant les guerres, la fuite, et le Cézanne vendu en échange de nourriture.
Le film manie avec une belle musicalité témoignages, images d'archives, et passages tirés de l'autobiographie de Alice Toklas, la conjointe de Gertrude. S'y emmêlent admirablement les accents, la musique d'époque, et la voix forte et retentissante d'une Gertrude Stein récitant sa prose. Biographes, historiens de l'art, théoriciens, se chevauchent pour raconter ce carrefour emblématique de l'art moderne, là où Matisse apprit à théoriser son art, où Picasso s'inspira de Matisse; là où les grands esprits se rencontrèrent, visiblement. (LLP)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2012.03.20
GALLIMARD, LE ROI LIRE (2011)
Réalisé par William Karel | 93 minutes
Le grand vétéran du film sur l'art nous offre une œuvre extrêmement fouillée et éloquente sur la carrière (plutôt que sur la vie) de Gaston Gallimard, fondateur des éditions de même nom, soit de la NRF. S'attaquer au monstre sacré de la littérature française n'est pourtant pas une chose simple, car tout au long de ses 95 années de vie, Gallimard a existé dans le rapport qu'il entretenait avec ses écrivains plutôt qu'en lui même. Karel dresse le portrait d'un contrebandier des lettres, marchand, mécène, équilibriste incroyable sachant calmer les ardeurs de Céline tout comme il parvient à récupérer Proust après lui avoir refusé ses premiers manuscrits. On pourrait regretter que certains penseurs des sciences humaines ne soient pas mis plus de l'avant (mis à part Sartre, tous les « impliqués » sont des hommes de prose et de poésie). Des gens de la trempe de Foucault, de Benveniste, de Panofsky, de Gombrich et bien d'autres manquent à l'appel sans toutefois que cela gâte notre plaisir.
Gallimard, le Roi Lire, porte donc sur des auteurs, et ce peut-être même plus que sur leur éditeur commun; entendant plus souvent des extraits de correspondances, de poèmes et de textes venant des Aragon, Duras et Camus que venant de Gallimard lui-même, la grande originalité du film de Karel est d'avoir su nous présenter un homme sans en parler – en parlant de ce qui s'est passé autour de lui, le spectateur ressentira sans aucun doutes la somme des problèmes auxquels il a dû faire face. Et ça, nous donner un sentiment de vertige en n'utilisant que des images d'archives, des têtes pensantes interviewées (de Le Clézio au le petit-fils Gallimard) et des extraits de bouquins, c'est un fait rarissime dans le monde du documentaire. Peut-être parce que Karel se repose sur la notoriété des gens qu'il cite, mais aussi sur la frondeur de leurs textes lorsqu'ils critiquent l'éditeur, l'effet fonctionne à merveille et nous transpose, le temps d'une heure et demie, aux côtés de Gaston Gallimard, là, en haut, sur le trône du roi lire. (MLG)
Rediffusion le 23 mars à 20:00 (Salle Fernand-Séguin de la Cinémathèque québécoise | Séance 124)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2012.03.20
DÉSERT VENT FEU (2011)
Jill Sharpe | 30 minutes
Georgia O'Keeffe (1887-1986), Emily Carr (1871-1945), Frida Kahlo (1907-1954) : peintres avant-gardistes du début du XXe siècle, pionnières, féministes, et artistes de renom, connues tant pour leur audace que leur interprétation brute et sensuelle de l'américanité. Du désert du Nouveau-Mexique, des forêts de la Colombie-Britannique ou du fin fond de sa chambre dans la ville mexicaine, chacune raconte des bribes de vie, de création, de frustration à travers ses lettres et son journal intime.
La réalisatrice canadienne Jill Sharpe (Weird Sex and Snowshoes: A Trek Through the Canadian Cinematic Psyche, Girls Don’t Fight) propose un film féminin dans la règle de l'art. Désert Vent Feu met en scène les artistes mêmes, rassemblant leurs envolées introspectives et les œuvres qui en ont résulté. L'ouvrage d'une finesse visuelle et poétique notoire n'est pas sans rappeler l'univers solitaire et tourmenté d'une Virginia Wolf des années folles. Construit en scènes-tableaux lumineuses, le film de Sharpe rend hommage à des artistes qui ont su assumer leur regard et leur imaginaire féminin, malgré la critique alors habituée à l'art du sexe fort.
À travers ses trois voix, Désert Vent Feu soulève des questionnements aussi pertinents et actuels que le bien-fondé des théories de l'art et l'ironie de la reconnaissance posthume. (LLP)
Rediffusion le samedi 24 mars à 15h (Cinéma ONF | Séance 135) et à 20h (Auditorium Maxwell-Cummings du Musée des Beaux-Arts de Montréal | Séance 151)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2012.03.19
CAROLYNE CARLSON CHORÉGRAPHIE LE NORD (2011)
Bernard Nauer | 52 minutes
JIŘİ KYLIÁN – MÉMOIRES D'OUBLIETTES (2011)
Don Kent | 52 minutes
Les danseurs parlent tous cette première langue onomatopéesque qui en font souvent des personnages cinématographiquement intéressants. Une langue maternelle, corporelle et viscérale ponctuée de sons et de mouvements, auquel ils reviennent toujours naturellement après une explication dans le langage «des autres».
Carolyne Carlson est l'une de ces danseuses contemporaines à l'énergie nerveuse. Américaine d'origine, la chorégraphe enseigne maintenant à Roubaix dans le Nord-Pas-de-Calais, en France, qu'elle compare constamment avec le New York qui l'a vue danser à l'aube de sa renommée. Mais Carlson est peut-être un personnage trop grand pour se voir confinée à tel format, qui sait. Le cinéaste français Bernard Nauer la suit dans les rues de Roubaix et en répétition, mène des entrevues avec ses collègues de travail pour la présenter comme une personnalité vibrante, impulsive et attachante, certes, mais au passé nébuleux. Sa mission dans une petite ville française échappe, tout comme l'ampleur de sa renommée internationale. Comme si, se laissant submerger par l'hyperactivité de son sujet, le cinéaste en avait perdu son fil conducteur.
À l'opposé, le portrait du chorégraphe tchèque Jiří Kylián pénètre avec un regard contemplatif dans l'univers du danseur. Cinéaste adroit dans le domaine du film sur l'art, Don Kent (Kabuki – La voix du geste, Sidi Larbi Cherkaoui: Rêves de Babel) laisse Jiří Kylián se raconter, de l'enfance au présent, images d'archives, scènes pragoises, et chorégraphies à l'appui. Doucement, la dimension d'un art national prend forme : du cirque de l'enfance au ballet classique, en passant par les airs de Janáček appris au conservatoire, le fantôme de Kafka errant dans sa ville et l'humour noir comme réflexe de survie aux bouleversements politiques. Jiří Kylián est habité tant par Prague l'élégante que l'exil obligé et Don Kent ne manque pas d'en illustrer la cohérence avec son art. Portrait fin d'une âme tranquille, tout à l'honneur de son sujet. (LLP)
Rediffusion le samedi 24 mars à 13h (Cinquième Salle de la Place-des-Arts | Séance 132)
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2012.03.18
CINÉMAS D'HORREUR : APOCALYPSE, VIRUS ET ZOMBIES (2011)
Luc Lagier | 52 minutes
Écrivain, critique, journaliste spécialisé dans le cinéma d'horreur, Luc Lagier a une plume et une voix qui sont familières à quiconque s'est déjà intéressé de près aux discours théoriques sur le genre mal-aimé. Non seulement sait-il brillamment le remettre en contexte, mais il parvient aussi à intéresser le néophyte aux pires expériences d'Eli Roth (
Hostel) ou d'Alexandre Aja (
Haute tension,
The Hills Have Eyes,
Piranha 3D). Ici, en interviewant ces deux derniers en plus de Neil Marshall (
The Descent,
Doomsday) et le duo Jaume Balaguero et Paco Plaza (
[Rec]), le critique parvient à tracer un portrait étonnement riche et concis en moins d'une heure. Destiné à la télévision, son documentaire est riche en extraits et analyses poussées sur l'intelligence d'un genre que l'on associe trop souvent à la simple montagne russe. Outre les sensations fortes que nous procure le cinéma d'horreur par ses mécaniques de mise en scène éprouvées et sa volonté toujours plus fière de défier le bon goût, il y aurait une horreur plus viscéralement ancrée dans nos tripes, dans notre imaginaire collectif.
En partant de
The Hills Have Eyes, Lagier démontre comment ce cinéma, au cours des dix dernières années, s'est constitué (consciemment ou non) comme le paratonnerre de l'ère Bush, de cet impérialisme américain cherchant à modeler à sa propre image les pays qu'il a considéré « primitifs ». Ayant toujours peur qu'un peuple, qu'une force plus ancienne (que l'Amérique, pas aussi vieille qu'elle aimerait l'imaginer) revienne se venger, ces films raconteraient les pires cauchemars américains. La peur d'être jugé pour les crimes qu'ils ont commis en temps de guerre, la peur de voir leur violence se retourner contre eux, tout se mêle à l'utilisation exhaustive des nouveaux médias pour transporter l'image jusqu'à nos salons et nos écrans portatifs. « L'image est devenue le personnage principal de ces films », nous dit-il. En repensant à l'Amérique de l'après 11 septembre et à son cinéma, on ne peut que se ranger du côté de Lagier et saluer la pertinence de son film. (MLG)
2012.03.18
SCIENCE-FICTION ET PARANOÏA: LA CULTURE DE LA PEUR AUX ÉTATS-UNIS (2010)
Clara Kuperberg, Julia Kuperberg | 52 minutes
Explorer la faune du FIFA n’est pas chose anodine. Les cinéphiles se remettent normalement à peine des Rendez-Vous du Cinéma Québécois et profitent de cette célébration des Arts avec un grand A et beaucoup de S, pour céder leur siège aux littéraires, aux architectes en devenir, aux tripeux de musique et aux bouffeux de danse.
Quelques-uns avaient tout de même troqué les hymnes irlandais pour se faufiler entre les historiens de l’art et fouiller l’omniprésente peur de l’autre dans
Science-Fiction et paranoïa : la culture de la peur aux États-Unis. Les réalisatrices Françaises Clara et Julia Kuperberg sont assidues au rayon des documentaires sur l’art étatsunien comme objet masquant un malaise sociétaire (notamment la régression du féminisme dans
Et Hollywood créa la femme, et les relations suspectes du crooner sans tache dans
Sinatra raconté par le FBI).
Elles ont cette fois-ci demandé à Steven Spielberg, James Cameron, Roland Emerich, George Lucas et à certains théoriciens d’analyser le règne de l’invasion dans la mythologie américaine. La forme du monstre à l’écran varie au fil des ères, faisant toujours un écho fidèle à la paranoïa bien réelle; peur de l’étrange, peur de fin du monde, mais aussi peur de l’autre qui, sous ses traits d’homme blanc, cache peut-être le mal des Rouges; peur que la menace soit plus grande, plus intelligente que soi, certes, mais surtout, peur de ne pas pouvoir la reconnaître.
Les périls communistes, soviétiques et nucléaires très populaires dans les années 50 (
Them,
Invasion of the Body Snatchers,
Godzilla) céderont tranquillement leur place aux invasions extraterrestres et à la menace technologique (
Terminator,
Independance Day,
The Matrix), puis aux scénari apocalyptiques (
2012,
Armageddon) et finalement aux dangers d’une atteinte à l’identité (
Inception).
Si les anecdotes des cinéastes sont souvent cocasses et colorées, les extraits de films aux monstres de pâte à modeler joyeusement sélectionnés, et les interlocuteurs intéressants, l’analyse ne va pas vraiment au-delà de ce que le cinépihle averti aura peut-être lui-même constaté. (LLP)
Rediffusion le dimanche 18 mars à 18h (Salle J.A. De Sève de l'Université Concordia | Séance 71)