Dix ans après sa création en réponse au désastre du 11 septembre et dans le souci de relever le Lower Manhattan, voici venu le temps du bilan pour le Tribeca Film Institute. La structure a été créée pour permettre l'accès à de nouvelles sources de financement reservées aux jeunes cinéastes américains, mais pas seulement cela. Aujourd'hui, c'est un large bouquet de programmes de soutien qui est offert à travers diverses catégories, parmi lesquelles nous retrouvons le Latin American Media Arts Fund ou le plus singulier Sloan Filmmaker Fund (dédié aux fictions portant un regard nouveau sur un thème scientifique, mathématique ou technologique). Au rayon des projets les plus attendus ayant reçu le soutien du Sloan Fund, on retrouve
Midnight Sun de Christopher Eigeman, qui mettra en scène Jesse Eisenberg (
The Social Network,
Free Samples) dans la peau d'un jeune scientifique témoin des premiers essais nucléaires de Los Alamos en 1943 (sortie prévue en 2013). Le Tribeca Film Institute, organisme à but non lucratif, roule donc sa bosse avec succès, révélant chaque année de nouveaux talents.
Le Tribeca Film Festival, créé dans la foulée en 2002, rencontre quant à lui toujours les même difficultées pour se positionner sur l'échiquier des grands rendez-vous internationaux. Placé chaque année juste avant Cannes, c'est surtout devenu un événement incontournable pour le public new-yorkais avide de découvrir des titres généralement présentés en première nord-américaine. Trois fortes personnalités du milieu cinématographique sont à l'origine du TFF: Jane Rosenthal, productrice pour la chaîne CBS; son époux, le richissime investisseur, Craig Hatkoff; et Robert De Niro. Quelques mois après la très populaire (et unanimement soutenue) première édition du festival, Tribeca Enterprises a fait l'acquisition de plusieurs salles implantées dans les quartiers de Chelsea et Tribeca. Mais s'il y a un changement majeur à retenir depuis dix ans, c'est bien au niveau de la programmation, aujourd'hui divisée de moitiée par rapport à la première édition, pour atteindre la quantité raisonnable de 89 longs métrages de fiction ou documentaires (et près d'une soixantaine de courts), principalement des oeuvres indépendantes. Réputé pour la qualité de sa programmation, quelques choix menés par le TFF laissent cependant dubitatifs, comme par exemple le maladroit et hautement cliché
Death of a Superhero (Ian Fitzgibbon, 2011), histoire mièvre sur un adolescent victime d'un cancer en phase terminale : distribué par Tribeca Film aux Etats-Unis, le film semble plus avoir été imposé qu'autre chose. Autre zone obscure de la politique de Tribeca : la VOD, que le festival promeut généreusement depuis trois ans. Or, le site officiel ne compte que quatre long métrages et cinq courts issus de la sélection 2012, à côté de certains titres issus des éditions précédentes. L'initiative n'est donc pas vraiment destinée aux spectateurs souhaitant accéder en temps réél à la programmation du TFF sans avoir à se déplacer.
Geoffrey Gilmore, directeur de la création chez Tribeca Enterprises (ayant déjà dirigé Sundance pendant près de neuf ans), annoncait en novembre dernier la création d'un nouveau poste au sein de l'équipe de programmation du festival. Le français Frédéric Boyer prenait la barre de la direction artistique après avoir été remercié par les administrateurs de la Quinzaine des Réalisateurs qui, sous la pression de plusieurs critiques européens, contestaient ses choix jugés « difficiles ». Immédiatement, Boyer a posé les points sur les i : il ne sera pas qu'un simple programmateur pour Tribeca et a bien l'intention de faire partager ses goûts à travers une vision très personnelle de la création contemporaine. Pour le festival new-yorkais, c'est du gagnant-gagnant, étant donné les faiblesses de la programmation au cours des dernières années et l'impressionnant réseau de contacts dont Boyer est porteur. 2012 sera donc une année de transition; le nouveau directeur artistique n'étant arrivé qu'en cours de route, il aura encore besoin de temps pour apporter les transformations souhaitées. Remarqué depuis près d'une vingtaine d'années pour la qualité de son approche et ses propositions inusitées, Frédéric Boyer devrait très vite laisser son empreinte à Tribeca. En novembre dernier, il confiait au journal Le Figaro : « Mon rôle est d'amener une touche européenne, une programmation plus diversifiée à un festival qui est déjà riche en films de studio, polars de Hong Kong, cinéma d'auteur, films fantastiques et documentaires ». Le festival ouvre ainsi en grand les portes d'une nouvelle décennie, et tout est encore à parier sur les prochaines éditions.
En attendant, le Lower Manhattan vibre pendant dix jours jusqu'à la fin du mois d'avril au rythme des projections du festival et de ses réputés «
Talks ». Parmi les rendez-vous les plus attendus, on compte la rencontre anniversaire des 100 ans de la Universal, en présence de Robert De Niro, Meryl Streep et Judd Apatow, les discussions avec le réalisateur Jim Sheridan, ou encore Michael Moore et Susan Sarandon. Pour le côté plus grand public de la sélection, New York accueillera la grande première de
The Avengers (Joss Whedon, 2012) en clôture. Entre temps, Panorama-cinéma vous invite à la découverte de cet événement majeur en Amérique du Nord, rivalisant avec Toronto, Sundance et South by Southwest au Texas, pour notre plus grand plaisir.
>> TRIBECA 2012 : LE BLOGUE DU FESTIVAL
>> ENTREVUE AVEC FRÉDÉRIC BOYER