DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Festival de films féministes de Montréal 2017

Par Claire-Amélie Martinant



Le tout premier Festival de films féministes de Montréal (FFFM) vient de voir le jour. S’il se dit « inclusif » en tentant de refléter les réalités de la diaspora féministe peu ou pas représentées et d’en accroître la visibilité, il cherche également à mettre de l'avant et à offrir une plateforme au travail des cinéastes (femmes ou non), notamment ceux et celles issus des communautés queer, trans et autochtones dont le propos est féministe. Pour cette première édition, 24 courts métrages en provenance de 11 pays ont été projetés, se rassemblant à une intersectionnalité des luttes pour une vision de la pluralité féministe.
 


 
PISCINA
Leandro Goddinho  |  Brésil  |  29 minutes  |  2016
 
Deuxième partie du projet Pool du réalisateur brésilien Leandro Goddinho, Piscina s’attache aux répercussions de la Seconde Guerre mondiale sur les peuples opprimés et la politique de répression menée communément dans plusieurs pays touchant et mettant à mal juifs, tziganes, gais et lesbiennes. La situation au Brésil fut la même qu’ailleurs. Les « répudiés » furent victimes de délation, même au sein de leur propre famille, comme l’héroïne de ce moyen métrage qui fut dénoncée par son père. Recueillie par une amie, elles partagent ensemble des moments d’intimité dans la chaleur de l’été en se prélassant au bord de la piscine. Cette amie amante se réfugiera bien plus tard dans cette même piscine comme un hommage à sa rencontre et à son absence. Bien maîtrisé, ce film regorge d’images édéniques baignées d’un secret qui viendra entacher la relation des deux jeunes filles. Dans une autre veine qu’un François Ozon, tout aussi palpitant et encore plus affriolant, la vérité éclabousse et surprend. La piscine est une oasis, un réceptacle du passé, du présent, une consécration à l’indolence et la délectation. Le vert d’eau environnant ondoie doucement et s’accole à la peau, pénètre les sens, et nous berce d’une symbiose passionnelle. La caméra s’insinue jusqu’aux tréfonds de l’injustice et de la fatalité quasi létale avec pertinence et divulgue une intimité qui peine à sortir de sa cavité. 




LE BLEU-BLANC ROUGE DE MES CHEVEUX 
Josza Anjembe  |  France  |  21 minutes  |  2015
 
Une jeune fille, Seyna, en passe d’atteindre l’âge légal de la majorité, se réjouit à l’idée d’acquérir la nationalité française. Son père Amidou, immigré camerounais, ne voit pas les aspirations de sa fille d’un bon œil et les tensions déjà palpables dans le foyer familial redoublent d’intensité. Assidue et appliquée dans ses devoirs, elle est impatiente et nerveuse à l’idée de découvrir les résultats du baccalauréat français qui lui permettront de continuer ses études et accréditeront sa pleine intégration dans la société française qui l’a vu naître. Courageuse et déterminée, elle entreprend les démarches afin d’obtenir sa carte d’identité, faisant le choix de la France auquel elle s’est intimement attachée. De par ses particularités physiques inhérentes à son origine camerounaise, elle n’aura d’autre choix que d’apposer un changement radical à sa chevelure, une épreuve de plus pour acquérir sa nationalisation sur fond de discrimination raciale. Ce court métrage éducatif sur les problèmes de discrimination et de nationalisation fait état d’une France qui rejette au lieu d’accueillir et se trouve désemparée face aux choix des générations issues de familles d’immigrés. Sous le joug du patriarcat, Seyna interprète avec brio les répercussions d’une cellule familiale divisée et bouleversée par la question de l’identité et révèle les dissonances entre générations qui peinent à s’entendre sur un devenir.




LA RONDE DE MINUIT 
Gabrielle Demers  |  Québec  |  10 minutes  |  2016
 
Récompensé du prix du Meilleur film étudiant aux Rendez-vous du cinéma québécois 2016, La ronde de minuit s’inspire de l’esthétique de la nouvelle vague chère à la réalisatrice et en reprend ses codes avec tact et sensibilité. L’ambiance nocturne étant naturellement propice aux élucubrations charnelles, une jeune femme se laisse consumer dans les circonvolutions de l’amour. Sous des airs jazzy qui nous bercent et nous enveloppent d’une étreinte bienfaisante, la facture noire et blanche des images instille une certaine proximité renforçant l’ambiance feutrée de l’appartement qui surplombe la ville éclairée de ses mille feux. Autour d’une signature visuelle dansante et séduisante, la jeune fille est confrontée à une réalité tout autre. Si « l’habit ne fait pas le moine », le contexte ne fait pas la situation. Charmée et séduite par un homme, elle se rendra rapidement compte du traquenard dans lequel il l’a entraînée et l’a manipulée. Délaissée et ignorée juste après la rencontre sexuelle — l’homme prend sa douche puis fait mine de dormir sans un regard ni un geste à son attention —, elle espère tout de même un brin de considération face à l’indifférence et l’irrespect pour le peu troublant que lui sert son compagnon de nuit. À l’évidence cet homme qui n’a aucun égard pour ses conquêtes amoureuses, reflète la réalité toujours actuelle et crue de l’objectivation du corps de la femme vu comme un simple instrument, un exécutoire de satisfaction sexuelle.
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Article publié le 1er juin 2017.
 

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