DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Festival du cinéma latino-américain de Montréal

Par Guilhem Caillard
DU 1er AU 24 AVRIL 2011

Alors qu’en 2009 le complexe Ex-Centris, lieu d’accueil privilégié de plusieurs festivals, annonçait sa fermeture, et que la communauté cinématographique criait au scandale, le Cinéma Du Parc continuait à faire rouler sa programmation habituelle vouée aux indépendants. Son directeur/programmateur Roland Smith a su miser au bon moment sur la manne festivalière, et ce, en créant de nouveaux rendez-vous associés à l’organisme. Si nous connaissions le Festival du film sur les droits de la personne, ont depuis peu surgi le Festival du film brésilien, hongrois, mexicain, japonais... Et quand on vient d’apprendre le retour de l’Ex-Centris sur l’échiquier montréalais, le Cinéma Du Parc semble définitivement s’être tracé un nouveau chemin, une particularité qu’il entend bien défendre.

Certains dénonceront la surenchère, comme si Montréal n’était pas assez gavée de propositions du genre. Soit. Mais pour l’entêté Roland Smith oeuvrant depuis plus de trente ans dans le secteur, il s’agit moins d’imposer des manifestations récurrentes plutôt que de laisser libre cours aux initiatives selon les opportunités. Une once de partenariat avec une association et le Consulat de Turquie se laisse entrevoir? Qu’à cela ne tienne, le Festival du cinéma turc voit le jour (du 6 au 12 mai prochain). C’est de cette façon qu’une collaboration avec l’ex-programmateur de Festivalissimo Yuri Berger débouche sur un projet de Festival du cinéma latino-américain et des ententes avec les consulats du Pérou et de l’Argentine. Et si la valse surfaite des ambassades est évitée, c’est aussi parce que mijotent derrière l’acronyme du FCLM de belles découvertes cinématographiques.


LAS MALAS INTENCIONES de Rosario García-Montero

Plus d’une trentaine de longs métrages, la plupart des fictions, mais aussi quelques documentaires et courts métrages sont au rendez-vous. La sélection compte des cinématographies parmi les plus populaires, telles que le cinéma colombien, ou encore argentin qui s'illustre à merveille avec Carancho, le film d'ouverture. Mais le FCLM fait aussi la part belle à des oeuvres plus rares. Déjà nombreux sont les impatients de découvrir Las Marimbas del Infierno, un film guatémaltèque. L’histoire raconte l’association mouvementée d’un joueur de marimba (instrument traditionnel) avec un adepte de heavy metal. Reconnu par le Prix du jury du Festival de Torino, le film a fait le tour des festivals sud-américains, salué pour sa modestie et la finesse de sa mise en scène.

Si Las Malas Intenciones connaît quelques longueurs, son approche des personnages fondateurs de la mythologie nationale du Pérou vaut le détour. La réalisatrice Rosario Garcia-Montero - qui signe son premier film - suit avec force d’attachement le mal être de Cayetana, une enfant issue d’une famille bourgeoise instable. Divorcée, sa mère brille par son absence et ses maladresses lui attirant le mépris de la fillette tandis que le pays traverse une grande instabilité politique (les attaques terroristes du Sentier Lumineux, groupe d’obédience maoïste, dans les années 80). Lasse des poupées banales qui couvrent les étagères de sa chambre, Cayetana explore les questions de la paternité en se créant un univers où elle converse avec les grands héros de l’Histoire de son pays. Ainsi tombe-t-elle sur Miguel Grau, général de la marine disparu lors d’une bataille contre les Chiliens; mais aussi, le chef inca Tupac Amaru et Simon Bolivar, fiers opposants aux envahisseurs espagnols. Cayetana retrouve le passé, utilise sa connaissance de l’Histoire pour révéler aux héros leurs échecs à venir. Les leçons de morale et de patriotisme rabâchées en classe trouvent là un écho ironique et préoccupant alors que les codes sociaux et familiaux régissant la réalité qui entoure la fillette sont une nouvelle fois bouleversés. La réalisatrice détient ainsi une belle entrée pour illustrer leur absurdité et celle de toute une époque (la crise des mouvements contestataires de 1980 prend fin vingt ans plus tard, en 2000). D’autant plus lorsqu’elle introduit de superbes scènes d’animation pour décrire l’univers imaginaire de Cayetana. Original et juste, le ton de ce film que l’on soupçonne autobiographique mérite toutes les attentions.

Tant qu’à y être, du côté du Pérou, restent à voir le très attendu Octubre, prix du jury Un certain regard à Cannes, et le film Paraiso, exploration de l’ennui dans un univers adolescent. Enfin, le documentaire hommage à la culture gastronomique Mistura, el Poder de la Cocina propose une toute autre approche de la mentalité péruvienne (les festivaliers sont d’ailleurs conviés à une dégustation gratuite).

Au rang des figures cultes, le FCLM brille par la visite montréalaise du franco-chilien Alejandro Jodorowsky. En collaboration avec l’Université de Foulosophie, sont présentés l’iconoclaste The Holy Mountain et le récent Santa Sangre, film loin d’être étranger à la tradition du giallo italien. Comme quoi, le festival réussit à sa manière à déborder de son registre. Il faut noter que l’évènement détient aussi son propre jury formé de Sophie Deraspe (Les Signes Vitaux), de la cinéaste Carmen Garcia et de Peter Rist, professeur à Concordia et spécialiste de l’Amérique du Sud. Il leur reste une dizaine de jours pour déterminer le film qui, parmi la sélection officielle, aura su marquer la programmation.
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Article publié le 6 avril 2011.
 

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