DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Ciné Zapping : Délires post-apocalyptiques

Par DJ XL5
« My life fades. The vision dims. All that remains are memories.
I remember a time of chaos. Ruined dreams. This wasted land
. »
The Road Warrior

En 1979, nous étions nombreux à ne pas en croire nos yeux. Bolides hurlants, la version française de Mad Max, galvanisait littéralement nos écrans.  Un mélange ingénieux de western spaghetti (tel que Sabata), de film d’anticipation (A Boy and His Dog ou Damnation Alley), de film de motards (Rebel Rousers), de cinéma d’action (Electra Glide in Blue), de film de bolides (Vanishing Point ou Death Race 2000) et de film de vengeurs des années 70 (Death Wish). Deux ans plus tard, George Miller poussait l’expérience encore plus loin avec The Road Warrior. Le genre post-apocalyptique était né et plusieurs pays, dont l’Italie et les Philippines, allait produire un nombre accru de simulacres post-nucléaires.
 
Les décors se résument bien souvent à des usines désaffectées, des carrières de sable, des bâtiments en ruine, des centrales électriques et quelques terrains vagues ou édifices abandonnées (délabrées de préférence). Les looks « cyber-punk » et « new wave rebel » dominent le palmarès. Certains réalisateurs italiens notoires tels que Lucio Fulci, Sergio Martino ou Joe D'Amato ont flirté avec le genre. Le réalisateur philippin Cirio H. Santiago a régulièrement exploité la recette. Les histoires sont généralement inutilement compliquées et prétextes à des poursuites rocambolesques avec des bolides de fortune ornés de tôles blindées. Les dialogues sont risibles et les acteurs adoptent majoritairement un jeu exagéré évoquant les stéréotypes de la bande dessinée.
 
2019, après la chute de New York (2019 After the Fall of New York, 1983) de Sergio Martino est une telle ineptie que le visionnement tient du délire. Un héros au nom wagnérien (Parsifal) doit retrouver le dernier espoir de l’humanité - la dernière femme féconde, en l’occurrence la fille d’un imminent savant embastillée au coeur de New York, en plein refuge de fascistes futuristes et de brigands de pacotille. Ça sent le Escape from New York  à cinq cents. Le film met en vedette l’exécrable Michael Sopkiw, le toujours jouissif George Eastman et une esclave sexuelle hermaphrodite. Les répliques sont impayables, particulièrement dans la version doublée en français. Le film réussit à enchaîner à un rythme d’enfer les scènes d’action et les personnages les plus excentriques, dépassant le grotesque. Tout y est laid. Tout! Aussi excitant que mal foutue.
 
Joe D'Amato (né Aristide Massaccesi 1936-1999) est l’un des maîtres incontestés du cinéma d’exploitation et de la série B italienne. Il réalise sous une quarantaine de pseudonymes quelques 355 films, dont une quantité effarante de films pornographiques. On le surnomme le Ed Wood Italien et D’Amato Ketchup. Nihilistes, pessimistes et sombres à souhait, ses films sont régulièrement teintés de machisme et de misogynie. En 1983, sous le pseudo de Kevin Mancuso et Steven Benson, il réalise coup sur coup deux sagas post-apocalyptiques : 2020 Texas Gladiators et Le Gladiateur du futur (Endgame), coréalisé avec George Eastman. Ridicules, rythmés, gores et psychotroniques, ces deux films sont emblématiques du cinéma italien d’exploitation des années 80. Les curieux devraient aussi voir Interzone (1987) de Deran Sarafian, produit par Joe D'Amato. La scène du casino au premier tiers du film vaut à elle seule le visionnement.
 
Un peu comme D’Amato, Enzo G. Castellari a embrassé de nombreux genres cinématographiques, mais l’histoire retient surtout ses trois films post-apocalyptiques : Les Nouveaux barbares (The New Barbarians / Warriors of the Wasteland, 1982), Les Guerriers du Bronx (1990 : The Bronx Warriors, 1982) et  Les Guerriers du Bronx 2 (Bronx Warriors 2, Escape from the Bronx, 1983). Les Nouveaux barbares avec Fred Williamson et George Eastman est probablement l'un des films des années 80 ayant les plus mal vieilli, ce qui procure un plaisir kitsch assuré. Le pire synthétiseur au monde ne se contente pas de faire l’horrible musique, mais s’occupe aussi de produire les effets sonores des véhicules motorisés et des armes. Les Guerriers du Bronx est du sous-Escape From New York Mad Max style! Mark Gregory (dans le rôle de Trash) est probablement le pire acteur de sa génération. Imaginez un culturiste stoïque ou un Sylvester Stallone des pauvres. D’ailleurs, dans la version française du film, le doubleur de Mark Gregory s’avère être le même qui prête sa voix à Stallone. Le premier film met aussi en vedette Fred Williamson et Christopher Connelly alors que le second offre à Henry Silva un rôle de crapule insensible et déterminé.
 
Dans le même ordre d’idées, les Philippines nous apportent Cirio H. Santiago, qui a réalisé plus de 65 films. Ses genres de prédilection : films d’action, guerre Vietnamienne, femmes en prison et blaxploitation. Sa filmographie compte quatre films dans le genre Mad Max cheapo dans une carrière de graviers : Les Roues de feu (Wheels of Fire / Les Guerriers du futur, 1985) Apocalypse Warriors  (Les Exterminateurs de l'An 2000, 1986), Les Nouveaux conquérants (Future Hunters, 1986), Dune Warriors (1990) et Raiders Of The Sun (1992). Mettant en vedette Robert Patrick, Les Nouveaux conquérants est de loin le plus divertissant et le plus réussi. Une histoire irracontable et un univers surréaliste intriguant font de ce film un spectacle étrange comme un rêve fiévreux.
 
Personnellement, mon favori dans toute cette vague reste Le Chevalier du monde perdu (Warrior of the Lost World, 1983) de David Worth. Le doublage de la version française est absolument impayable et les acteurs Robert Ginty, Fred Williamson, Donald Pleasence et Persis Khambatta jouent tous dans un style à la limite de la caricature du genre. Mon dialogue préféré : « Tu veux peut-être que je te le secoue? Qu’est-ce que t’as dans l’citron, soldat? Des nouilles! »
 
Vous serez intrigués par l’efficace Cherry 2000 de Steve De Jarnatt avec une jeune et sexy Melanie Griffith. OVNI culte à la limite de l’obscurité, Cherry 2000 mérite le coup d’oeil.   On ne peut s’empêcher de rire en voyant le fiasco américain Mega Force de Hal Needham avec un Barry Bostwick qui joue dans le sexy en jumpsuit lycra, une Persis Khambatta accessoire et un Henry Silva fidèle à lui-même.  Votre foi sera finalement mise à rude épreuve en visionnant Waterworld de Kevin Reynolds.  Quel gâchis! Et que dire de The Postman de Kevin Costner? Rien! Écrire le moindrement sur ce film pourrait attirer l’attention d’un lecteur curieux.
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Article publié le 23 avril 2010.
 

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