DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Les spectres du colonialisme : Iconographies monstrueuses dans le cinéma des Autochtones du Canada et de la Nouvelle-Zélande


:: The Moogai (Jon Bell, 2024) [Causeway Films / Head Gear Films / et al.]


C’est avec le succès global de
Night Raiders (2021) que j’ai commencé à constater le pouvoir politique du cinéma de genre dédié aux récits des Premiers Peuples, que j’associais alors plutôt au documentaire de lutte et au drame social. Mettant en scène un monde futuriste où un gouvernement autoritaire vole les terres et les enfants autochtones afin de les asservir à ses besoins, cette coproduction canado-néo-zélandaise s’approprie les codes de la science-fiction dystopique pour rappeler les crimes colonialistes subis par les Premières Nations. Le film a une portée universelle, qui reflète l’expérience des Cris à l’écran, mais aussi des Autochtones de la Nouvelle-Zélande (incarnés par l’acteur samoan-maori Alex Tarrant dans le rôle de Leo). L’iconographie symbolique qui caractérise le cinéma de genre permet alors une forme de rapprochement international qui s’abreuve aux heurts communs d’un imaginaire souillé par les traces d’un impérialisme qui, comme les monstres du cinéma d’horreur, dévore les enfants et pervertit la nature.

Question de poursuivre dans la veine du film de Danis Goulet, qui me semblait proposer une association pertinente entre les Autochtones de deux dominions britanniques à majorité catholique, je me pencherai ici sur un corpus de films canadiens et néo-zélandais qui inclut aussi Blood Quantum (2019), The Moogai (2020), Don’t Say Its Name (2021), Ruarangi (2022), The Voyager’s Legacy (2022), Slash/Back (2022) et Muru (2022). Les rapprochements thématiques et symboliques que je soulignerai viseront à cerner une expérience partagée malgré les milliers de kilomètres qui séparent les terres ancestrales des Autochtones de ces deux dominions, dont les écosystèmes et les cultures ont été ravagés par la même raison commerciale occidentale. Contrairement aux études traditionnelles du cinéma de genre, il ne sera donc pas question d’interroger les spécificités folkloriques régionales d’où proviennent les mythes cinématographiques, mais d’identifier une sorte de croquemitaine global dont les griffes s’étendent sur toute la planète, et dont la dénonciation s’effectue grâce à une récupération politique des codes narratifs prévalents dans ce type de cinéma.

L’iconographie de Night Raiders, je l’ai évoquée plus tôt, puise allègrement dans les lieux communs du cinéma de science-fiction, avec ses images de soldats casqués, endoctrinés dès l’enfance, qui victimisent des indigents dans leurs bidonvilles et les groupes de rebelles tapis dans la forêt, loin des zones industrielles cyclopéennes où fument incessamment les cheminées. Si bien qu’il semble s’agir d’un énième film dystopique où la direction artistique suffit à tout expliquer. Les critiques adressées au film pour son manichéisme [1] nous apparaissent donc d’autant plus stériles que celui-ci joue ostensiblement dans les platebandes d’un genre classique porté par des valeurs anti-impérialistes (a-t-on déjà critiqué Star Wars [1977] pour son manichéisme ?). Même chose pour les oppositions formulées à l’égard du développement lacunaire des enjeux sociopolitiques du récit [2], qui se déroule dans un monde où tout va de soi. S’il existe un problème avec Night Raiders, c’est sûrement sa trop grande lisibilité, ancrée dans une satire peu subtile de l’entreprise coloniale. Blood Quantum, le film de zombies tarantinoesque de Jeff Barnaby, commence également par une séquence (animée) où un personnage de femme enceinte, lié aux cours d’eau par un réseau de racines bleutées (présumément Mère Nature), est agenouillé sur un rocher devant un paysage industriel orangé, symbole caricatural d’une forme de progrès délétère pour les pratiques, mais surtout pour les territoires ancestraux des peuples autochtones.

La représentation apocalyptique du développement industriel occidental est indissociable d’un des leitmotivs centraux de mon corpus, soit la critique de la dégradation de l’écosystème provoquée par l’intervention des Blancs. Celle-ci sert d’ailleurs de préambule à Night Raiders, où le prologue est narré en langue crie par une aînée qui déplore la présence sur son territoire de « moustiques géants », c’est-à-dire des drones de surveillance dépêchés par « le Régime » pour intercepter les fuyardes et contrôler les populations. Or, c’est notamment le rapport à ces drones qui dénote la spécificité idéologique de l’œuvre. Considérés comme des créatures vivantes par la jeune héroïne mystique Waseese (Brooklyn Letexier-Hart), qui les assimile aux oiseaux avec lesquels elle communique et leur assigne des facultés biologiques — « il respire encore », dira-t-elle d’une carcasse écrasée au sol — ceux-ci constituent en somme des entités perverties par la raison colonialiste, dépouillées de leur fonction naturelle au profit d’une fonction strictement oppressive.


:: Blood Quantum (Jeff Barnaby, 2019) [Prospector Films]


Dans
Blood Quantum, ce sont les saumons pêchés par l’aïeul Gisigu (Stonehorse Lone Goeman) qui sont les premières victimes du virus zombifiant qui finira par frapper le monde entier. La séquence est marquante : le vieil homme dépose sa pêche du jour sur une table et procède à l’éviscération. Le geste est sûr, vigoureux, inscrit dans une tradition immémoriale, de sorte qu’il est d’autant plus surprenant de voir les créatures évidées commencer à gigoter, puis à s’agiter sur le sol. Le drame qui se déploie alors est double : non seulement le spectacle des poissons morts-vivants est-il totalement contre nature, mais il implique aussi la fin d’un des modes de subsistance traditionnels de la population locale — « Cela fait 60 ans que je pêche dans ces rivières », dira Gisigu, « et c’est la première fois que je vois cela. » Et même si la figure du zombie blanc, prédateur décervelé avide de destruction, finit par primer dans l’économie symbolique du film, il n’en reste pas moins que la métaphore initiale est celle de la subsistance volée, qui rappelle à cet égard les conserveries à saumon construites sur le fleuve Fraser dans le documentaire de Sean Stiller, Returning Home (2021).

Le Slash/Back de la réalisatrice inuit Nyla Innuksuk s’approprie lui aussi les codes du cinéma d’horreur occidental, et plus précisément l’imagerie de The Thing (1982), pour évoquer l’idée d’une perversion de la faune provoquée, cette fois, par une puissance coloniale extraterrestre. Lorsqu’un vaisseau intersidéral se pose non loin du village de Pangnirtung, dans le Nunavut, il en sort des animaux déformés, des ours polaires et des caribous dont les mouvements maladroits, grotesques, renvoient aux bestiaux tordus imaginés par Rob Bottin pour le film de Carpenter, revêtant dans les circonstances une connotation plus spécifique, relative aux effets délétères causés par les envahisseurs étrangers sur les écosystèmes locaux. Mais il y a plus, parce que derrière la présence de ces « extraterrestres qui prétendent ne pas être des extraterrestres » se cache l’idée d’une « Inuk qui prétend ne pas être une Inuk », à l’instar de la jeune héroïne Maika (Tasiana Shirley), qui méprise les mythes et l’art traditionnels de son peuple. Il est donc aussi question d’acculturation ici, et c’est là que la chasse aux envahisseurs revêt une importance particulière puisqu’elle permet aux protagonistes de renouer avec les pratiques et les outils ancestraux de leur nation. Dans une perversion amusante de l’horizon d’attente du public allochtone, la musique utilisée lors des séquences d’action s’inscrit en outre dans la tradition locale, incluant les chants de gorge de la célèbre Tanya Tagaq, coréalisatrice et sujet principal du magnifique documentaire onéfien Chasseuse de son (2022). C’était le cas également dans Blood Quantum, où le combat final entre Gisigu et les hordes de zombies s’effectue sur des chants traditionnels.

Don’t Say Its Name, mis en scène par le réalisateur cri Rueben Martell, dépeint lui aussi le viol du territoire, mais à travers un récit de vengeance spectral impliquant le retour du refoulé. Puisant dans les thèmes chers au cinéma d’épouvante occidental, le film s’intéresse à la revanche d’outre-tombe orchestrée par une militante autochtone (Sheena Kaine) assassinée par l’un des employés d’une compagnie minière à qui le conseil de bande a cédé des terres sans l’appui de la population locale. Et même si la représentation monstrueuse de l’acte de vengeance perpétré par la pauvre Kharis tend à diluer le propos politique du film, la scène de meurtre initiale est assez prenante. Marchant sur une route isolée la nuit, la jeune femme est pourchassée par un gros camion dont on ne voit pas le chauffeur, et qui, à la manière du Duel (1971) de Steven Spielberg, évoque une forme de technologie anthropophage, dissociée de toute humanité. La puissance infernale du véhicule suggère en outre une force surnaturelle qui vient perturber la quiétude de la forêt nocturne, à la manière d’un tueur de slasher. Un stalker shot lui est même consenti.



::Brooklyn Letexier-Hart (Waseese) dans Night Raiders (Danis Goulet, 2021) [Alcina Pictures / Eagle Vision / et al.]


:: Moogai 
(Jon Bell, 2024) [Causeway Films / Head Gear Films / et al.]

Les questions d’acculturation ont beau traverser la majorité du présent corpus, incluant la jeunesse aliénée de Slash/Back qui retrouve petit à petit sa fierté nationale dans les tatouages et les outils inuit traditionnels, elles transparaissent de façon encore plus traumatique dans le vol littéral des enfants autochtones consigné à l’écran. Dans Night Raiders d’abord, où le kidnapping de Waseese et son incarcération dans une académie militaire rappellent ostensiblement les pensionnats autochtones du Canada ; puis dans The Moogai, où le réalisateur Jon Bell s’inspire des « générations volées » par le gouvernement australien pour distiller une iconographie d’épouvante coloniale. Dans la première scène du film, une jeune mère effarouchée, Sarah (Shari Sebbens), revient de l’hôpital avec son bébé et son copain Fergus (Meyne Wyatt), qui remet le poupon entre ses bras. La caméra effectue alors un zoom vers elle, puis vers l’enfant, évoquant une force surnaturelle qui aurait déjà jeté son dévolu sur lui. Sarah commence dès lors à croiser une fillette autochtone fantomatique, venue la mettre en garde contre une entité mystérieuse qui épie sa famille en quête du bébé. Décrite par l’héroïne comme un homme blanc nu aux yeux rouges, cette entité demeurera tapie en hors-champ, visible seulement pour les personnages autochtones, mais incarnée par le public dans une série de plans subjectifs de nature prédatrice… jusqu’à ce que ses mains finissent par se manifester, pénétrant dans le cadre pour soutirer le garçon des bras de sa mère.

Si les images du film semblent familières, voire lourdement connotées, incluant celles du petit spectre décharné, de la poignée de porte agitée ou du loquet tournoyant, de l’œuf ensanglanté qui sort de la coquille cassée par Sarah ou de la voiture qui roule la nuit sur une route de campagne ténébreuse, ce n’est que pour mieux souligner la spécificité culturelle de la créature titulaire. Conçue par les Aborigènes du Pacifique comme un croquemitaine, elle est assimilée ici au gouvernement australien, une entité omniprésente au regard omniscient qui œuvre anonymement dans les coulisses de l’univers autochtone et dont les « bras longs » s’immiscent subrepticement dans leurs affaires — à la manière des policiers de Muru, que j’analyserai bientôt. Pour le réalisateur Jon Bell, que Leo Koziol a interviewé à l’occasion de la sortie du long métrage de The Moogai (voir le texte Nouveautés autochtones dans le présent dossier), la métaphore est claire : « Le récit des générations dépossédées est tellement déjà une histoire d’horreur que ça semblait être la façon idéale de le raconter. Certains de ces récits sont de vraies histoires d’horreur. Si tu accentues seulement certains éléments, le projet décolle automatiquement. Prends un gouvernement monstrueux et transforme-le en véritable monstre et puis, soudainement, tu as tout ce travail d’accentuation. » Le monstre ici, c’est le gouvernement australien, dont le legs s’enchevêtre de manière perverse avec la mythologie autochtone. Dans une autre entrevue, consentie à Senses of Cinema, le réalisateur déclare :
 

On voit le Moogai, c’est comme un croquemitaine. Il y a aussi deux autres mots, Wongai et Dagai. Lorsque les Blancs ont débarqué en Australie, beaucoup d’Aborigènes croyaient qu’il s’agissait de spectres. Le mot que nous utilisons maintenant pour les Blancs est « Dagai », mais c’était originalement le nom d’un esprit. « Moogai » aussi était originalement le nom d’un esprit, mais nous l’utilisions pour décrire un croquemitaine.

Il y a encore beaucoup d’appréhension chez les familles autochtones lorsque les enfants naissent à l’hôpital. Qu’il y ait des jugements de valeur et que le gouvernement soit impliqué. Alors, pour trouver une créature, j’ai fusionné ces deux idées, j’ai réuni le Dagai et le Moogai. Le Moogai est un croquemitaine, comme un djinn, mais dans ce cas-ci, en réunissant ces deux idées, il s’en prend spécifiquement aux enfants et à certaines familles. Tout le concept des œufs, c’est que, quand Sarah aperçoit des fœtus de poulet dans les œufs, c’est un commentaire sur l’élevage des animaux. C’est la façon dont le Moogai traite les êtres humains — il prend les enfants à leurs familles comme l’on prend des œufs dans un poulailler. [3]


Le drame historique teinté d’éléments de genre, qui caractérise la production néo-zélandaise récente, réutilise aussi les codes narratifs et l’imaginaire du cinéma occidental pour interroger le sort des Autochtones sous les régimes coloniaux dans le sud du Pacifique. Dans Ruarangi d’Oriwa Hakaraia, un jeune Maori est pourchassé par son père dans une séquence d’action qui rappelle l’Apocalypto (2006) de Mel Gibson. Il se retrouve ensuite prisonnier d’un galion britannique, où se déploie l’iconographie du cinéma d’aventure mais dans une sorte de subjectivation de la captivité, obtenue au gré d’une mise en scène carcérale misant sur d’expertes compositions claires-obscures. Dans le magnifique Voyager’s Legacy de Bailey Poching, qui relate l’époque des « dawn raids » (raids de l’aube) de la Nouvelle-Zélande des années 1970, les enfants d’une famille samoane prennent refuge dans un univers fantastique, doux et lumineux, recouvert d’un beau grain pastel, pour conjurer la dure réalité des purges auxquelles font face leurs parents. S’abreuvant aux images de rois et de chevaliers des contes arthuriens, mais aussi aux personnages caricaturaux des cartoons américains, ils parviennent non seulement à esquiver la réalité ambiante, mais à soustraire leurs parents aux violences policières perpétrées par des « cochons » de service qui reçoivent ici les coups plutôt que de les distribuer. « Nous voulons raconter comment le héros a vaincu le monstre », concluent finalement les enfants, résignés devant la réalité des faits ; « voilà l’histoire que nous voulons vous raconter. »
 


:: Alexis Vincent-Wolfe (Jesse), Tasiana Shirley (Maika) et Nalajoss Ellsworth (Uki) dans Slash/Back (Nyla Innuksuk, 2022)
[Good Question Media / Mixtape VR / et al.]


:: Tame Iti (lui-même) dans Muru (2022) [Wheke Group / Jawbone Pictures / October 15]
 

Dans le Muru de Tearepa Kahi, rebaptisé The Raid pour le marché de la vidéo sur demande, les personnages des policier·ère·s sont inspiré·e·s des agent·e·s ayant mené les raids de 2007 sur les Tūhoes de Rūātoki, obéissant à la logique d’un film d’action politique nourri à une logique d’État antiterroriste qui, dans les circonstances, prête naturellement le flanc à une critique anticolonialiste. Les faits ont beau être disputés (par la police néo-zélandaise, dont la réfutation apparaît dans un intertitre liminaire), les producteurs envisagent le film non pas comme une reconstitution des événements, mais comme une riposte. Or, cette riposte s’inscrit ici dans un simple jeu de focalisation, où l’on alterne entre la perspective des habitant·e·s de Rūātoki, et plus spécifiquement du Sergent de la police locale, « Taffy » Tawharau (Cliff Curtis), et celle des agent·e·s du Special Tactics Group (l’escouade antiterroriste néo-zélandaise), convaincu·e·s que les camps de survie organisés dans la forêt par le militant Tame Iti (lui-même) font partie d’un complot pour renverser la première ministre. Cette alternance nous permet d’inscrire la population tūhoe dans son milieu de vie, dans ses us et coutumes, et de bien saisir les relations qui lient les membres de la communauté, de sorte que les images de surveillance glanées par la police à leur insu semblent fragmentaires, porteuses d’une vérité partielle, à l’instar des étiquettes judiciaires accolées aux participant·e·s des camps par la police. Le plus flagrant préjugé touche au jeune rebelle Waikura, surnommé Rusty (Poroaki Merritt-McDonald) : ses fréquents séjours dans les centres correctionnels, son chaud tempérament et le maniement hors contexte d’une arme à feu en font un guerrier fanatique à la solde d’Iti aux yeux des pouvoirs en place.

Le fait d’adopter ici le point de vue des cibles de l’opération policière nous force à noter les disparités entre la vérité des Tūhoes et la vérité colportée par le gouvernement à leur propos, laquelle s’inscrit dans une interminable série de dangereux malentendus. Qu’il s’agisse du chant d’ivrognes à propos de la chute de la première ministre, que les autorités assimilent à une menace de mort, du balai de Rusty, mépris tour à tour pour un fusil d’assaut et une batte, de la perception erronée du mot « rama » ou du groupe militant Ngā Tamatoa, voire de l’idée saugrenue de la nation néo-zélandaise comme « écosystème vulnérable», tout cela semble s’inscrire dans une forme de paranoïa substanciée par divers tours de passe-passe symboliques. Le film critique ainsi une forme de construction de la vérité imaginée par des fonctionnaires tapis dans leur bureau qui utilisent des images d’archives (de manifestations maories et d’opérations de survie en forêt) pour bâtir un ennemi de toutes pièces et justifier une intervention étatique unilatérale, qui fait fi de la juridiction de la police locale sur le territoire. Plus largement, le traitement familier du récit nous permet d’interroger la légitimité d’une logique d’État incontestable dans le cinéma d’action, site par excellence d’un manichéisme qui oppose les puissances colonialistes (ex. : le Royaume-Uni de James Bond) à des méchants racisés tout désignés pour le massacre.

Le corpus de cinéma autochtone que je viens d’étudier est une affaire de croquemitaines. D’un côté, il y a les monstres inventés par le cinéma commercial occidental pour tirer profit de l’oppression subie par les groupes marginaux (ex. : les régimes autoritaires impérialistes de la science-fiction dystopique) et les spectres anthropophages du cinéma d’horreur, dont la réappropriation par les cinéastes des Premières Nations est l’occasion de romancer leur propre histoire tout en accusant l’hypocrisie d’une culture dominante qui les incarne activement. De l’autre, il y a les monstres ethniques imaginés par le cinéma « patriotique » pour justifier la raison, et par extension la violence d’État, et dont la déconstruction permet d’interroger tout le processus de création desdits monstres. Mais notre travail d’analyse est loin d’être terminé au vu du changement de paradigme adopté par les cinéastes autochtones, dont les œuvres se diversifient aujourd’hui et se dégagent des assises documentaires historiques de leurs prédécesseur·e·s pour inclure une sensibilité de genre inscrite dans une cinéphilie critique, émancipatrice des codes symboliques du récit colonialiste.

 

[1] Dans sa critique du film, publiée sur rogerebert.com, Simon Abrams mentionne que les «les dialogues insipides et les images ternes font toujours en sorte qu’il soit facile d’identifier pour qui compter et contre qui s’élever». [ma traduction]

[2] Dans la même critique, Abrams déclare : « Ce slogan autoritariste tout usage se distingue ironiquement dans Night Raiders étant donné tout le temps que passent Goulet et ses collaborateurs à insinuer plutôt qu’à développer leur scénario cauchemardesque », évoquant « le mystérieux virus Meekaw ou la guerre tout aussi vague » qui se déroulent en arrière-plan.

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Article publié le 15 août 2024.
 

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