:: Lynn Stewart (Laurie) et Philip Brown (Colin) dans The Bitter Ash (1963) [Larry Kent Productions]
On ne peut parler de canuxploitation sans aborder l'œuvre de Larry Kent, père fondateur du cinéma indépendant canadien et forcené de la série B, bien qu’il reste à ce jour méconnu dans son apport incontestable à notre filmographie nationale. Dès ses débuts, à l’aube des années 1960, ses premières œuvres ont développé avec aplomb leurs propres codes expressifs. Son goût pour une pratique libre, fantaisiste et expérimentale devait l'emporter sur une volonté de cinéma plus aisément commercialisable, mettant la table pour ce qui allait devenir une signature brute qui le suivra tout au long de sa carrière, celle de films triviaux au croisement délibéré de la proposition professionnelle et de l’amateurisme passionné.
Le cinéma de Larry Kent se veut fondamentalement interpellant, sceptique, et d’une nature à choquer la décence, le réalisateur est presque habitué à voir s’enfuir les distributeurs et les programmateurs. Iconoclaste, Kent adresse effrontément les préoccupations de la jeunesse pour ratisser la société entière, détruisant sous son sillage dogmes et idéaux les plus tenaces, talonnant les mœurs sociales sans répit, se faisant le témoin oculaire d’un féminisme hâtif et d’une révolution sexuelle encore fortement réprimée par l’Église et les conventions.
Durablement marqué par la strangulation créative qui régnait dans le contexte d’apartheid de son Afrique du Sud natale, au moment où il quitta le pays en 1957, Kent s’évertue à ce que ses films autoproduits s’inscrivent de bout en bout dans une liberté de création incessible et revendiquée. Des œuvres allergiques aux protocoles, refusant d’emblée les limitations de l'industrie, et se permettant une expérimentation formelle décomplexée. Réalisés dans une ambiance semi-improvisée, fermement ancrée dans l’expérience de groupe et initialement tournés avec des acteurs non professionnels — dont certains deviendront des comédiens confirmés et le suivront tout au long de sa filmographie, pensons à Alan Scarfe, interprète au théâtre dans The Afrikaaner (fin des années 50), pièce écrite par Larry Kent, révélé dans The Bitter Ash (1963), réuni dans The Hamster Cage (2005) —, les films de Kent font un état des lieux dubitatif des thèmes et idéaux les plus subversifs de leur ère, insufflant un vent d’audace et de scandale notoirement sujet à la censure, en nichant le cinéaste toujours plus loin dans les marges.
Larry Kent débarque à Vancouver à la fin des années 1950, tout juste âgé de dix-neuf ans. S'appuyant sur une formation théâtrale, il parvient, dès 1963, à écrire, produire et réaliser une première œuvre, The Bitter Ash, qui reste à ce jour un film majeur de sa filmographie. Il s’agit du premier long métrage à être achevé et projeté en Colombie-Britannique en trente ans. L’occasion pour Larry Kent d’utiliser fièrement les talents universitaires : photographié en noir et blanc par Richard « Dick » Bellamy, qui signera également la photo de son second film, Sweet Subtitute (Caressed, 1964), le film est réalisé de manière indépendante — avec un budget de cinq milles dollars, amassé en travaillant dans une imprimerie — au sein du programme de théâtre UBC Drama Club de l’Université de la Colombie-Britannique où il était étudiant, et tourné avec des acteurs non professionnels castés parmi ses camarades de classe.
Dans un Vancouver provincial où les valeurs hippies et ouvrières se heurtent, The Bitter Ash explore les jeux sexuels de Des (Alan Scarfe, excellent), un jeune imprimeur ambitieux sacrifiant un mariage potentiel et de vagues aspirations à une intégrité morale pour se lancer dans une aventure égotique avec Laurie (Lynn Stewart, remarquable), unie à un dramaturge sans talent qu’elle fait vivre. Nombreuses sont les scènes amenées avec une grande force de persuasion — on croirait avoir sous nos yeux le travail d’un cinéaste confirmé — combinées à des plans élaborés dans une grande simplicité, à la beauté formelle épurée, d’une touchante véracité qui leur confère aujourd’hui une valeur presque iconique. Sa direction d’acteurs est éloquente et subtile. Tout y est relativement crédible. Pour anecdote, la scène de la fête fut tournée en une seule nuit durant laquelle Kent invita des gens dans un open house où chacun apportait son propre alcool. Tour à tour dynamique et posée, représentative du dilemme moral encouru par les protagonistes, Bellamy sillonne l’espace et ses habitants, à coups de gros plans, de caméra épaule turbulente, puis fixe, en jouant constamment sur des contrastes de tempo renforcés par le travail de montage de Kent. La fin abrupte et sans grande conviction trouve même une certaine cohérence et son propre équilibre, en continuité avec les ruptures de tons, habitués que nous sommes par ce crescendo.
:: Scène de la fête dans The Bitter Ash [Larry Kent Productions]
:: Altercation finale dans The Bitter Ash [Larry Kent Productions]
Plus de 700 étudiants assistèrent à la première du film, qui reste à ce jour le plus controversé de Larry Kent. Projeté dans l’auditorium de l’Université de la Colombie-Britannique, il eut droit à une ovation. Dès sa sortie, le film suscita une vive polémique et se heurta à la commission de censure provinciale pour son contenu transgressif — nudité et scènes de sexualité, grossesse hors mariage, blasphèmes, consommation de marijuana — et fut interdit dans tout le pays. Étant dans l'incapacité de trouver une distribution commerciale, Kent prit l'initiative de faire une tournée à travers le Canada pour projeter le film lui-même dans les campus universitaires. Là encore, il se démarque par son modèle d’autodistribution astucieux et avant-gardiste. C’est ainsi que The Bitter Ash fut ironiquement présenté en toute impunité à une majorité de jeunes adultes dans un cadre scolaire, tandis qu’il restait interdit de visionnement à leurs parents, car non distribué en salles. Désormais devenu un classique, The Bitter Ash n’a pas manqué de créer débat au sein même de la communauté étudiante ; un critique du Ubyssey, le journal indépendant de l'Université de la Colombie-Britannique, compara le film à une publicité pour cigarettes, tandis que dans les pages de L’Excalibur - Arts II, un média local désormais inconnu, on écrivit que le film était tristement écrit et interprété par des « cancres émotionnels ». Bien plus tard, en 2012, le Festival international du film de Toronto, en collaboration avec Brad Fox d'Union Pictures, a restauré The Bitter Ash. Dans tous les cas, la controverse et l’esprit sulfureux du film auront finalement été lucratifs pour Kent, de sorte qu’il fut en mesure de récupérer son investissement initial, dont les bénéfices furent réinvestis dans son prochain film, Sweet Substitute.
Il faut dire qu’au début des années 1960, la jeune génération était avide de se défaire des normes conservatrices héritées des années 1950. Cette époque se caractérisa par une tension palpable entre la classe ouvrière — qui incarnait la rigidité sociale — et l’idéal bohème — symbolisant la liberté et l'émancipation à venir — et tout ce qu’elle cherchait à gagner en libération sexuelle et en équité des genres. Or, il s’agit là des enjeux centraux de ses trois premiers films ; la « trilogie des balbutiements cinématographiques », si l’on peut dire, qui valut à Kent une reconnaissance immédiate à titre de réalisateur influent au pays malgré son peu d’expérience. Ses premières œuvres possèdent une énergie complémentaire d’une grande véhémence stylistique et abordent les rapports hétéronormatifs de l’époque sous le couvert de la tension sexuelle. Son étude de l’asservissement des individus, et particulièrement de la frustration sexuelle avant le mariage, l’amène à observer la gent masculine sous son aspect angoissant et monstrueux ; la femme ne s’y retrouve pas qu’un simple objet de désir, elle incarne chez Kent cette même dualité entre désir d’émancipation et conventions sociales avilissantes, se trouvant souvent seule à assumer les conséquences du désir mâle, parfois radicale et désensibilisée pour mieux survivre, mais consciente du peu d’options de sa condition. On retrouve dans les tribulations des personnages le paradoxe d’une certaine naïveté, dans leurs tentatives vaines de repousser les tabous et de vouloir jouer dans les platebandes de la moralité tout en se retrouvant dans un extrême dénuement avec cette impression de ne pas l’avoir vu venir. Alors que Sweet Substitute, film erratique, se centre davantage sur l’expérience masculine du concubinage hors mariage — on y suit Tom (Bob Howay), un jeune homme ambitieux, mais incapable de contenir une pulsion sexuelle envahissante pour laquelle il risque de tout perdre —, When Tomorrow Dies (1965) se centre davantage sur le point de vue de sa protagoniste, Gwen James (Patricia Gage), une féministe cherchant à échapper à un mariage étouffant. Les transgressions amenées dans ces premières œuvres, emblématiques des prémisses de la contreculture, sont de nos jours moins saisissantes, et il s'agirait presque de films amusants s'ils ne dépeignaient pas une réalité socioéconomique aussi préoccupante et un clivage social encore puissamment d’actualité.
:: Sweet Substitute (1964) [Larry Kent Productions]
Les films audacieux et expressifs réalisés par Kent dans un cadre étudiant, au début des années 1960, sont devenus des œuvres emblématiques de leur époque, marquant une étape cruciale dans l'évolution du cinéma canadien, qui était alors dominé par le réalisme documentaire. Ils auront influencé la carrière de moult individus dont certains cinéastes aujourd’hui reconnus. On pense à David Secter, qui tournera Winter Kept Us Warm (1965), et le plus célèbre est certainement David Cronenberg, qui trouvera non seulement dans les propositions atypiques sur l’aliénation humaine de Kent une source d’inspiration pour sa carrière à venir, mais profita lui-même, — doublement inspiré par son compère de classe Secter — de la vague de création du mouvement étudiant canadien, en réalisant deux courts métrages expérimentaux, Transfer (1966) et From the Drain (1967), alors qu'il fréquentait l'Université de Toronto.
Lorsque, à la fin des années 1960, Kent s’installe à Montréal, où il réside toujours aujourd’hui, il travaille quelques mois à l'Office national du film (ONF). Durant cette période, il se prête au jeu d’acteur dans plusieurs propositions de cinéastes contemporains : chez Jean Pierre Lefebvre, dans Q-bec my love - Un succès commercial (1970), chez Robin Spry dans One Man (1977) ou encore dans Le Viol d’une jeune fille douce (1968) de Gilles Carle, tout en persévérant en parallèle dans sa carrière cinématographique. Cherchant de nouvelles avenues pour aborder les thèmes qui lui sont chers, et voulant brasser la cage d’une approche qu’il juge trop conventionnelle du côté de l’ONF, Kent trouve le tremplin idéal avec son quatrième film, High (1969), un autre exemple brillant de ce qu’il peut faire de mieux et le premier à être tourné à Montréal. Paul Van der Linden signe une photo aguichante, qui joue de modernité avec ce qui était une technologie peu en vogue dans le cinéma indépendant canadien à l’époque, le film couleur. Le duo de choc formé de Tom (Lanning Beckman) et Vicky (Astri Thorvik) se pavane dans des plans esthétisants passant du noir et blanc à la couleur, pour exprimer au mieux les tourments, puis l’euphorie. Le couple, charismatique à souhait, intrépide et criminel, n'est pourtant pas sans précédent. À son contact nous viennent aisément à l’esprit d’autres couples sulfureux du cinéma, comme Pitt et Stepanek ou Bonnie et Clyde. Il y a dans High toute la dichotomie entre drame et frivolité issue de la Nouvelle Vague, mais également les prémisses du sordide et de l’horrifique qui s'affirmeront de plus en plus dans ses propositions à venir et dont l’apogée est certainement le film d’horreur traumatique sur fond d’obscurantisme She Who Must Burn (2015), son plus récent film, ultra-violent, mettant en vedette Sarah Smyth qui incarne une femme prise pour cible par des militants anti-avortement. Si High propose une vision pessimiste du mouvement hippie — le culte utopique de l’amour libre et de la recherche de plaisirs qui s'embourbe dans la violence à travers le prisme d’un hédonisme frustré — il relate surtout à la dure les vicissitudes de jeunes générations pour rallier leurs idéaux profonds aux responsabilités inhérentes au monde des adultes et son modèle socioéconomique. Il semble que tous ne peuvent pas sans risques se permettre de vivre le rêve hippie. Contrôlé par le bureau de censure et interdit de projection en Ontario et en Colombie-Britannique avant de sortir dans une version censurée, le film se verra également refuser sa licence de projection au Festival du film de Montréal auquel il devait participer. Il faudra patienter jusqu’au début des années 2000 pour que les Archives nationales du Canada retrouvent une version intégrale du film, donnant lieu à une restauration du long métrage présenté lors d’une rétrospective de l'œuvre de Kent, en collaboration avec la Pacific Cinematheque.
L’approche cinématographique insubordonnée, brute et mixte de Kent ne s’associe pas aisément à un mouvement distinct, mais regorge néanmoins d’influences soutenues et perceptibles. Ses premiers films rappellent l’esprit cabotin de la Nouvelle Vague, comme nous l’avons mentionné, dans ses discussions décousues, équivoques et cocasses entre les concubin·e·s des deux sexes, comme dans cette scène d’introduction verbeuse de The Bitter Ash qui nous permettra de rencontrer Des et sa fiancée du moment, et d’entrer dans le vif du sujet de leurs préoccupations. L’une fumant au lit, au petit matin, monologuant sur son dégoût d’aller travailler, l’autre affectant un mépris à l’idée de marier une femme, quelle qu’elle soit, et de devenir pourvoyeur de madame afin qu’elle puisse prendre une retraite anticipée à sa place. High est à lui seul un concentré de moments clés dans l’esprit de la Nouvelle Vague, les protagonistes jouant amoureusement à cache-cache, se promenant en calèches et démontrant un désir d’insouciance malgré leur précarité économique et la gravité des actions qu’ils entreprennent pour pallier cette condition. Le cinéma de Kent s’apparente fortement à celui d’autres pionniers indépendants, John Cassavetes en tête, en recourant au médium cinématographique pour aborder les problèmes de société, avec sa caméra remuante, intrépide, au service de gros plans noir et blanc qui relèvent avec attention et discernement chaque mimique pour esquisser le mal-être et suggérer visuellement l’état psychologique des personnages. Notons les plans récurrents de reflets de femmes qui se maquillent ou se font une beauté devant les miroirs, on les retrouve si souvent dans la filmographie de Larry Kent qu’ils deviennent des plans attendus, appréciés particulièrement pour leur caractère intimiste et leur effet de prolongement d’un film à l’autre.
:: Steve Fiset (Jean-Pierre), Carole Laure (Suzanne) et Jean-Pierre Cartier (Dock) dans Fleur Bleue (1971) [Potterton Productions]
:: Susan Sarandon (Elizabeth) et Steve Fiset (Jean-Pierre) dans Fleur Bleue (1971) [Potterton Productions]
On retrouve çà et là dans les propositions du réalisateur des références implicites à d’autres cinéastes, Antonioni, Polanski, voire Hitchcock par moments, pour en nommer quelques-uns, mais il serait hasardeux de les énumérer tous alors qu’ils occupent une place négligeable dans une filmographie regroupant une quantité impressionnante de longs métrages et de séries B destinés à la télévision, dont nombre d’objets de curiosité dignes de mention. Par exemple, la comédie The Apprentice (Fleur bleue, 1971), production anglo-québécoise fréquemment reconnue comme l'un des films précurseurs du bilinguisme en fiction. Sa réception critique fut peu enthousiaste : « ...film bâtard, mi-english, mi-canayen… » [1]. La proposition se distingue pourtant à plusieurs égards, d’abord par sa distribution inusitée, qui lui confère un côté bête curieuse, avec le regretté chanteur populaire Steve Fiset et une toute jeune Susan Sarandon, qui n'avait alors que peu d'expérience — il s’agissait de son deuxième rôle au cinéma. Ils formaient avec Céline Bernier un trio amoureux tout à fait hors normes, et à vrai dire la future star qu’était Sarandon irradiait déjà, contrastant drôlement avec le baragouinage de Fiset et Bernier. La présence de Carole Laure, la direction photo signée Jean-Claude Labrecque, les dialogues français de Micheline Lanctôt, Luc Plamondon comme parolier, la capitale du hold-up en Amérique du Nord qu’était jadis Montréal : il y avait déjà beaucoup à aimer dans la proposition de Kent.
La comédie noire et scabreuse The Hamster Cage (2005) est probablement l’un de ses films les plus controversés et déconcertants. Comparé à « une farce intellectuelle » par une certaine critique, honni pour son approche ambiguë des sujets les plus tabous de l’heure (inceste, pédophilie, meurtre en série), ce huis-clos asphyxiant, tourné dans un décor unique à la facture visuelle qui coudoie l’amateurisme, fait partie de ces objets cinématographiques oscillant entre le délicieusement mauvais, l’inclassable et l’équivoque. Bafouant une fois de plus les conventions et fortement opposé à la morale bourgeoise, son propos pourrait être résumé par cette réplique cinglante du personnage de Candy : « I blew a Nobel Prize winner. » On accuse Kent de produire un cinéma bâtard qui n’est pas sans rappeler les critiques faites à l’époque de son scénario pour The Afrikaaner, pièce étudiante anti-apartheid en un acte, pour laquelle on lui reprochait de créer une polémique sans vergogne. The Hamster Cage est-il vraiment le film inutile et sans espoir qu’on a décrit, et pour lequel il fut à nouveau censuré (à Shanghai notamment) ? Le film a effectivement tout de la proposition vulgaire et maladroite, ne s’évertuant pas à faire réellement rire. Pourtant, en inversant les codes de genre de manière grotesque — la « fille à papa » sociopathe, la nymphette « sugar baby » aux désirs ambitieux traditionnellement masculins —, Kent cherche à se moquer de toutes formes de relation de pouvoir dans les conceptions de l’organisation sociale, dans l’absurdité et l’abscondité des titres honorifiques, le marchandage sexuel et intellectuel, dont les fondements se retrouvent au sein même des relations familiales.
:: Générique de The Bitter Ash [Larry Kent Productions]
On reconnaît la filmographie de Kent à ses génériques d’introduction artisanaux, faisant partie intégrante de sa griffe. Chez lui, nul défilement plat aux typographies classiques, mais plutôt des matières informes en mouvance : silhouette inquiétante, sketchée au crayon, inscriptions manuscrites et arrêt sur image. Chacun de ses films se voit attribuer cette touche supplémentaire unique, insolite, sorte d’œuvre dans l’œuvre. Kent porte conjointement une attention spéciale aux trames sonores de ses films qui sont joueuses, jazzées, hybrides, alliant morceaux authentiques et instruments effleurés à la volée, dont l’effet ludique et enfantin rehausse le contenu visuel pour donner à la proposition une puissance supplémentaire — on pense à l’égayant xylophone de la trame musicale récidivante de The Hamster Cage, donnant un côté ridicule et charmant parfaitement à propos, ou encore à l’exubérance de la scène de danse dans High. Dans les deux cas, la bande son représente au mieux l’étourdissement des soirées sociales, qu’il s’agisse d’une séance de danse ou d’une réunion de famille.
Larry a un je-ne-sais-quoi. Doyen du cinéma underground canadien, génie sans prétention mettant la plus grande intégrité dans tout ce qu’il entreprend, il arpente les possibles de l’expressivité stylistique, départis de toute rigueur conceptuelle. Et pourtant, c’est un grand oublié, tant dans le déferlement d’un cinéma de masse que par les élites d’un cinéma plus niché, et cela malgré la reconnaissance par ses pairs d’aptitudes cinématographiques hors normes. Il faut dire que Larry Kent, passé maître dans l’art de brouiller les cartes, de se tapir en décalage, s’est positionné à titre d’artiste et de cinéaste à l’endroit même où s’est construit son propre mythe : flouté par l’aura de fumisterie assumée de certaines propositions, dans l’écho sarcastique d’un initiateur modeste et le miroitement insaisissable de l’espace qu’il occupe pour cette raison. Désormais âgé de quatre-vingt-six ans, Larry Kent contribue à notre cinéma d’auteur depuis soixante ans cette année.
[1] Léo Bonneville, « Le cinéma canadien à la dérive », Séquences , n° 66, 1971.
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Larry Kent sera le récipiendaire du Prix du Pionnier canadien 2023 décerné par le Festival Fantasia. Cette récompense lui sera remise le lundi 24 juillet, avant la projection de The Bitter Ash, qui amorcera une rétrospective de cinq films incluant Gabrielle (1981), She Who Must Burn, Sweet Substitute et When Tomorrow Dies. Pour plus de détails sur les films et les dates de projection, veuillez consulter le site web du Festival au : https://fantasiafestival.com/fr/recherche?q=larry%20kent.
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