DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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The Hollywood Economist : Mecque de l'autocensure

Par Guilhem Caillard
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Porté par la Fox, Wall Street: Money Never Sleeps est sorti en salles sur le marché américain durant la période la plus redoutée par les studios : septembre 2010, juste après l’été. Comparé aux blockbusters d’usage, le film n’a pas remporté un grand succès, probablement pour la complexité de son sujet, faisant écho à la récente crise financière. Au fil des pages de son ouvrage, Edward J. Epstein analyse les rares cas de grands succès commerciaux remportés aux États-Unis par les films dits « politiques » : en somme, s’il y en a un à retenir, c’est bien le coup de maître de l’anti-Bush Fahrenheit 9/11 (Michael Moore, 2004). Sous la pression de la Maison Blanche, Icon Productions (Mel Gibson) rejette d’abord le projet. Moore signe alors plusieurs contrats avec Miramax, filiale de Disney, dont la direction générale refuse d’être mêlée au film par peur, dit-on, de se voir retirer les avantages fiscaux de ses parcs d’attractions en Floride par l’administration Bush… Mais quand le film décroche la Palme d’or, il n’est plus question pour Disney de renoncer à cette nouvelle manne financière (surfant sur la vague médiatique de Cannes). Tout en conservant la majorité de ses avantages, la compagnie signe un accord de transfert des droits avec un petit distributeur - Fellowship Adventure Group. Le stratagème permet à Disney d’encaisser plus de 80 millions de dollars, un record dans ce cas de figure étant donné que le film est un « documentaire » (il est d’ailleurs à regretter qu’Epstein ne s’attarde pas davantage sur la question des genres dans son ouvrage).


Michael Moore à Cannes, Palme d'or en main (2004)

Autant qu’il se peut, les grands studios hollywoodiens n’aiment pas se frotter à la politique, du moins en surface. Encore une fois, il n'est pas difficile de comprendre pourquoi : en 2009, sur le marché américain, plus de 70% du public en salles est âgé de moins de 20 ans. Dès les années 50, la concurrence de la télévision a contraint Hollywood à partir à la chasse de nouveaux spectateurs. Les adolescents se sont avérés source de sécurité : ils sont les plus faciles et les moins onéreux à atteindre, par exemple à travers le matraquage publicitaire sur la chaîne MTV, exclusivement consommée par cette tranche d’âge; ils sont les plus grands consommateurs de junk food dans les salles; ils achètent facilement toute sorte de produits dérivés, des jeux vidéos associés aux menus proposés chez McDonald. Plusieurs études menées sur le territoire américain avancent que pour les jeunes hommes, un film compte avant tout pour ses scènes d’action, les grands noms importent moins, ce qui pourrait expliquer la disparition des génériques de début. Avec les sujets politiques, les adolescents sont donc l’autre autocensure pratiquée par les studios.

La troisième forme - et pas des moindres - pratiquée aujourd’hui abondamment à Hollywood obéit à une formule sacro-sainte : « no nudes is good news ». Rien de vraiment nouveau. Or, en dehors des pressions exercées par la MPAA (Motion Picture Association of America) à travers son système de censure et de lois régissant la diffusion télévisuelle, il y a le rôle joué par Wal-Mart, dont nous ne sommes pas toujours conscients. La multinationale spécialisée dans la grande distribution est depuis 2000 le plus grand acheteur de DVD, assurant plus d’un tiers des ventes de l’ensemble des titres proposés par les studios. Dès lors, Wal-Mart est l’unique revendeur bénéficiant de campagnes de marketing exclusivement adaptées à ses magasins et sa clientèle. Edward J. Epstein avance le montant effarant d’environ 17 millions de dollars en dépenses publicitaires engagées par un studio pour un titre de film vendu chez Wal-Mart. S’arrogeant un puissant monopole, le premier intérêt de la chaîne est de ne pas choquer sa clientèle type - les mères de familles - par un quelconque contenu sexuel. D’autant plus que les sections DVD ont un emplacement stratégique dans les magasins, débouchant généralement sur les rayons consacrés aux produits dérivés des films : pour maintenir et augmenter les ventes d’une section à l’autre, il faut savoir ménager son client.

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EPSTEIN, Edward Jay. The Hollywood Economist: -The Hidden Financial Reality Behind the Movies. New York: Melville House Publishing, 2010. 240 pages.

Disponible en librairies ou sur le site personnel de l’auteur.
Extraits : www.edwardjayepstein.com et www.slate.com/id/2116708/landing/1
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Article publié le 14 mars 2011.
 

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