DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Entrevue avec Catherine Martin

Par Mathieu Li-Goyette
LE TEMPS SAUVAGE

À l’occasion de la sortie de son dernier long métrage Trois temps après la mort d’Anna, nous avons décidé de voir et de revoir l’oeuvre de Catherine Martin, réalisatrice et scénariste à l’honneur cette semaine sur les pages de Panorama-cinéma. Une oeuvre qui, de 1985 à 2010, nous aura offert 25 ans de cinéma particulièrement lucide sur le sort de la société québécoise, sur sa spiritualité, mais aussi ses espoirs d’évasion. C’est donc pendant près de deux heures que nous nous sommes entretenus avec la réalisatrice afin de revenir sur l’ensemble de sa carrière, sans oublier les nombreux moyens métrages qu’elle a signés entre 1990 et 2002.
 
Je tiens à remercier mon estimé collègue Alexandre Fontaine Rousseau pour sa précieuse aide apportée lors de la préparation des questions ainsi que le cinéaste Simon Galiero pour nous avoir mis en contact et permis un entretien aussi exigeant avec Catherine Martin.
 
Panorama-cinéma : Les débuts de votre carrière remontent aux années 80 avec Odile ou réminiscence d’un voyage (1985). Est-ce que c’est le succès des films de Léa Pool, Paule Baillargeon ou Anne-Claire Poirier - une vague annonçant la « venue » des femmes dans le cinéma québécois - qui a été l’initiateur de votre premier projet ou était-ce déjà un désir depuis le plus jeune âge?
 
Catherine Martin : Ce qui m’habite quand je veux faire un film, ce n’est pas le fait que d’autres soient en mesure de le faire. Je suis arrivée au cinéma par le cinéma. À partir de l’âge de 13 ans, j’ai commencé à aller voir des films en salles et beaucoup à la télévision. J’ai vu des films qui m’ont changée, m’ont faite sortir de moi. Des grandes oeuvres, des films de Bergman par exemple puisque j’allais voir à peu près tout. Et dans les années 70, Fellini était encore vivant, tout comme Bergman, comme Tarkovski. Les grands cinéastes étaient encore actifs! Je ne les connaissais pas tous, mais je m’y suis penchée énormément. Le cinéma hollywoodien ne m’intéressait pas tant.
 
Quand je suis arrivée à Montréal, à l’Université Concordia, je ne devais pas être en cinéma, mais bien en cinéma d’animation. Finalement, les programmes étaient contingentés et j’ai dû entrer dans le programme d’études cinématographiques. Vous qui venez de faire votre première revue sur le cinéma japonais, il y avait de nombreuses rétrospectives de cinéma japonais au conservatoire d’art cinématographique et je sais que je suis allée voir tous les films qui y passaient à un point où je ne me rappelle pas qui a fait quoi. J’adorais aller au cinéma et quand j’ai terminé mes études, je ne me sentais pas prête à en faire et ce n’était pas une chose qui me préoccupait tant.
 
Je voulais plutôt travailler au cinéma et, assez tôt, j’ai eu l’envie de travailler à l’ACPAV et d’être au montage, d’être près du processus de création d’un film. Je ne voulais pas être la huitième assistante d’un film américain, car à l’époque, peu de films québécois étaient tournés (si l’on compare à aujourd’hui) et énormément de gens partaient travailler sur des films étrangers. J’ai donc commencé à travailler comme monteuse sur La femme de l’hôtel (1984) de Léa Pool.
 
Parallèlement à mon travail, j’écrivais mes films. Je n’avais toutefois pas l’idée de faire des longs métrages et encore moins l’espérance d’en faire avant 30 ans. Ce n’était pas important pour moi ce genre d’idéal. Pour moi, il s’agissait surtout d’avoir quelque chose à dire. Ce court film de 1985, je l’ai fait avec une sorte d’urgence pendant un an avec une bourse du Conseil des arts tout en acceptant des contrats d’assistante-monteuse sur le côté. Je continuais toujours de travailler sur mes projets de la même façon et c’est ainsi que j’ai fait Nuits d’Afrique en me mettant sur l’assurance-chômage et en ayant une bourse du Conseil des arts. Le même processus s’est répété pour Les fins de semaine. À un moment, j’ai eu le projet d’un long métrage et, finalement, puisque je consacrais beaucoup de mon temps à mes films, les gens se demandaient si je faisais encore du montage et j’ai perdu des contrats de ce côté-là. Une amie à l’époque m’avait dit : « Catherine, le milieu va choisir pour toi ». Car, tranquillement, je me rendais compte que j’avais le goût de faire mes films plus que tout et j’ai ensuite eu la chance de rencontrer Claude Cartier qui s’est intéressé à mon projet de documentaire Les dames du 9e et, à partir de là, j’ai pu commencé à gagner ma vie en tant que cinéaste - modestement, on s’entend - mais je me compte chanceuse de ce côté.
 
Panorama-cinéma : Et c’est vraiment à partir des Dames du 9e que tout est en place et que vos thématiques qui seront abordées plus tard dans Mariages ou dans Océan font leur apparition. C’est un projet parrainé par l’ONF si je ne me trompe pas?
 
Catherine Martin : Non, pas du tout. C’est un film qui a été coproduit et l’ONF était en coproduction minoritaire. C’est une maison de production privée, celle où travaillait Claude Cartier, un des rares producteurs volants de Montréal (il travaille pour plusieurs boîtes et n’a pas la sienne), qui a eu le film. On est ensuite allé compléter le financement en allant à l’ONF, qui ne fait que la distribution « commerciale » du film, mais je n’ai plus de « vrai » distributeur puisque Cinéma Libre, qui en avait les droits, a fait faillite. Donc moi-même, si je veux voir le film, je dois l’acheter sur le site de l’ONF. Une autre dure réalité…!
 
Panorama-cinéma : Autant dans Nuits d’Afrique que dans Fins de semaine et Les dames du 9e, il y a un désir, un besoin de voyager qui est en filigrane de tous vos premiers films. Et c’est une thématique, il me semble, qui demeure présente dans Mariages avec cette jeune femme voulant quitter la campagne. Même lorsque vous filmez, enfin, la ville, on pourrait dire de vos personnages qu’ils seraient plus confortables à l’extérieur du milieu urbain.
 
Catherine Martin : Je dirais que j’ai cessé de m’intéresser à cette thématique. C’est vrai que l’invitation au voyage était très présente jusqu’à Océan, car même dans Mariages, c’est une idée parmi d’autres besoins pour Yvonne. Elle veut quitter son milieu, certes, parce qu’elle veut « autre chose », mais Dans les villes était surtout un film sur les rencontres de ces gens habitant la ville. J’ai réalisé, en faisant ce film, tout comme avec Mariages, que la rencontre était importante; rencontre amoureuse ou rencontre de l’autre, elles sont plus importantes que le désir de partir qui était surtout une idée qui m’habitait quand j’étais jeune.
 
 
Panorama-cinéma : Le restaurant des Dames du 9e existe-t-il encore?
 
Catherine Martin : Normalement, il devrait exister encore même s’il est fermé. Il a été en processus de classement donc ils ne sont pas censés le modifier. À ce que je sache, cela fait plus de 10 ans qu’il est fermé et rien ne s’y est passé depuis. J’ai bien peur que cela tombe dans l’oubli et dans la décrépitude, bien que je ne sois pas au courant de récents développements.
 
Panorama-cinéma : Aviez-vous fait ce documentaire en prévision de la fermeture du restaurant?
 
Catherine Martin : Quand j’ai eu l’idée, je ne savais pas du tout qu’il allait fermer. En fait, c’est au bout de 6 mois, lorsque je travaillais sur le scénario et que nous sommes allés voir les responsables de chez Eaton, qu’ils nous ont annoncé que le magasin était en faillite et ils ne savaient pas encore les répercussions que cela aurait sur l’entreprise où le restaurant était situé, au 9e étage. Durant le tournage, on ne savait pas trop et les gens avaient bon espoir qu’il puisse survivre ou c’est après le tournage que nous avons eu la nouvelle, ma mémoire m’échappe! Ce qui est sûr, c’est que lorsque le film est sorti, le restaurant allait fermer ses portes. Le restaurant a fermé en octobre 1999 et le film a pris l’affiche en mai 1998. C’est évident que ce dernier a pris une tout autre résonance avec la tombée de cette nouvelle.
 
Panorama-cinéma : C’est un documentaire sur l’héritage de mère en fille, plusieurs l’ont déjà pointé. Mais est-ce que vous sentez le besoin de mettre la question de la femme au centre de vos films parce que vous êtes une femme cinéaste au Québec?
 
Catherine Martin : Parce que vous pensez que c’est un privilège d’être une femme cinéaste au Québec?
 
Panorama-cinéma : Être cinéaste, au Québec, est un privilège en soi.
 
Catherine Martin : Bien sûr! Mais être une femme cinéaste, c’est un handicap.
 
Panorama-cinéma : Lorsque l’on parle du cinéma québécois, en général, on a tendance à séparer le cinéma des femmes du reste de la production. Est-ce un devoir, pour vous, de vous y rattacher, est-ce une tension?
 
Catherine Martin : Ce n’est pas un devoir, mais Les dames du 9e et Mariages sont des films très reliés entre eux et, particulièrement le deuxième, sont des films que j’ai portés très longtemps. Mariages, je l’ai porté 6 ans, car j’ai commencé à travailler dessus en 1993-1994 et je l’ai tourné en 2000. C’est en 1995 que j’ai rencontré Claude Cartier et c’est en 1996 que nous avons commencé les démarches pour Les dames du 9e. À l’époque, j’avais aussi un projet de long métrage qui ne s’est jamais concrétisé, comme cela peut arriver souvent. D’ailleurs, ce long métrage qui ne s’est jamais fait a été la source de quelques-unes des idées de Dans les villes. Durant cette période, j’ai réussi à faire Les dames du 9e en réussissant à écrire et à le tourner avec des subventions pendant qu’en parallèle je préparais mon premier long métrage. En travaillant sur lui, j’ai rencontré Lorraine Dufour qui m’a aidé pour faire financer le film qui a, évidemment, été refusé quelques fois avant que la production puisse enfin se mettre en marche en 2000.
 
Pour me rapprocher de votre question, les deux films sont liés entre eux dans la mesure où j’avais envie de parler de choses dont ma mère me parlait. Notamment, l’histoire de Mariages est remplie d’anecdotes qu’elle me racontait. Pour Les dames du 9e, ce lieu était important parce qu’il était lié à l’histoire des femmes et parce que c’était un lieu de femmes. C’est un endroit où il n’y avait que des serveuses tellement qu’au début du 9e, de 1931 à 1970, il n’y avait que des serveuses servant de la nourriture à des femmes, presque exclusivement. Nous avons peine à l'imaginer maintenant, mais dans les années 30, 40 ou 50, les femmes ne pouvaient pas sortir seules. C’était mal vu. Certaines le faisaient, mais en général, elles sortaient peu dans les endroits publics. Leur magasinage leur permettait donc d’aller en ville et d’aller au restaurant pour souper avec leurs enfants ou leurs amies ou toute seule. C’était impensable, car si on apercevait une femme seule, on se disait qu’elle devait avoir une mauvaise vie. Ce n’était pas seulement lié à la religion, mais à la culture et aux habitudes sociales surtout.
Le lieu des Dames du 9e me faisait aussi penser à un théâtre. Effectivement, il y a des femmes que j’ai rencontré qui me disaient qu’elles se mettaient chics pour l’occasion. Il y a une sorte de représentation de leur statut, ce que le film raconte. Cela me servait aussi pour parler du temps et de la disparition des choses.
 
Panorama-cinéma : Il y avait aussi un besoin apparent de reconstitution en reprenant les costumes d’époque par exemple.
 
Catherine Martin : Certainement. J’ai monté du documentaire avec des cinéastes comme Jean Chabot et Herménégilde Chiasson et lorsque je suis arrivé à faire mon propre documentaire, moi qui faisais de la fiction, j’ai eu de la difficulté à en décoller. Et comme ce lieu était pour moi un théâtre, je sentais aussi qu’il laissait place à cette fiction. Je n’ai pas revu le film depuis un bon moment, mais c’est sûr que j’ai tenté d’y intégrer l’histoire d’une femme sur un bateau et, d’ailleurs, c’est ce qui m’a donné un fil conducteur lorsque j’écrivais le scénario. Le film était exclusivement tourné dans le restaurant qui était, lui, comme un bateau sur lequel on embarquait dans un voyage dans le temps. C’est une structure très simple, mais qui m’a permis de pouvoir tout greffer. L’histoire de cette femme qui pense partir ou ne pas partir qui est, elle-même, liée à l’histoire d’autres femmes venues au 9e par besoin d’exotisme.
 
À cette époque, les Anglais et les Français ne se fréquentaient pas parce qu’il y avait des clivages sociaux où, en général, les anglophones étaient plus riches que les francophones et, en général, ils étaient les exploitants qui nous regardaient de très haut - même si c’est encore un peu comme ça. [Rires]
 
Ils étaient assez condescendants et il n’y avait pas beaucoup de contact entre eux et les francophones. Eaton était un magasin du côté ouest, donc chez les Anglais. Même si les serveuses n’étaient pas toujours bilingues et que seulement quelques-unes parlaient français, les femmes se sentaient tout de même en sécurité à cet endroit où elles allaient prendre le thé.
Ensuite, le lien mère-fille le recoupe avec Mariages où j’ai voulu en parler différemment. J’y suis revenue dans Trois temps après la mort d’Anna, mais d’une manière tout aussi différente. Pour moi, j’ai dit ce que j’avais à dire sur le sujet et je suis rendue ailleurs, car mes prochains films ne traiteront pas de ce sujet.

 
Panorama-cinéma : Mariages est un film de fiction, mais aussi un film d’époque. Ce qui m’avait frappé, c’est non seulement la photographie sublime de Jean-Claude Labrecque - et comment l’avez-vous intéressé au projet? - mais aussi vos travellings.
 
Catherine Martin : Il avait déjà travaillé avec Bernard Émond sur deux films. Bernard en était très heureux et nous nous étions rencontrés à quelques reprises, Jean-Claude et moi. Je me suis dit que ça pourrait être intéressant, surtout qu’il a énormément d’expérience en tant que directeur photo et en tant que cinéaste. Je lui ai simplement proposé, même si c’était un film de plus petit budget que ce à quoi il était habitué. Nous faisions un film d’époque avec 1,8 million $ ce qui était, et encore aujourd’hui, très peu. Tout l’argent est à l’écran, je peux vous le dire!
 
Je savais que c’était possible et la productrice aussi, car j’avais fait des choix très précis dès la lecture du scénario. Jean-Claude a une immense culture du cinéma québécois et, même si ça lui a pris un certain temps à comprendre comment je fonctionnais - paraît-il que ma façon de tourner n’est pas du tout conventionnelle - parce que je ne fais pas de « master » ou de champ contre-champ, ou sinon très rarement. Je découpe, mais peu. Il y en a que cela insécurise, je crois.
 
Panorama-cinéma : Ce qui nous amène à ces fameux travellings, un refus du découpage classique lorsqu’on pense, à l’exemple le plus marquant du film selon moi, à la première rencontre officieuse d’Yvonne et de son amant à l’orée des bois. La caméra longe le sentier en plain pied pour ensuite suivre une trajectoire courbe et cadrer, plus près cette fois-ci en plan buste, la réaction de la jeune femme.
 
Catherine Martin : Exact. C’était mon idée cette fois-là.
 
Panorama-cinéma : Ou je pense au travelling sur St-Laurent dans Dans les villes.
 
Catherine Martin : Ça aussi, c’était mon idée! [rires]
 
Ce fameux plan que vous évoquez dans Mariages, je le voulais tel qu’il est dans le film. Je le voulais en plein pied. Ils m’ont recommandé de le tourner plus près et d’aller chercher des plans rapprochés. Je l’ai fait, mais je savais que je ne m’en servirais pas. Je savais que les acteurs étaient bons, que le rythme allait et que c’était la meilleure façon de montrer la scène, dans un genre de ballet des corps, une chorégraphie des corps. Lorsqu’elle arrive devant la caméra, elle est plus près et nous savons que tout s’est joué entre eux.
 
Panorama-cinéma : C’est rare qu’il y ait des travellings dans le cinéma québécois à cause des budgets ou du goût du cinéaste. On a tendance à utiliser plus souvent le plan fixe ou la caméra à l’épaule. Des mouvements de caméra lisses et maintenus tout le long d’une scène, c’est rare de nos jours.
 
Catherine Martin : Chabot le faisait; un ami à moi, décédé maintenant, il faisait de très beaux films dans les années 70 où il y avait de nombreux travellings. Gilles Groulx aussi et particulièrement dans un film méconnu, mais que j’adore, Au pays de Zom; film audacieux, mais mal compris à son époque.
 
C’est un fait que l’on va plus spontanément vers la caméra à épaule et c’est une esthétique qui s’est installée avec les nouveaux jeunes gens qui ont décidé de prendre la caméra et de partir filmer avec. Il y a des jeunes qui sont très bons, mais d’autres qui ne comprennent pas que la mise en scène n’est pas nécessairement une question de tourner tout le temps en espérant s’arranger au montage. Ce n’est pas comme ça, à mon avis, que l’on peut parvenir à terminer son film.
Cela dit, je n’ai rien contre les plans à l’épaule.
 
Panorama-cinéma : Mais votre affection pour le travelling est rare ici. Si l'on revient à ce plan de Mariages, c’est un plan où autant la profondeur de champ que l’utilisation des échelles de plans reflètent une idée de mise en scène et une utilisation des éléments du langage cinématographique. Alors qu’on a tendance à simplement se rapprocher des visages en disant que, se faisant, on se rapprocherait des émotions.
 
Catherine Martin : Vous et moi, nous sommes d’accord, car ce n’est pas parce que l’on se rapproche des visages que l’on se rapproche des émotions. Je l’ai fait quelques fois dans mon dernier film et parfois j’ai hésité. Finalement, ces plans s’y prêtaient, mais je crois que le corps parle autant que le visage. L’émotion naît du film et pas nécessairement d’un seul plan ou d’un seul regard et c’est pour cela que je préfère la retenue dans le jeu des acteurs, car c’est le film, en définitive, qui doit créer l’émotion.
 
Je rêve du jour où je pourrais être assez talentueuse pour réussir ce que Tarkovski a réussi dans Le miroir (1975). La première fois où j’ai vu le film, je n’avais pas été émue et au second visionnement, le film m’a marqué, m’a « rentré » dedans et j’ai compris qu’il avait agi en profondeur sur moi. Ce ne sont pas des émotions mélodramatiques ou superficielles, mais plutôt le contraire. C’est difficile à réussir ou même à décrire, mais c’est ce à quoi j’aspire.
 
Mais je suis contente que vous me parliez de ce plan de Mariages parce que je me suis bien battue pour l’avoir.
 
Panorama-cinéma : La mise en scène des sens constitue une dimension importante de votre cinéma. Dans quelle mesure le rapport sensoriel ou sensuel au monde constitue le sujet de vos films.
 
Catherine Martin : Je crois que c’est au centre. Il y a peut-être beaucoup de thématiques que j’essaie de mettre au centre de mes films, comme un noyau où il y aurait aussi un rapport à la nature. L’aspect sensoriel du cinéma m’intéresse particulièrement parce que, pour moi, le cinéma doit rester une expérience qui doit se vivre en salle et mes films gagnent d’ailleurs à être vus sur grand écran, dans une salle de cinéma, parce que j’invite le spectateur à entrer dans les images. À l’intérieur d’une sorte d’univers plutôt que de s’identifier aux personnages parce que la psychologie ne m’intéresse pas trop.
 
Dans la mesure où les personnages peuvent vivre des épreuves difficiles, le spectateur peut s’y identifier, mais ce n’est pas mon but premier. Pour moi, c’est une dimension très importante de mon travail de cinéaste que j’essaie de peaufiner d’un film à l’autre.



Panorama-cinéma : Mariages marque aussi l’apparition du sacré dans votre cinéma.
 
Catherine Martin : Complètement. Vous avez raison.
 
Panorama-cinéma : N’étant pas si présent dans Dans les villes, il revient ensuite dans Trois temps après la mort d’Anna où il est partout, presque tapissé sur les murs. Et dans les deux cas, c’est Guylaine Tremblay que vous avez choisie pour interpréter le rôle d’antagoniste dans le premier, puis de protagoniste dans le deuxième.
 
Catherine Martin : Guylaine, je l’avais choisie pour Mariages. Je savais qu’elle pouvait faire ce rôle. Peu de gens l’imaginaient d’être, un jour, capable d’incarner ce genre de personnage. Même les gens de la distribution avec qui je travaillais et la responsable en question en doutaient. Je voulais qu’on l’invite, car j’étais sûr qu’elle serait en mesure de le faire. On a donc invité cinq bonnes comédiennes qui auraient pu jouer le rôle, mais Guylaine s’est imposée parce qu’elle a été… simplement incroyable. Même la directrice de casting, après la rencontre, s’est éloignée après le départ de Guylaine et, incapable de placer ses mots, émue, m’a fait comprendre qu’elle n’en revenait pas. Elle avait compris que c’était elle, le personnage.
 
Quand elle a mis le costume, nous avons travaillé la voix du personnage. Je lui ai expliqué qu’étant une maîtresse femme, elle devait parler toujours très doucement. Elle a donc travaillé sa voix et ça a changé tout le jeu de la comédienne. Le jeu des acteurs est quelque chose de souvent très simple. Il faut leur demander des investissements concrets et pas nécessairement leur demander de s’investir psychologiquement, ce n’est pas comme cela que ça fonctionne ou, du moins, pas pour moi. C’est beaucoup plus une question de trouver, sur le coup, le bon geste ou la bonne indication qui les fera intérioriser leurs actions à l’écran.
 
Il faut comprendre que le cinéma est tellement puissant, tellement fort, que ce n’est jamais nécessaire d’en faire des tonnes. Les bons acteurs comprennent tout ça. Guylaine, étant très bonne actrice, était aussi très fière de ce qu’elle avait fait dans Mariages pour, aussi, avoir été approchée pour un registre différent.
 
Panorama-cinéma : C’est une vraie Ingrid Thulin, l’actrice marâtre d'Ingmar Bergman, particulièrement terrifiante dans Le silence (1963), Les communiants (1963) et Cris et chuchotements (1972). Un personnage d’apparence très doux, mais possédant un coeur vicieux.
 
Catherine Martin : Exactement. Ingrid Thulin avait du génie!
 
Panorama-cinéma : Et après Mariages, Trois temps après la mort d’Anna semble aussi, pour d’autres raisons, porter la marque du cinéaste suédois.
 
Catherine Martin : Plusieurs me parlent de Bergman, mais c’est plus Dreyer qui m’inspire continuellement. Un des films qui m’a le plus marquée en ce sens et que je trouve toujours aussi audacieux au point de vue de la mise en scène et d’une beauté, pour moi, phénoménale, c’est Gertrud (1964).
 
J’avais suggéré à mes deux acteurs principaux de regarder ce film-là, mais, malheureusement, ils m’ont peut-être trouvé un peu bizarre de leur montrer ça! C’est une question de goût et aussi parce que je me suis formée par le cinéma de ces années et de cet état d’esprit. J’ai vu Gertrud à 30 ans et j’ai été très impressionnée. C’est évident que les films de Bergman m’ont beaucoup nourrie, mais l’esthétique de Dreyer, à ma très modeste façon, est celle vers laquelle j’aimerais me diriger. Bresson aussi m’a beaucoup marquée, même si je n’ai pas son rythme et que je n’y tends pas, la spiritualité de ses films, La mouchette en particulier, m’a énormément influencée.
 
Venant de ce cinéma, je suis peut-être moins moderne face au cinéma contemporain d’aujourd’hui, je ne sais pas.
 
Panorama-cinéma : Je ne suis pas d’accord. Ce sont ces cinéastes qui demeurent de la plus grande des modernités.
 
Catherine Martin : Ils restent aussi les meilleurs. Avec Bela Tarr maintenant, Tsai-Ming Liang, Aki Kaurismaki ou, plus ancien, Yasujiro Ozu qui demeure dans mon panthéon. C’est ce qui est extraordinaire à la vue de leurs films. Ce sont de vrais auteurs, car nous ne pouvons les imiter.
 
Panorama-cinéma : Tarkovski nous disait que l’art nous faisait appréhender le réel à travers une expérience subjective. C’est quelque chose qui se retrouve dans vos films de fiction et encore plus dans votre cinéma documentaire qui, souvent, est une mise en scène du regard. S’agit-il d’un geste conscient ou d’une manière organique de tourner?
 
Catherine Martin : Les deux. En particulier L’esprit des lieux, qui est un film où j’ai pris beaucoup de risques, où il n’y a aucun plan à l’épaule. La caméra ne se rapprochait jamais et on ne faisait aucun plan de coupe. À cause du sujet, c’est l’approche que je voulais préconiser.
 
Océan, qui est un de mes films préférés (moi qui est très sévère avec mes films, c’est celui que j’aime le plus revoir) et qui est venu presque comme une commande, m’a été proposé par Claude Cartier, qui venait de faire le voyage en train et m’a proposé de m’y intéresser. J’y suis allée et je pense que c’est le film dont je suis la plus satisfaite, car, d’une certaine façon, tout est cinématographique dans un train.


 
Panorama-cinéma : Trop de grands films et de grandes scènes ont été tournés dans des trains.
 
Catherine Martin : J’ai fait plusieurs fois le voyage, j’ai fait plusieurs photos et j’ai beaucoup travaillé en cherchant les angles pour que l’on puisse entrer dans un voyage. Effectivement, dans ce film, c’est une mise en scène du regard qui est à la fois consciente et organique. Je n’ai pas l’impression d’être intellectuelle dans mes films, mais plutôt instinctive. Je ne propose pas tant des idées que du sens et des sensations. Océan est un film sensoriel, qui fait appel au spectateur pour l’amener dans un voyage à l’intérieur d’une cabine de train tout en sortant parfois à l’extérieur pour leur dire certaines choses concernant le Québec; mes films, d’une manière subtile peut-être, parlent du Québec. Autrement, l’un des réalisateurs que je préfère est Raymond Depardon, et c’est chez lui que, je crois, on retrouve la mise en scène du regard la plus belle et réfléchie.
 
Panorama-cinéma : Barbet Schroeder dit qu’il filme ses documentaires comme des fictions et ses fictions comme des documentaires. À l’écoute d’Océan, on sent très peu les mécanismes typiques du documentaire alors que le sujet pourrait être près du reportage et, d’un autre côté, il y a des scènes proches du documentaire où l’on déconstruit, par exemple, le fonctionnement d’un métier à tisser. Dans les villes est un peu un document du paysage montréalais à une certaine époque - on reconnaît très bien les lieux. 
 
Catherine Martin : Je n’avais jamais vu ça ainsi. Lorsqu’on me demande si je préfère le documentaire ou la fiction, je réponds toujours que, pour moi, c’est faire du cinéma et il n’y a pas vraiment de différence. Je fais du cinéma donc, forcément, je fais de la mise en scène. La façon dont je travaille le documentaire, c’est en me disant que le réel est là, mais je peux aussi porter mon regard sur quelque chose et indiquer au spectateur ce qu’ils doivent regarder. Après, ils en font ce qu’ils veulent. Je ne vois pas comment l’on pourrait travailler autrement.
 
Il y a des gens qui pensent devoir tout filmer, tout montrer. C’est une erreur et je ne voudrais pas être dans leur peau. Il faut faire des choix et c’est ça, créer.
 
Panorama-cinéma : Tarkovski dit aussi que la fonction de l’art est de préparer l’homme à sa mort. Il y a d’ailleurs une très belle scène dans Dans les villes où Joséphine regarde un arbre en se disant que « ça doit ressembler à ça mourir ». Évidemment, il y a une dimension très spirituelle chez Tarkovski, peut-être plus muette que chez vous, mais cependant indéniable. On pense au dernier plan de Dans les villes où le spectateur constate un moment de grâce, une expérience du sublime. En continuant sur le même sujet, mais en plus réussi encore, dans Trois temps après la mort d’Anna, on sent que vous touchez la spiritualité du Québec même en tant que nation, que tradition.
 
Catherine Martin : En faisant Mariages, je me suis dit que je voulais toucher, à défaut de trouver un autre terme, l’âme québécoise. Quand j’ai commencé à travailler sur Trois temps après la mort d’Anna, je me disais que je voulais revenir à ces choses que j’avais explorées en 2001. Par rapport à la nature, par rapport à la région près du fleuve St-Laurent où je n’ai pas pu tourner à l’époque - même si le film n’en pâtit pas vraiment - parce que c’est la région des origines. La majorité des Québécois de souche francophone sont originaires de cette région, le bas du fleuve, et de Charlevoix. Je voulais revenir à cette notion de territoire. Comme le film est habité par des âmes bienveillantes, c’est vrai qu’elles sont aussi représentatives de ce que je ressens pour le Québec. J’étais contente parce que certains critiques ont relevé cet aspect, comme si mon film s’inscrivait dans une filiation cinématographique très québécoise… et il faut les faire ces films. Il faut parler de ce que nous sommes.
 
Je n’ai rien contre le fait de faire des films sur Montréal. Sur ce que c’est devenu, sur ce que ça devient, qu’il y a des jeunes de partout qui viennent vivre chez nous, ça m’enchante. Mais il y a quelques personnes, comme moi, qui continuent à vouloir creuser ce sillon de notre âme qui, si nous n’y faisons pas attention, disparaîtra d’ici 50 ans; nous n’existerons plus comme peuple. Je me suis fait dire que ce n’était pas si grave dans la mesure où de nombreux peuples disparaissent année après année. Mais moi je trouve ça grave, car il y a une notion profonde née de ce pays construit par des gens qui ont défriché une terre difficile. Ce sont des paysans pour la plupart, mais ils avaient leur intelligence et ils avaient leur spiritualité, leur croyance et leur manière d’être. C’est des gens qui ont survécu à des tas de choses qu’on a peine à imaginer maintenant, comme beaucoup de pays qui se sont aussi faits de cette façon. Dans certains cas, c’est plus récent ou plus ancien.
 
Panorama-cinéma : De toute manière, c’est notre devoir de parler de notre pays, de défendre cette tradition.
 
Catherine Martin : Je pense que c’est important et c’est pourquoi je vais continuer à creuser ces sillons.
 
Mon prochain film, j’espère qu’il se passera en Gaspésie et, en principe, parle d’un homme qui ne veut pas quitter la terre de son père, de son grand-père et son arrière-grand-père. Pourtant, une menace plane et il devra faire des choix.
 
Panorama-cinéma : C’est une thématique qui est dans le cinéma québécois, mais surtout dans la littérature québécoise. Probablement parce que le cinéma est trop influencé par le commerce, par Hollywood et par la télévision, ce n’est peut-être pas ce qui stimule tant la création d’un premier long métrage. Dans la littérature québécoise, par contre, c’est la thématique par excellence de nombreux romans.
 
Catherine Martin : Pour être honnête, le seul auteur québécois que j’ai lu de fond en comble est Anne Hébert. Sa manière d’écrire parle de ce que l’on est, est liée aux poétiques et traite de cette question de façon remarquable.
 
Panorama-cinéma : Cet héritage religieux, un peu comme chez Bernard Émond, est représenté comme un trait culturel propre à la société québécoise. Comment concevez-vous ce rapport entre passé et présent? Entre héritage et transmission? Ce fait d’actualiser les valeurs, d’en retracer à la fois les sources historiques et les ramifications contemporaines?



Catherine Martin : Prenons par exemple l’histoire de la statue de sel de Mariages. J’ai lu cette histoire dans une chronique de village. J’ai lu beaucoup pour Mariages, fais une grosse recherche et lorsque je suis tombée sur la chronique dans le journal de St-Jean-Port-Joly - c’est où je souhaitais tourner mon film au départ - qui racontait le déménagement d’un cimetière et la découverte d’un corps intacte, ça m’a frappé parce que ce qui est spécial de cette histoire, c’est l’universalité de la légende. Elle prend racine autant dans la Bible, dans le mythe de Sodome et Gomorrhe, mais aussi dans un conte de Gabriel García Márquez que m’a fait connaître mon directeur photo Carlos Ferrand. Je crois profondément que plus l’on se rapproche de se que l’on est, que l’on définit cette âme québécoise que je tentais d’installer dès ce premier plan avec les chansons chantées par Gabriel Gascon - des chansons du moyen-âge que les Français se sont transmis jusqu’à nous - plus nous replaçons cette âme dans le monde. Elle est liée de façon universelle au monde occidental.
 
Dans ce que j’essaie de faire, c’est toujours en me disant que l’on ne peut pas être complètement séparés de notre passé. Plus l’on vieillit, plus on se rend compte que c’est important de se souvenir de ses parents, de ses grands-parents et de parler d’eux pour que ces gens, qui ont vécu, eux aussi, puissent nous apprendre encore des choses. C’est ce qui vient me chercher plus profondément que les grands événements historiques, même s’ils sont fondamentaux et que c’est eux qui sont souvent les déclencheurs de changements importants. Comment vivent les gens? C’est ce qui me fascine.
 
Comme la religion catholique, chez nous, a été très pesante dans la vie quotidienne des gens, c’est forcé que l’on finisse par en parler d’une manière ou d’une autre. Ce que fait Bernard dans ses films, c’est essayer de ramener l’importance de la religion comme croyance qui a aussi un apport extraordinaire à notre culture et notre patrimoine. Au fait que nous avons de magnifiques petites églises ou le fait que tous ces lieux de recueillements, etc., font de nous ce que l’on est et comment on l’est. Ce sont des rituels qui nous ont inculqué des valeurs nous solidarisant avec les autres êtres humains. On peut les contester, mais d’une façon positive, ces valeurs prônent la solidarité, la bonté, l’entraide. C’est la notion de péché qui est difficile - ou avec laquelle j’ai le plus de difficulté. La notion de punition me déplaît.
 
C’est sûr que des cinéastes comme Dreyer, Tarkovski, Bresson étaient des cinéastes croyants. Bergman n’était pas nécessairement croyant. C’est plutôt quelqu’un qui a questionné énormément la présence du sacré, car, étant fils de pasteur, la religion la marqué au fer rouge.
 
Panorama-cinéma : Il a perdu la foi en cours de route…
 
Catherine Martin : Oui, mais ce n’est pas le sujet de tous ses films. Ses grands films, par contre, comme Les communiants ou Fanny et Alexandre (1982), traitent principalement de cette idée : comment nous, êtres humains, devons-nous nous débattre avec ces grandes questions qui sont le bien et le mal? Au fond, à notre époque, nous sommes en train de mettre de côté l’idée du bien et du mal comme s’il n’y avait pas de mal et, donc, que nous n’avions plus nécessairement besoin de faire le bien.
 
Panorama-cinéma : Maintenant, « tout est relatif ».
 
Catherine Martin : Exact. « Tout est relatif », « ce n’est pas de sa faute », etc. Si l’on tue quelqu’un, on doit être puni.
 
Panorama-cinéma : La morale étant un mot faisant de plus en plus peur; « faire la morale », c’est rendu péjoratif.
 
Catherine Martin : Il faut apprendre à être moral. Dans le cas contraire, Dostoïevski aura finalement raison quand il a dit que lorsqu’il n’y aura ni morale, ni Dieu ou si « Dieu » cesse même d’exister en tant que thème, « tout deviendra possible ». L’idée, en soi, donne le vertige. C’est la fin de la race humaine.
 
Panorama-cinéma : Dans Trois temps après la mort d’Anna, vous entrez dans une dimension christique par rapport aux cadres frontaux qui n’est pas exactement le style de mise en scène que vous préconisiez dans vos autres oeuvres.
 
Catherine Martin : Dans Trois temps après la mort d’Anna, j’ai travaillé beaucoup sur ces cadrages, en effet.
 
Panorama-cinéma : Françoise a de la difficulté à se séparer du fantôme de sa fille, tandis que dans Mariages, c’est la fille Yvonne qui avait de la difficulté à se séparer du fantôme de sa mère. Vous incluez une dimension spirituelle où les esprits pénètrent l’espace de vos films. Que cela soit via la statue de sel ou l’inclusion de personnages hallucinés.
 
Catherine Martin : Dans une certaine mesure, les esprits sont vivants et le cinéma peut les faire exister. Je ne suis pas la première à le faire non plus. Bergman était un grand cinéaste de cet esprit et, lorsqu’on regarde Fanny et Alexandre, c’est magnifique de voir le père revenir parler avec ses enfants. Et c’est un film extraordinaire, tout Bergman y est, particulièrement dans la version montée pour la télévision. Par rapport aux esprits, tout est tellement naturel chez lui.
Sans copier Bergman, je me suis dis que j’allais tenté de faire revenir à la vie mes personnages de façon naturelle. Je ne voulais aucun effet, aucune magie à proprement parler. Tout se passe naturellement.
 
Je suis préoccupée par le sacré, bien que je ne sois pas croyante, mais je pense que nous sommes entourés par cette spiritualité et il faut y être attentif ou plutôt dire que nous sommes entourés de mystère.
 
Panorama-cinéma : Particulièrement au Québec, le sacré ne peut être renié. Il est profondément ancré partout autour de nous.
 
Catherine Martin : Il fait partie de notre culture. Ce type de sacré, le christianisme, a un rapport au Québec, lié au catholicisme, qui affecte de nombreuses manières notre quotidien.



Panorama-cinéma : Françoise est un peu la figure de la Vierge Marie, car on sent qu’elle ne peut se mêler au personnage incarné par François Papineau. Elle semble ne pas pouvoir avoir de relation amoureuse sous prétexte qu’elle doit porter le deuil de sa fille. Quand il la peint et qu’elle est nue, on la sent atteinte dans sa vie privée, mais aussi, et surtout, dans le sacré de son corps de mère - et non de femme.
 
Catherine Martin : Je n’y avais pas réfléchi, mais c’est très vrai à bien y penser. Quand j’ai écrit cette scène, j’y suis allée de façon très instinctive, mais c’est normal que l’on y voie d’autres sens qui, peut-être, aident à comprendre. Le spectateur est laissé dans un état de réceptivité lorsque l’on aborde le sacré et il interprète à sa manière les rapprochements qui… le plus souvent sont liés à ses réflexions ou expériences passées. Je laisse toujours des pistes, mais il doit tout de même faire une bonne partie du chemin.
 
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Article publié le 31 août 2010.
 

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