FRENCH DREAM
Gérald Hustache-Mathieu n'est qu’à son deuxième film qu'il a déjà de grands rêves d'Amérique. Pas nécessairement d'y tourner, mais bien de retrouver son Amérique à lui. Celle des Marilyn Monroe, des films noir, et son
Poupoupidou en est le résultat unique en son genre. Entrevue fleuve avec le cinéaste qui a signé là l’un des beaux succès de l'année 2011 dans l'Hexagone, il fait ici état de son amour pour l'âge d'or hollywoodien, la relation d'admiration qu'entretient la France avec l'Amérique tout en revenant sur les difficultés de production dans un système où Hollywood influence de jeunes créateurs qui n'en ont pas nécessairement les moyens - quelques bouts d'échanges essentiels pour les aspirants réalisateurs.
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Gérald Hustache-Mathieu |
Panorama-cinéma : Quel est votre film préféré mettant en vedette Marilyn Monroe?
Gérald Hustache-Mathieu : Je pense que c'est
The Misfits, car c'est le film où elle est le moins Marilyn Monroe et le plus Norma Jeane Baker et ce n'est pas un hasard puisque c'est Arthur Miller qui avait écrit le scénario et qui avait vécu avec elle. Je trouve que c'est son film le plus attachant, même si elle est géniale dans
Some Like It Hot. Ça et
la rivière...
Panorama-cinéma :
River of No Return, de Preminger.
Gérald Hustache-Mathieu : Exactement! Dans
Niagara aussi elle est géniale, mais
The Misfits l'emporte.
Panorama-cinéma : Vous reprenez d'ailleurs une scène de Huston.
Gérald Hustache-Mathieu : Je me disais que si je devais faire une citation de ses films, ça devait être celle-ci. Il y a une autre scène dans les
Misfits qui est pour moi aussi éblouissante que la scène de la fontaine de Trévi dans
La Dolce Vita - les deux ont même été tournés à la même époque. On se souvient tous d'Anita Ekberg dans la fontaine, mais dans les
Misfits, Marilyn a une robe noire elle aussi - une blonde dans une robe noire, comme dans
La Dolce Vita - et, en fait, sur le tournage elle était un peu ivre et elle devait marcher vers un arbre. Elle a donc improvisé cette danse où elle titube vers un arbre avant de l'enlacer. Cette scène est absolument sublime et il était question au départ de faire un rappel de cette scène.
Panorama-cinéma : Le sujet est particulier, l'histoire creuse énormément pour se trouver une originalité qui lui soit propre. D'où vient l'idée?
Gérald Hustache-Mathieu : Sur mes films, on me demande souvent ça, en me demandant où je suis allé chercher ces idées-là.
Panorama-cinéma : Bien que ce ne soit pas une règle, votre film flirte avec la référence, en allant jusqu'à citer John Huston et c'est une chose que l'ont voit arriver plus tard dans les carrières des réalisateurs. Le poids d'être confronté à ses aïeux, à ces images, semble clouer au sol de nombreux auteurs.
Gérald Hustache-Mathieu : Je suis en avance alors! La vérité, c'est que je ne connais jamais le sujet que je vais aborder à l'avance. Le moment où je cherche l'idée du film, des images me viennent et je ne sais pas encore où elles m'amèneront. Certaines idées me séduisent, comme on est séduit par une femme, et j'ai alors envie de la suivre. L'idée de base, c'était de faire un polar dans un village du Jura et j'imaginais une femme blonde morte. Le film devait être plus fantastique et plus farfelu. En écrivant tout ça, je suis tombé sur un article de journal sur une chanteuse canadienne, Shirley Harley (la chanteuse du groupe Pandemonium) qui avait fait une régression sous hypnose avec un escroc et elle était maintenant persuadée d'être Marilyn Monroe. Ça m'a fait rire et je trouvais ça idiot, mais en même temps, si mon héroïne vivait la même histoire, il y aurait de la matière à fiction. Cette idée est restée dans ma tête et elle a trotté.
En m'intéressant à Marilyn, j'ai suivi ce fil et cette rencontre entre la légende hollywoodienne et la petite ville me faisait reconnaître inconsciemment mon rêve d'Amérique. À l'époque, je ne savais pas, mais avec le temps je me suis rendu compte que Sophie Quinton était ma Marilyn à moi et que le Jura était mon Amérique à moi. D'un seul coup, ce rêve que moi aussi j'avais, je pouvais l'incarner et en jouer. Et c'est devenu le sujet du film; évidemment, le manque d'estime de soi et de confiance en soi est représenté dans le film, dans le personnage, parce que c'est aussi une chose que je ressens autant que mes personnages. Je n'en étais qu'à mon deuxième film et je doute parfois. Comment suis-je légitime pour faire du cinéma? Pour faire des films comme ces gens que j'admire et que je pense être bien plus forts que moi? Ils sont sans doute plus forts que moi, mais je vais au moins essayer de montrer des films au même endroit qu'eux : dans une salle de cinéma. Ces pensées me travaillaient et Marilyn s'est s'invitée au coeur du film.
Ce n'était pas Marilyn, en fait, qui y était, mais bien Norma Jean Baker qui pouvait emmener le film ailleurs. Je n'avais pas prévu de faire ça, mais ce que je dis sur mon rêve d'Amérique, au fond, le film parle aussi de ça. Il parle d'un réalisateur qui n'est pas un cinéaste américain et qui aurait rêvé de l'être. Moi aussi, je pense que, comme David Rousseau, j'aurais aimé être James Ellroy, faire des choses plus fortes, plus denses et plus reconnues. Mon chemin à moi a aussi été d'accepter que je ne suis que David Rousseau, auteur de polars français, que Gérald Hustache-Mathieu, qui fait des films en France dans un pays qui n'a pas tellement de grands espaces, ni de voitures du FBI ou de la CIA, tout en me disant que j'avais aussi des histoires à raconter.
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POUPOUPIDOU - L'obsession |
Panorama-cinéma : La manière dont vous filmez Sophie Quinton est intéressante, car en incarnant un personnage déjà mort, vous la mettez dans une situation où seul le spectateur peut la voir, la mettre en vie.
Gérald Hustache-Mathieu : Je pense qu'on fait toujours des films avec des obsessions. L'obsession de l'écrivain, c'est mon obsession à vouloir raconter une histoire. En ce qui concerne Sophie, c'est une idée romantique que j'ai de vouloir la filmer de film en film. Je dis toujours que sans elle, mes films ne tiendraient pas debout parce que je crois que mes films peuvent avoir un côté cocasse et farfelu et si on jouait ça, l’oeuvre n'aurait pas vraiment d'intérêt, le film s'écroulerait et on se dirait que c'est simplement un réalisateur qui invente un monde un peu rigolo. Ce monde tient à condition de faire cette « suspension de l'incrédulité ». Et mes films tiennent si l'on parvient à la suspendre, cette incrédulité. Sophie, elle rattache mes films au sol. Avec elle, tout semble être la vérité et elle est en mesure d'incarner des choses. Avec elle, j'ai l'impression d'être en mesure de marcher sur un fil et c'est cet équilibre qui doit être le film.
Panorama-cinéma : Quand vous dites qu'elle parvient à rattacher votre film à une certaine réalité, entendez-vous que, par exemple, il aurait été impossible de faire
Poupoupidou avec une Julie Delpy plus jeune, une vedette emblématique du star système.
Gérald Hustache-Mathieu : J'aime beaucoup Julie Delpy, c'est un bon exemple, mais je vois seulement Sophie Quinton dans ce rôle-là, car même si elle ne joue pas Monroe, elle doit faire un rôle qui lui fait penser. Tous les financiers étaient contre l'idée que ce soit elle, car pour eux, l'idée de Marilyn Monroe se résume encore à son cul et ses seins. Donc, pourquoi aller chercher Sophie Quinton qui n'est pas, selon leurs critères de beauté, une bombe sexuelle? Ils disaient vouloir une fille plus charnelle. Plus on me disait ça et plus je me disais qu'ils avaient tord et qu'ils n'avaient rien compris de Marilyn. C'était un aspect d'elle, mais une femme peut tout autant être charismatique et emblématique, passer cette porte, attirer notre regard et pas seulement pour ses seins. Elle aura quelque chose de lumineux, d'unique et de rare faisant qu'on va la remarquer. Pour moi, la manière que j'ai de regarder Sophie est de l'observer comme une comédienne unique. Je suis fasciné par elle, elle m'impressionne. Le point commun, en fait, entre elle et Marilyn, c'est la manière dont je les regarde et si le spectateur, à travers mes yeux, pouvait regarder Sophie avec la même grâce qu'avait Marilyn, il sera aussi subjugué. Je crois qu'il y a des moments où ça fonctionne. Moi-même, lorsque je l'ai mise nue sur ce drap rouge au milieu des pompiers, ce n'était plus Sophie, c'était une icône.
Panorama-cinéma : La neige est un personnage dans votre film. Ai-je tord?
Gérald Hustache-Mathieu : Non, pas du tout. Je viens de la région de Grenoble où - moins avec les réchauffements climatiques - il y avait énormément de neige quand j'étais petit. Je me souviens vraiment de cette neige, c'était une saison qui comptait. La deuxième fois que je suis venu à Montréal, j'ai vu de la neige comme dans mon enfance, une neige qui envahit tout, le vrai hiver. La neige dans un film, c'est aussi pour moi une idée artistique. Quand je vais filmer dans les champs de betteraves en Normandie où il n'y a presque rien, la neige efface tout, la neige unifie tout, la neige donne une unité artistique à tous les décors et vous vous retrouvez dans un monde en blanc, vert et marron. Le polar, je le voyais comme ça, comme Frank Miller quand il fait ses
Batman et ses
Sin City. Je voyais un polar où il y aurait très peu de couleurs, où les seules couleurs proviendraient de cette fille. Ça, mais aussi un effet sonore très intéressant, car la neige tue tous les sons. Vous vous retrouvez comme dans un studio. Elle donne une étrangeté, quelque chose de mystérieux.
Panorama-cinéma : Dans l'absolu, auriez-vous préféré tourner ce film dans un décor américain, sur la frontière canadienne enneigée ou dans le genre de
Fargo.
Gérald Hustache-Mathieu : La première fois que je suis venu ici, je me suis dis qu'il fallait que je tourne en Amérique. Et avec les coproductions France-Canada, ça aurait été possible. J'aime les grands espaces, c'est sûr, mais c'est Peter Brooke qui a fait toute une théorie sur le vide et l'espace vide. Il explique que la condition pour que le théâtre se forme, il faut d'abord créer un espace vide et là, dans cet espace, il faudra construire notre histoire.
Dans les grands espaces, on retrouve ces grands horizons (le ciel et la terre) comme dans une scène de théâtre. Ensuite, j'adore la mythologie américaine et déjà petit je lisais les comics de super-héros et j'ai été vraiment abreuvé de ce mythe, son côté «
bigger than life ». En même temps, si je faisais un film aux États-Unis, je ne pense pas que je ferais un film plus intéressant. Je me demande si ce n'est pas plus intéressant de rester chez moi, en Europe, et d'aller chercher ce rêve et de dénicher une mythologie en m'inspirant d'une autre, en utilisant cet espace qui me sépare de l'Amérique comme d'un espace de création.
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POUPOUPIDOU - La neige et le rouge |
Panorama-cinéma : Le film n'aurait pu avoir des acteurs américains.
Gérald Hustache-Mathieu : Justement, ma productrice m'a dit qu'ils l'avaient plus ou moins contacté pour un remake. Je trouverais ça drôle que les Américains fassent un remake de ce film, car je pense qu'ils se mettraient dans une petite ville du Minnesota où, dans l'Amérique profonde, on verra cette histoire de jeune fille se prenant pour Marilyn avec un président du coin. J'adorerais voir ce film, ça m'amuserait beaucoup.
Mon prochain film, lui, sera un road movie. Comme la France est toute petite, je pense qu'on ira au moins jusqu'en Espagne et au Portugal pour retrouver un peu de la route. Pour moi, l'Espagne sera « mon » Mexique et je tenterai de m'amuser avec les codes du road movie américain pour voir ce que j'en ferai.
Panorama-cinéma : Une grande admiration est née en France en observant cette période des années 40 et 50, ces grands films hollywoodiens, ces films noir et ces polars. Ce n'est pas la première fois que la France joue avec les codes américains. Vous avez même inclus dans votre film un extrait du jeu
Heavy Rain, qui reprend les codes du néo-noir et qui est un jeu français.
Gérald Hustache-Mathieu : Oui, c'est vrai. Exactement.
Panorama-cinéma : Souhaitiez-vous entrer dans cette tradition ou la critiquer?
Gérald Hustache-Mathieu : Je ne l'ai pas calculé et je ne le savais pas. Je ne me suis pas dit que j'allais faire un film flirtant avec l'Amérique. En m'inspirant de Marilyn, je savais que j'allais être proche des États-Unis et ses icônes, mais c'est surtout en construisant le film et en trouvant les décors que je me suis dis que j'étais allé là-bas parce que ça ressemblait à l'idée de l'Amérique. Si cette fille se prend pour Marilyn, le décor devait aussi se prendre pour l'Amérique, les policiers devaient se prendre pour le FBI. C'était très intéressant de trouver ces parallèles en faisant le film. Comme dans l'hôtel, par exemple, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait une ligne de fuite plate et non un toit en pente. Nous sommes donc allés chercher cette élément, nous avons ajouté des rideaux que l'on retrouvait dans les « fast-food » et on est parvenu à trouver ce côté décalé.
Au moment où le film est sorti et où j'ai pris contact avec le public et la critique, je me suis rendu compte que ces détails avaient été quelque chose d'important dans le regard du spectateur. Encore une fois, le film parle de complexes, du complexe social, du complexe de ne pas être à la hauteur, de ne pas être né chez des parents cultivés, etc. Il y a une forme de complexe français par rapport au cinéma américain et ce complexe est devenu le sujet du film.
Panorama-cinéma : Parlant de complexe, pensez-vous que Candice meurt de s'être prise pour Marilyn ou par le vedettariat local? Quelle schizophrénie l'a emporté?
Gérald Hustache-Mathieu : Je pense qu'on meurt de ne pas être soi-même. Comment peut-on passer à côté de sa vie? C'est important de croire en sa vie, de croire en son destin, d'essayer d'être le plus proche de qui on est, de la promesse d'adulte qu'on avait lorsque nous étions enfants. Lorsque j'écris un scénario, j'essaie toujours d'oublier le système de distribution, d'oublier qu'il sera dans les salles, qu'il y aura des journalistes pour le voir et des critiques pour le critiquer. Si l'on n'oublie pas ça, on fera tout de travers, on choisira des acteurs pour plaire et on écrira pour les autres. J'ai ce souvenir de quand j'avais 18 ans, lorsque je voulais raconter des histoires avec mes copains et nos petites caisses d'éclairage, on racontait l'histoire qu'on avait envie de raconter et on se montrait nos films. Je crois que c'est important de toujours garder cet esprit. Sur ce film, je me suis souvent dit : « est-ce qu'on ôse faire ça?, en me répondant, mais oui, on refait telle séquence, on met les habits marrons de
Fargo des frères Coen, même pas de peur à la faire ». Je craignais néanmoins qu'on me tombe dessus pour ces raisons, mais finalement la critique a plutôt été extrêmement favorable au film. Plus on réussi à être soi-même, plus ça devient intéressant de partager. C'est la raison de filmer.
Panorama-cinéma : Ce devait être doublement difficile ici où vous avez été vous-même tout en montrant une admiration pour quelque chose qui était autre.
Gérald Hustache-Mathieu : Tout à fait.
Panorama-cinéma : Du point de vue critique, les intentions peuvent se confondre.
Gérald Hustache-Mathieu : Un critique des Inrocks disait que je singeais le cinéma américain et qu'il était moins dense. Il a dit qu'il était content, mais qu'un truc n'allait pas. Mon attaché de presse insistait pour lui demander et il a répondu : « Oui, mais quand même, quand je sors de
Poupoupidou, je sors moins rempli qu'en sortant d'un David Lynch ». Mais évidemment! David Lynch! Avec les films qu'il a fait, c'est un artiste tout de même exceptionnel. Tout le mal que je me souhaite, c'est un jour, petit à petit, d'arriver à plus et je crois beaucoup à ça. Les premiers Woody Allen, même s'il y fait preuve de beaucoup de talent, ils n'ont pas la perfection de
Manhattan ou de
Annie Hall.
Panorama-cinéma : Il y a une maturation dans la carrière d'un cinéaste...
Gérald Hustache-Mathieu : Oui, une maturation et c'est tout le mal que je me souhaite, d'affirmer des choses avec une équipe, des moyens et de murir et de grandir et de réussir à faire des films qui soient plus réussis. Heureusement que je rêve de ça. Sinon, à quoi bon.
Panorama-cinéma : Vous utilisez uniquement de la musique anglo-saxonne.
Gérald Hustache-Mathieu : Ce sont aussi des « covers ». Le fait d'avoir recyclé des scènes de cinéma m'a poussé à le faire, car c'était une manière de réinterpréter un standard. Cette démarche m'a fait me poser une question : « au fond, ne suis-je pas meilleur interprète que créateur? ». En me considérant plus comme un interprète, un traducteur des choses, ne suis-je pas meilleur?
D'ailleurs, le groupe Ava s'est créé avec deux de mes amis que j'ai presque forcé à jouer ensemble. Le groupe a été créé pour ça et ils continuent maintenant de faire de la musique et ils vont bientôt sortir un album. Je suis très fier de leur travail, en particulier sur « I Wanna Be Loved by You ». Et puis Stéphane Lopez a aussi participé. La musique de ce film était assez difficile à définir, mais à partir de « California Dreamin' », qui a donné le La - je trouvais que le rêve américain symbolisait bien ça, il y a avait quelque chose de solaire de la Californie et l'hiver du Jura - et après les choses sont entrées dans l'ordre.
Panorama-cinéma : Pensez-vous que le cinéma de genre français est handicapé et vit encore dans l'ombre des codes hollywoodiens? Des genres? Du star système? Y gagne-t-il plus qu'il n'y perd?
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Gérald Hustache-Mathieu |
Gérald Hustache-Mathieu : Je ne l'analyserais pas comme ça. Par exemple, moi en France on m'a beaucoup dit : « on ne dirait pas un film français ». Même si on peut dire que c'est vrai qu'il y a un cinéma coréen, un cinéma américain, au fond je pense que la vraie frontière est celle séparant les films de cinéma et d'autres... qui racontent une histoire et sans plus. Il y a des films qui utilisent les moyens du cinéma souvent sous-utilisés pour raconter un récit avec des moyens incroyables. En France, il y a des films de cinéma et d'autres qui ne le sont pas. En effet, aujourd'hui il y a beaucoup d’oeuvres en France ou en Espagne qui tentent de singer le cinéma américain. Je pense à Fred Cavayé, à son
Pour elle ou surtout son deuxième film
À bout portant où l'on tente de faire un film d'action français...
Panorama-cinéma : Qui, en fait, est meilleur lorsque repris par Paul Haggis...
Gérald Hustache-Mathieu : (rires) Je n'ai rien dit. Il y a quelque chose qui est de l'ordre des moyens quand même. On n'imagine pas qu'en France, une scène de cascade devra être bouclée en une journée. Dans un film américain, ils auront de une à deux semaine pour la faire et pour la filmer sous tous les angles possibles. C'est une concurrence déloyale. Je ne rêve pas de ça. On parlait de cinéma américain, mais il y a des films italiens, des films de Fellini, mais aussi de Tarkovski, d'Almodovar, de Gus van Sant. Pour moi, ce qui compte, ce n'est pas que Gus van Sant soit américain, mais bien qu'il soit talentueux. C'est évident que les moyens américains sont plus imposants et élargissent nos avenues.
Panorama-cinéma : Vous ne pouviez pas filmer l'accident de voiture.
Gérald Hustache-Mathieu : Je joue de la modestie des moyens que j'ai et je trouve que le hors-champ est très bien. À l'origine, l'accident devait être à l'extérieur du cadre, mais devait aussi traverser le bonhomme de neige des enfants et le faire éclater; il fallait bousiller la voiture. Même moi, cinéaste français, je me disait : « on ne va pas briser une voiture! ». Un cinéaste américain, lui, il en casse quinze s'il le faut. Aux États-Unis, ce qu'il y a que nous n'avons pas, c'est aussi des compétences énormes au niveau des cascades, des armes à feu et de la pyrotechnie. Lorsqu'on va à Broadway, on se rend bien compte que le dernier des figurants au fond de la salle danse 15 fois mieux que celui qui est sur le devant de la scène en France. Il y a une culture du divertissement qui est fabuleuse pour ça. J'adorerais aussi tourner avec des comédiens américains. Prenez Michael C. Hall (
Six Feet Under,
Dexter), j'adorerais tourner avec ce type, il est fabuleux! Et il ne fait que de la télé et il est inouï! Des acteurs comme ça en France, on n'en a pas à la tonne... On est plus petit sans que ça nous empêche, nous aussi, d'avoir des grands rêves.
Photos :
Cécile Lopes