Dans le cadre de la quatorzième édition du Festival Fantasia, l'équipe de programmation eut la bonne idée d’inviter le duo Don Bluth/Gary Goldman pour leur décerner un prix honorifique et discuter de l’avenir de l’animation traditionnelle. C’est dans cette optique que nous avons eu l’honneur de les rencontrer, eux, créateurs de nombreux films d’animation célèbres : Le secret de NIMH (1982), Fievel et le nouveau monde (1986), Petit-Pied le dinosaure (1988), Un troll à Central Park (1994), Anastasia (1997), Titan après la Terre (2000) et j’en passe. Ce fut l’occasion d’une véritable leçon sur l’Histoire du cinéma d’animation et les raisons qui les menèrent, en 1978, à quitter le géant Disney à la poursuite d’une renaissance de l’âge d’or de l’animation. Entretien avec les derniers piliers de l’animation commerciale, des génies au cœur d’enfant.
Panorama-cinéma : Donc, vous êtes ici, à Fantasia, pour présenter Petit-Pied le dinosaure (1988) et pour recevoir un prix de carrière.
Gary Goldman : C’est ce qu’on nous a dit! (rires)
Panorama-cinéma : Et pour parler de l’état du cinéma d’animation de nos jours.
Don Bluth : Exactement.
Panorama-cinema : Avec la venue de l’Avatar (2009) de James Cameron, que pensez-vous de l’animation aujourd’hui? Pensez-vous que la mise en scène « à effets spéciaux » est en train de prendre la place des longs-métrages d’animation?
Gary Goldman : Il y a encore des long-métrage d’animation. Concernant les longs-métrages d’animation traditionnelle, il y a un problème cependant. Le public adore des films comme Avatar, il n’y a aucun doute là-dessus. Je ne sais pas si c’est mieux, mais c’est un grand pas vers l’avenir. À l’époque, c’est nous qui travaillions sur Dragon’s Lair (1983) tandis que les autres faisaient Mario et Pac-Man. Le bond en avant est bien, mais notre souci est qu’il ne faut pas oublier les facultés à dessiner qui sont nécessaires à l’animation. Elles sont très importantes pour nous, car elles ont été la fondation de ce que vous voyez aujourd’hui, même dans les effets numériques. Et il faut dire que plus de la moitié des gens travaillant à ces effets sont incapables de dessiner.
Don Bluth : Avatar a été brillamment exécuté et le travail du numérique qui y a été fait est très réaliste. C’est un rendu réaliste. On dirait que, de plus en plus, l’ordinateur et les artisans qui le manient tentent de se rendre à un stade où ils pourraient créer une créature « réelle ». Elle a la peau ombragée, les couleurs sont bien appliquées sur elle et, parfois, dans un film comme Titanic (1997), les gens que vous voyez ne sont pas réels. Ils sont animés pour ressembler à de vrais gens. En ce sens, l’animation traditionnelle ne va pas du tout dans cette direction.
Cette animation traditionnelle, assurément, est de la pure fantaisie.
Et elle n’a aucun problème à se montrer de la sorte. « Nous allons vous montrer qu’est-ce qu’un cartoon peut évoquer, pas de la réalité, mais de la fantaisie. » C’est une vision différente. D’un côté, nous avons le style Avatar, de l’autre Peter Pan (1953) ou La belle et le clochard (1955) qui ne sont pas la même chose. Ils sont si dramatiquement différents qu’appeler les deux de l’animation floue la définition. Avatar est ce que j’appellerais de la ventriloquie numérique parce que ce sont des marionnettes animées avec un ordinateur. De l’autre côté, l’animation traditionnelle est quelque chose que vous dessinez et fabriquez avec votre crayon. L’accès à ces deux mondes est bien différent.
Le mauvais côté de tout ça, c’est que ce monde de l’animation traditionnelle a toujours été commercialisé comme du divertissement pour enfants alors que le monde d’Avatar a plus d’intérêt pour les adultes. Pourquoi est-ce du divertissement pour enfants? Je pense qu’il y a quelque chose que vous pouvez trouver tout juste sur le seuil de la porte des studios Disney. Même si Walt n’a jamais planifié de faire des films uniquement pour les enfants - et il le disait - je crois que ce qui est arrivé au fil des ans est dû aux mères et aux actionnaires disant : « Voilà ce que mes enfants aiment ». Et ces enfants, quand ils ont grandi, se sont dit : « C’est ce que nous avons vu lorsque nous étions enfants, nous n’allons pas faire la même chose une fois adultes ». Il y a donc une renaissance venant des adultes qui se sentent mal à l’aise de simplement revenir à leurs origines. Donc maintenant, nous avons une forme d’art qui risque de se perdre s’ils ne se rendent pas compte de l’importance de son existence, car en ce moment, elle perd graduellement de son influence. Et Disney ne fait aucune faveur à personne ici parce que leur esprit est concentré sur les effets numérique qui, eux, les font faire plus d’argent; on ne peut servir deux maîtres. Vous en aimerez un et détesterez l’autre.
Donc qu’arrivera-t-il? Vous allez servir le numérique. En faisant La princesse et la grenouille (2009), ils ont simplement tenté de servir le numérique et l’animation traditionnelle et cela n’a pas marché. Le film en a souffert parce que leur coeur n’y était pas.
Panorama-cinéma : La princesse et la grenouille était plus une nostalgie mise en scène qu’une véritable renaissance de l’animation classique.
Don Bluth : C’est ce que je pense aussi. Ils n’ont pas eu de chance et je crois que, quelque part, il doit y avoir une renaissance de l’animation traditionnelle et elle viendra probablement du secteur privé, pas d’un studio.
Panorama-cinéma : De nos jours, il y a un courant de longs-métrages d’animation attaché au numérique et un autre, le SEUL où vous dessinez et peignez sur cellulo, parfois même de manière expérimentale, où les oeuvres s’inspirent autant des vôtres que de ceux de Ralph Bakshi ou Norman McLaren. La plupart du temps, ces oeuvres tendent à être des courts-métrages. À bien y penser, votre dernier film, Titan après la terre, était l’un des derniers films exécuté de façon traditionnelle (en partie) avec La princesse et la grenouille… Mis à part l’animation japonaise où des hommes comme Hayao Miyazaki ou Isao Takahata des studios Ghibli tiennent encore le fort.
Don Bluth : Hollywood a un pouvoir énorme sur le monde entier dans ce métier. En Inde, ils font peut-être 600 film par ans, mais ils ne sont pas conçus pour vous attraper comme Inception (2010) ou d’autres blockbuster peuvent le faire. « Vous devez le voir! » dit tout le monde.
Gary Goldman : Hollywood trouve le moyen de tout surfaire. C’est gigantesque et ils ont tous les effets numériques possibles. Des histoires tranquilles comme Bambi… Je ne sais pas comment vous pourriez leur trouver un public aujourd’hui.
Panorama-cinéma : Même un long-métrage d’animation de Pixar comme Up (2009) porte sur l’histoire épique d’un vieil homme. Cela n’aurait pu être simplement sur son quotidien.
Gary Goldman : En fait, nous voulons raconter des histoires à propos de gens qui ont des expériences uniques et qui pourraient faire n’importe quoi pour réussir. On se doit de raconter des histoires à propos de gens qui peuvent accomplir quelque chose qui est différent pour chacun et c’est parce que c’est unique que les gens peuvent voir l’histoire et commencer à croire en ce que ce rêve raconte.
Panorama-cinéma : Vos films sont toujours à propos de ça. Dans Petit-Pied le dinosaure ou dans Le secret de NIMH, il y a toujours un petit groupe de créatures qui embarquera dans un voyage grandiose qui les rassemblera, sauvera leurs familles et le monde tel qui le connaissent.
Gary Goldman : Oui, exactement. Le voyage apportera du sens à ce monde et réunira les familles ensemble. La plupart de nos histoires traitent de ce sujet et les gens en sont reconnaissants, car cela signifie véritablement quelque chose pour eux.
Panorama-cinéma : Vous avez débuté votre carrière en travaillant chez Disney et ce n’est qu’après que vous êtes devenus indépendant.
Don Bluth : Exactement
Panorama-cinéma : Était-ce parce que vous n’étiez pas contents de travailler chez Disney ou parce que vous essayiez simplement de faire vos longs-métrages d’animation en suivant votre propre voie?
Gary Goldman : Quand nous étions chez Disney, le studio d’animation était sur le déclin. Ils cherchaient des façons de faire des films à bon marché. Nous sommes donc partis dans notre garage pour faire des films d’animation parce que nos mentors (ceux qui avaient notre âge il y a 35 ans de cela) n’étaient plus là pour nous enseigner les voies traditionnelles de l’animation. Nous étions des nouveaux.
Don Bluth : Raconte-lui comment nous avons tout fait dans le garage!
Gary Goldman: En fait, Don a suggéré : « Pourquoi ne partons-nous pas faire quelque chose de plus court et nous pourrons apprendre tous les aspects de l’animation, pas seulement le dessin? ». Les voix, la couleur, comment diriger les acteurs, toutes ces choses que nous n’apprenions pas chez Disney ont été utilisées dans notre premier film indépendant Banjo (1979). C’était un film de 27 minutes et il nous a pris 4 ans et demi à terminer, mais nous y avons appris tous les aspects de la production. Les horaires, le prix de tous les matériaux, comment monter, comme couper, comment le tourner avec une caméra et nous en sommes venus à la conclusion : « Pourquoi ne pouvons-nous pas faire ça chez Disney? ». Nous devions être en mesure de travailler ainsi les aspects qui nous intéressaient : les réflexions dans l’eau, la pluie, toutes ces choses qui étaient si belles dans les vieux films de Disney.
Alors, Don a été promu producteur/réalisateur et même lorsqu’il a tenté de faire passer ses réformes, la direction nous l’a interdit parce que cela coûterait trop d’argent. Nous avions tous ces gens assis dans l’immeuble en train de boire leurs cafés et Don a dit : « Tout ce que vous avez à faire c’est de leur donner du boulot. Vous les payez de toute façon et ils sont là avec leur crayon derrière l’oreille, pas dans leurs mains, elles, trop occupées à tenir le café! ». Donc, la raison pourquoi nous avons quitté était pour tenter de sauver l’animation telle que nous la connaissions - les premiers sept ou huit films de Disney faits entre 1937 et 1959 - parce qu’ils ne les faisaient plus. Walt Disney était mort et cela se reflétait sur le produit qu’ils produisaient. Actuellement, ils font des films merdiques si l’on compare à ce qu’ils faisaient jadis. Nous pensions que c’était notre devoir de faire un autre Disney. Nous étions là pour prouver que c’était possible.
Don Bluth : Peut-être que la clé pour comprendre est de se poser la question : « Qu’est-ce que l’art? ». Qu’est-ce? C’est si subjectif que cela peut vouloir dire n’importe quoi à n’importe qui, mais quand vous le placez au sein d’une corporation et que vous l’appelez show - votre part d’art - et business - votre part d’argent - ce qui est sûr, c’est que vous avez « art » et « argent ». Et ça, c’est comme le pétrole et l’eau. Dans cette lutte, l’argent va toujours gagné et la raison est parce que l’argent est ce que tout le monde recherche parce que vous devez bien entretenir votre vie. Mais quelques personnes vont au-delà et sont simplement gredins et en veulent toujours plus. Donc, vous vous retrouvez avec des corporations qui ne sont pas vraiment des gens, mais qui sont dirigés par des gens. En tant qu’artiste, quand vous rentrez en réflexion, vous voulez risquer, expérimenter et trouver de nouvelles façons d’exprimer la beauté par votre processus créatif. Et c’est là que le businessman vous demande : « pourquoi? ».
Nous sommes à la recherche des choses qui sont belles. Immédiatement, il y a un gouffre immense entre ce que l’artiste pense et ce que l’homme d’affaires pense. Nous voulons être capables de prendre quelque chose qui, lorsque vous le voyez en tant que spectateur, vous fait un effet, vous fait ressentir une émotion profonde. Vous ne pouvez aspirer à cela lorsque les griffes du commerce vous empêchent de prendre des risques. La raison pour laquelle nous avons quitté Disney, c’est parce qu’ils étaient trop conservateurs et que nous, en tant qu’artistes, suffoquions. Nous ne pouvions y vivre, nous ne pouvions y respirer.
Disney est bien pour les mères, pour les enfants, mais pas pour les artistes, parce que vous ne pouvez y être créatifs. Donc vous devez partir vous trouver un endroit où vous pourrez l’être. Même dans notre monde, avant que nous partions notre compagnie, c’était la loi. Et petit à petit, nous avons commencé à nous métamorphoser en le même monstre que celui dont nous nous étions enfuis. Nous avons finalement décidé de mettre la clé dans la porte et de recommencer ailleurs où les businessmans ne seraient pas là pour nous étouffer. C’est peut-être très difficile à comprendre si vous n’êtes pas artistes je crois.
Gary Goldman : Lorsque nous avons quitté, ils n’ont pas compris. « Pourquoi quittez-vous? Vous faites la meilleure animation au monde! » et j’ai répondu : « plus maintenant ». Mais nous avons tout de même été en mesure de faire douze films avant que la compagnie devienne si corrompue.
Panorama-cinéma : Pensez-vous que la tension entre l’animation traditionnelle et l’animation numérique est la même qu’entre, dans le cinéma de prises de vue réelles, la tension entre le 35mm et le HD? Lorsque les cinémas ont diminué en nombre après l’arrivée de la télévision, pensez-vous que le même sort a été réservé à l’animation, tuée par l’esthétique plus rentable des nouveaux venus comme Hanna Barbera par exemple? Pensez-vous que ces décisions commerciales ont amené Disney à changer sa perception et son jugement sur la qualité de leur travail?
Gary Goldman : Non, je ne crois pas. Dans les années 50, lorsque Disney a ouvert ses parts au marché. Il avait besoin d’argent parce qu’il avait presque déclaré faillite à six reprises et, aux alentours de 1954, il décida de construire son parc d’attractions. Il a décidé de vendre ses parts juste avant et il a regretté son geste parce qu’il était devenu une corporation devant répondre de ses gestes auprès d’actionnaires. Je ne crois pas que ce qui est arrivé lorsque MGM a fermé ou lorsque Hanna Barbera a trouvé une nouvelle façon de faire de l’argent en mettant ses cartoons à la télévision a quelque chose à voir avec la chute de Disney. Disney était très innovateur concernant la télévision et a toujours maintenu un degré de qualité exceptionnel et a aussi toujours pris le risque de fignoler ses épisodes télés alors qu’à l’époque, le médium ne payait pas tant. Le merveilleux monde de Disney était d’abord une émission. C’était en noir et blanc avant d’être coloré et il vous emmenait dans les studios où il montrait au monde comment l’animation était exécutée. C’était un homme différent qui ne voulait surtout pas être teinté par le monde des affaires.
Don Bluth : Ron Miller, son beau-fils, a pris le contrôle de la compagnie lorsque Disney décéda et devint le grand responsable de tout ce qui lui était attaché. Un jour, j’étais dans le bureau de Ron Miller lorsqu’il a dit : « Merci mon Dieu, Walt est mort! Nous sommes enfin bancables ». Cela voulait dire que lorsque Walt était en poste en train de chercher une façon de créer de nouvelles idées, la compagnie était toujours endettée. Quand il a fait Disneyland, il a présenté l’idée du parc aux cadres et aux actionnaires et tous ont refusé puisque c’était trop risqué. Alors il a hypothéqué une grande partie de sa police d’assurance sur ses maisons et sur sa terre. C’est avec son argent qu’il a construit le prototype de Disneyland. Lorsqu’ils l’ont vu, les hommes d’affaires ont décidé d’en acheter des parts, mais ne lui ont jamais donné de l’argent pour qu’il le bâtisse.
Je pense que c’est intéressant parce que cela veut dire, encore une fois, que l’esprit artistique lucide de Disney se confrontait à ce que d’autres ne voyaient pas et étaient donc réticents à explorer. C’est toujours le problème et je crois que c’est ce qu’on a finalement rencontré nous-mêmes. Éventuellement, vous devenez une entreprise et d’autres vous obligent à minimiser le potentiel de la beauté que vous recherchez.
Gary Goldman : Lorsque James Cameron a fait Titanic, c’était la même histoire. Il a eu une vision de ce qu’il voulait entreprendre et cela allait bien au-delà du budget. Au lieu d’être un film de 120 M$, c’était un film de 250 M$. Un homme d’affaires créatif comme Bill Mechanic, qui était, à l’époque, président de la Twientieth Century Fox Filmed Entertainment, était prêt à suivre Cameron parce qu’il était le seul capable de le contenir et qu’il lui faisait confiance. Rupert Murdoch, de l’autre côté, disait que c’était beaucoup trop d’argent et a vendu une part des droits du film. Cette part, c’était celle des revenus étrangers qui furent vendus à la Paramount pour 90 millions $. Savez-vous comment le film a fait d’argent à l’étranger? Presque le double de ses revenus américains. Cet homme d’affaires avait fait une énorme erreur, car au final, Titanic a été un film valant plus de 2 Md$!. Quand James Cameron a décidé de faire un autre film 10 ans plus tard, croyez-moi que rien n’a été vendu à d’autres studios.
Quelqu’un doit illuminer la voie et si les visionnaires peuvent l’éclairer assez, là, des choses se produiront.
Panorama-cinéma : Dans les années 70, lorsque vous avez quitté Disney, il y avait un autre animateur qui faisait déjà beaucoup de bruit, Ralph Bakshi, qui suivait déjà son propre chemin. Bakshi n’a pas commencé chez Disney, mais voyiez- vous son parcours comme une inspiration?
Gary Goldman : Il a commencé comme réalisateur à Terrytoons à New York. Il avait beaucoup de cran et voulait raconter l’histoire de ce qui se tramait dans les ruelles où personne n’allait.
Don Bluth : Il est allé dans une autre direction. Disney s’adressait toujours à la famille et aux enfants. Ralph a voulu faire un film pour adultes et est arrivé avec l’idée de Fritz the Cat (1972). Il a visé juste en explorant ce que Disney tentait plutôt de diminuer au possible. Chez Disney, vous ne pouviez pas montrer que les femmes étaient des femmes. Ils enlevaient leurs poitrines et il ne pouvait rien y avoir de sexuellement stimulant.
Gary Goldman : Même lorsque vous montriez leurs seins nus, ils ne devaient y avoir de mamelons si vous vous rappelez Fantasia (1940).
Don Bluth : Et pour Blanche Neige, ils l’ont conçue sans aucune sexualité. Ce que Ralph a érigé, c’est un style très sexuel parce qu’il croyait que c’était ce que les adultes voulaient voir. Ce n’est pas nécessairement vrai, mais ça l’a mené à faire de nombreux films.
Gary Goldman : Nous devons lui donner crédit pour cela. Avoir fait plus de dix longs-métrages d’animation, c’est quelque chose de très difficile à atteindre.
Don Bluth : Il utilisait l’argent d’un film pour en terminer un autre et l’argent de ce dernier pour en terminer encore un autre. Éventuellement, ce qui devait arriver est arrivé.
Gary Goldman : Il essayait évidemment d’approcher l’animation d’une façon différente. De notre côté, nous espérions générer un second âge d’or de l’animation, une véritable renaissance pour ouvrir, avec un peu de chance, les yeux de Disney. Nous ne pouvions rester à ce studio parce que nous ne pouvions rien apporter de neuf. « Si nous pouvons le faire, peut-être que vous essaierez plus fort, peut-être que vous prendrez des risques parce que vous devrez dépenser plus d’argent si vous voulez faire plus d’argent », tel était l’état d’esprit que nous avions lorsque nous avons quitté le studio.
Panorama-cinéma : Quand vous avez fait Dragon’s Lair, est-ce que vous avez tenté de pénétrer le monde des jeux vidéo pour expérimenter différentes trames narratives que vous ne pouviez faire dans des longs-métrages d’animation?
Gary Goldman : Quelqu’un est venu nous voir après avoir vu Le secret de NIMH et a décidé de nous impliquer dans le développement du jeu. Il nous a demandé d’être partenaires et d’incorporer un récit au contenu du jeu vidéo, mais nous n’étions pas du tout familier avec ceux-là! Quand j’allais dans une arcade, je jouais habituellement au golf miniature!
Don Bluth : Rick Dyer était l’homme qui nous a amené l’idée et ils étaient déjà bien avancé dans le développement du jeu lorsqu’il nous a demandé si nous pouvions animer Dragon’s Lair. Le scénario, lorsqu’il est arrivé, était uniquement à propos du matériel que nous devions animer. Donc, nous avons écrit un scénario plus complet avec des personnages plus intéressants.
Produire Dragon’s Lair a été très difficile et les fonds, pour concrétiser ce projet, n’arrivaient pas rapidement. Finalement, quand le projet a été dévoilé, il a dominé l’industrie des arcades qui était, elle, habituée à Pong et Donkey Kong. Tout à coup, on présentait non seulement une histoire, mais aussi un film d’animation! Les mêmes enfants qui se sont éloignés de Disney sont arrivés aux arcades, ont vu ces personnages qui ressemblaient à ceux de Disney et ils en étaient bien contents. Dans l’arcade, sous un différent contexte, ils voulaient bien observer de nouveau ces personnages. J’ai trouvé la réception phénoménale et, pour une raison obscure, au fil des ans, le jeu est demeuré populaire. Un contrôleur et un bouton pour l’épée, c’est la seule chose que vous deviez maîtriser.
Panorama-cinéma : Dans un long-métrage d’animation, vous dessinez uniquement ce que l’on verra à l’écran, vous n’en faites pas plus. Dans un jeu vidéo, c’était plus une question de dessiner les possibilités d’actions que le joueur peut exécuter.
Gary Goldman : C’est la même chose que nous nous étions dit en travaillant sur le jeu.
Panorama-cinéma : Que pensez-vous du récent tournant de Disney avec des films comme Enchanted (2007) ou The Sorcerer’s Apprentice (2010) qui tentent de reprendre le contrôle de la mythologie des films de Disney des années 40 et des films de princesses qui furent cités, par exemple, dans Enchanted?
Don Bluth : Je suis un vrai fan du divertissement. J’adore lorsque quelqu’un crée un film qui divertit et qui, en même temps, nous emporte, c’est qu’il nous fait sentir bien. J’ai regardé Enchanted de nombreuses fois et j’ai pensé que c’était un film amusant; j’ai aimé la musique et la performance d’Amy Adams. Je n’ai pas encore vu The Sorcerer’s Apprentice, mais le fait que Disney ouvre ses voûtes et essaie d’amener ses thèmes dans le monde d’aujourd’hui et d’en faire des films, je n’ai aucun problème avec ça si c’est divertissant.
Gary Goldman : En parlant de Fantasia, je sais que cela doit ennuyer de nombreuses personnes, mais il y a certaines séquences que tous doivent absolument voir.
Don Bluth : Ne trouvez-vous pas intéressant que durant le règne de Walt en tant que roi de l’animation, il y avait tant d’idées, tout était si fertile que maintenant ils doivent retourner en arrière pour trouver leurs idées? Pourquoi ne peuvent-ils pas se pointer avec des idées qui leur sont propres?
Gary Goldman : C’est la même chose avec les autres films. Ils ne font que des remakes.
Don Bluth : Oui Gary, mais c’est le même problème que nous avons eu ou que les autres ont eu : c’est incorporé. Les corporations n’ont pas d’idées, donc elles doivent creuser dans le passé pour en trouver. La meilleure chose qu’ils pourraient vraiment faire, c’est de s’asseoir, réfléchir et penser à un concept original. L’ensemble de l’immense travail de Walt était rempli d’idées, pas le leur.