DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Le Cinéma d'horreur britannique 1 : Le déclin des grands studios (1970-1979)

Par Alexandre Fontaine Rousseau


DRACULA A.D. 1972 d'Alan Gibson

Généralement, les historiens s'entendent pour dire que l'épopée du cinéma d'horreur britannique débute en 1955 avec la sortie de The Quatermass Xperiment - réalisé par Val Guest pour le compte de la compagnie Hammer Film Productions. Jusqu'alors, la Hammer s'était spécialisée dans la réalisation de modestes films policiers : des séries B conçues pour satisfaire les exigences des Cinematograph Films Acts de 1927 et 1938 selon lesquels un certain pourcentage des films présentés en salles doivent être d'origine anglaise afin de contrer le problème alors pressenti de la « domination culturelle américaine ». La maison de production, alors dirigée par James Carreras, ne cherche à cette époque qu'à fournir les munitions servant à satisfaire ces quotas. En 1957, tous les éléments clés de l'aventure Hammer sont enfin réunis: les acteurs Peter Cushing et Christopher Lee, le réalisateur Terence Fischer et le scénariste Jimmy Sangster. Armés d'un budget d'un demi-million de dollars, ils complètent cette année-là The Curse of Frankenstein - établissant par la même occasion le style qui fera la renommée du studio : des films campés dans un univers gothique, plus explicites dans leur représentation du sexe et de la violence que leurs prédécesseurs mais marqués tout de même par l'élégance un brin théâtrale du cinéma « de qualité » britannique alors bien en place. La critique de l'époque considère le tout particulièrement vulgaire, mais le succès commercial du film indique que le public apprécie le style plus cru de ces productions. L'année suivante, la même équipe complète le célèbre Horror of Dracula et jette les bases du plus endurant des symboles de la Hammer.

En 1960 naît une rivale, Amicus Productions, qui se spécialisera dans la réalisation de collections de court-métrages fantastiques. Ensemble, la Hammer et la Amicus produiront un corpus de plus d'une trentaine de films qui constituent en quelque sorte « l'âge d'or » du cinéma d'horreur britannique - auquel nous reviendrons dans un dossier ultérieur. Ce qui nous intéresse ici, c'est plutôt la troisième phase dans l'Histoire du cinéma d'horreur britannique: celle du déclin des grands studios, qui mènera à une période d'expérimentation et de remise en question qui conduira à certains des films les plus uniques (à défaut d'être nécessairement les meilleurs) de leur existence. Scars of Dracula (1970) de Roy Ward Baker marque en quelque sorte le début de la fin pour la Hammer - qui s'est fait prendre à son propre jeu et représente aujourd'hui le cinéma guindé d'autrefois qu'elle avait aidé à faire tomber. Les Roger Corman et Mario Bava qui, à l'époque, avaient été inspirés par les premiers films de Terence Fischer ont depuis dépassé en audace les films anglais. Le jeune public friand de sensations fortes a maintenant d'autres pourvoyeurs en la matière, plus au diapason des fascinations de leurs générations. La Hammer réplique avec son cycle Karnstein (The Vampire Lovers de 1970, Lust for a Vampire en 1971 et Twins of Evil en 1972) qui cherche à accentuer le caractère érotique de la thématique vampirique sans arriver à la cheville, à cet égard, de ce qu'un Jean Rollin a pu accomplir en France ou un Jesus Franco en Espagne. Entre temps, les lois sur les investissements internationaux se sont resserrées aux États-Unis et l'argent américain a cessé d'alimenter la machine de production anglaise.


CAPTAIN KRONOS: VAMPIRE HUNTER de Brian Clemens

En 1971, Michael Carreras accepte de remplacer son père à la tête de l'entreprise familiale. Cherchant à rajeunir l'image de la Hammer, il propulse Dracula au vingtième siècle dans Dracula A.D. 1972 puis The Satanic Rites of Dracula (1973), collabore avec la firme Shaw Brothers à l'occasion de The Legend of the 7 Golden Vampires (1974) et demande à Brian Clemens d'imaginer un nouveau héros (Captain Kronos: Vampire Hunter, qui n'aura finalement droit qu'à une seule aventure en 1974) dont la mission est de remplir les tiroirs-caisses de la compagnie. Cette série de fiasco commerciaux scellent le destin de la compagnie, qui orchestre en 1974 un dernier Frankenstein mettant en vedette Peter Cushing (Frankenstein and the Monster from Hell, réalisé par Terence Fischer) puis To the Devil… A Daughter en 1976 avant d'abandonner définitivement le grand écran pour se replier sur la production télévisuelle suite à l'échec de son remake de The Lady Vanishes (1979) d'Alfred Hitchcock. La Amicus, pour sa part, abandonne définitivement le créneau de l'horreur après 1974: alors que ses deux films du genre distribués cette année là (The Beast Must Die et Madhouse) n'obtiennent qu'un succès mitigé, le film d'aventure The Land That Time Forgot attire les foules et aura par conséquent droit à deux suites, At the Earth's Core (1976) et The People That Time Forgot (1977), qui seront les deux dernières productions de la Amicus. Les jours du cinéma d'horreur britannique sont définitivement comptés à partir de ce moment.

Anomalie notable dans cette histoire, The Wicker Man (1973) de Robin Hardy constitue sans aucun doute l'ultime triomphe de cette période (et possiblement de tout le canon, de la fondation au déclin, du cinéma d'horreur britannique). Christopher Lee, alors écoeuré par la formule Hammer qui s'engouffrait selon lui dans le précipice de l'auto-dérision, fût si enthousiasmé par le projet qu'il accepta d'y apparaître sans aucune compensation financière; la British Lion Films Corporation, en charge de la production, était une compagnie de distribution au bord de la faillite lorsqu'elle se lança dans l'aventure. Ce n'était pas une force établie, comme la Hammer ou la Amicus; et The Wicker Man, en rétrospective, nous apparaît comme le seul objet cinématographique du genre honnêtement représentatif de l'esprit de son époque - et comme l'un des chef-d'oeuvres du cinéma d'horreur à l'échelle mondiale. La sortie de cette fascinante production indépendante, plus vive et inspirée que les amusantes mais prévisibles opérations de mise à jour commerciale des grands studios, plante le dernier clou dans le cercueil de ceux-ci. Mais, paradoxalement, cette irrégularité n'aurait sans doute jamais vu le jour s'il n'y avait pas eu au préalable un système face auquel s'insurger - un système qui, même dans ses dernières heures, aura su livrer la marchandise aux amateurs de films de genre et nourrir un culte qui perdure jusqu'à ce jour.


FILMS CONCERNÉS

Première partie : DRACULA A.D. 1972 d'Alan Gibson
Seconde partie : THE WICKER MAN de Robin Hardy
Troisième partie : CAPTAIN KRONOS: VAMPIRE HUNTER de Brian Clemens

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Article publié le 10 février 2010.
 

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