S’y perdre revient à explorer dans les potentialités de l’expression cinématographique le portrait d’un moment trouble de l’histoire contemporaine, moment de crise (politique, économique, écologique) qui se double d’un moment aigu de conscience collective (de l’engagement, des genres sexuels, de l’environnement), avec comme constat que le cinéma peut encore beaucoup pour ces sujets, qu’il lui suffit de projeter haut et fort ses capacités plastiques afin de parvenir à créer des espaces et des histoires qui lui sont inédits, et que cet ouvrage n’est pas une vanité esthétique : il s’agit d’un vaste chantier de rénovation, de réaffirmation identitaire pour un art qui n’aura jamais été si étiré entre son espace premier (la salle) et les nouveaux espaces qu’il doit apprivoiser (comme Netflix, seul exemple capable de tenir tête à tout un monde).
C’est probablement parce que l’espace même du cinéma n’a jamais été si fuyant que les films sur lesquels nous nous sommes entendus présentent d’aussi fortes propositions formelles, comme s’il était important pour nous de réitérer par le présent exercice que le cinéma crée, comme il l’a toujours fait, ses propres territoires esthétiques, et que ceux-ci excèdent amplement les débats culturels et industriels de la précédente année. Heureux comme Lazzaro, First Reformed, The Other Side of the Wind, Zama, Shoplifters, Madeline’s Madeline, Happy Hour, BlacKkKlansman, Isle of Dogs, One Cut of the Dead, Au poste!, Too Late to Die Young… tant de films qui se sont structurés autour de micro communautés qui avaient un travail à faire et qui y ont découvert un conflit souterrain, une tension qui remontait par les fêlures de leur quotidien bien dévoué et qui apparaissait avec limpidité à quelques clairvoyants bien intentionnés, héros qui ont su porter durant l’année les fardeaux de tous les autres ; un rappel à tous que le cinéma est un art de la normalité qui dérape et s’envole, qu’il nous aide à voir ce qui se trame à l’insu de tous, qu’il nous permet parfois même d’apprécier les choses simples qu’on ne croit jamais suffisamment compliquées. De ce jeu d’échelles discursif et formel, l’année cinématographique 2018 a tiré de notre rédaction les trente incontournables que voici.
Présentation | 30-21 | 20-11 | 10-1 | Courts métrages | Palmarès individuels |
illustration : François Samson-Dunlop
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