DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Rétrospective 2012 : Les 25 meilleurs films de l'année (25-21)

Par Panorama - cinéma



THE RAID: REDEMPTION
Gareth Evans  |  Indonésie  |  2011

Je me manifeste souvent comme un fin connaisseur des films chargés d’explosions et de testostérone. À mon grand désarroi, la furie et les palpitations que l’on retrouve habituellement dans le cinéma d’action semblent avoir mystérieusement disparu depuis quelques années. Il y a longtemps qu’un film de ce genre m’a coupé le souffle. Je me dois souvent de retourner aux classiques de John Woo ou de John McTiernan pour étancher ma soif d'émotions fortes. Mais, comme une tonne de briques, The Raid: Redemption de Gareth Evans fait son entrée dans un univers où l’on croyait avoir tout vu. D’origine britannique, Evans plonge dans la culture indonésienne pour livrer 101 minutes de pure adrénaline. Maintenant à sa deuxième collaboration avec l’acteur Iko Uwais (après le surprenant Merantau), le cinéaste fait preuve de cran et nous expose le maximum que le Silat (art martial indonésien) a à nous offrir, dévoilant la force surhumaine et l’agilité qui se déchargent de ce style de combat infligeant une douleur considérable à ses adeptes et leurs assaillants. Bref, Evans nous plonge dans le feu de l’action en suivant ce petit groupe d’intervention voulant appréhender un baron de la drogue sur son propre terrain. Coeurs sensibles s’abstenir, car personne ne retient ses coups!

Texte : Maxime Monast




CAMION
Rafaël Ouellet  |  Québec  |  2012

On pensera à Camion comme un jalon additionnel confirmant que le cinéma québécois récent, à l’instar de la société qu’il dépeint, marche vers une réhabilitation du dialogue. Dans ce cas en particulier, bien que le titre se fasse déjà image au premier degré (les camions, c’est pour les hommes et les ti-gars, surtout dans une histoire d’hommes et de ti-gars), il englobe une figure allégorique beaucoup plus importante : ce camion que conduit Germain depuis tant d’années, camion que l’on sent aussi fiable que près de la retraite, comme son propriétaire, sert de pivot dramatique fort. Lorsqu’un accident meurtrier force le vieux routier à abandonner sa vocation, c’est tout ce qu’il est depuis toujours dans ses schèmes de patriarche qui s’effondre. Rassemblant de force les personnages au sein de leur cellule familiale défaillante (le père traumatisé et ses deux fils semi bons à rien, l’un résigné fataliste cynique, l’autre pathétique sans avenir professionnel), cette conjoncture narrative les plaque devant un noeud symptomatique qu’il leur faudra démêler dans l’altérité même des retrouvailles. Avec toujours une pointe d’humour qui perce le tragique, des dialogues à la répartie intelligente et des acteurs charismatiques, dont le plus que jamais poignant Julien Poulin, c’est en tant que porte-étendard d’une fraternité à renouveler que se pose le Camion de Rafaël Ouellet.

Texte : Olivier Lamothe




THE CABIN IN THE WOODS
Drew Goddard  |  États-Unis  |  2011

Il y a des limites à refaire sans cesse le même film. Quand on a produit et écrit Lost, et quand on a écrit Cloverfield, pas de doute : on a les ressources de l'imaginaire pour faire quelque chose de différent... pour le meilleur ou pour le pire. Cette fois, c'est le Drew Goddard des beaux jours qui se lève et nous offre un torture-porn jouissif, où l'attirail vaut cependant bien plus que l’exécution proprement dite. Malgré son absurdité, le cinéaste américain réussit à concocter une oeuvre cohérente et libérée de ces foutues contraintes invisibles qui veulent que « ces mensonges-ci soient plus vrais que ces mensonges-là »... Ici, tout est placé au service de l'intrigue, du détournement des codes et de la subversion de la logique narrative habituellement associée au genre dans lequel on s'inscrit. Ce n'est pas révolutionnaire, mais c'est suffisamment original pour que ça nous stimule. Et, avantage non négligeable à la chose, contrairement à Lost, on ne s'égare pas, ici, en chemin. C'est 95 minutes bien carrées, qui nous plaisent justement pour leur hermétisme.

Texte : Guillaume Fournier




KILLING THEM SOFTLY
Andrew Dominik  |  États-Unis  |  2012

Avec Killing Them Softly, Andrew Dominik aura remporté le pari non négligeable d’offrir une représentation aussi lucide et cohérente que profondément cynique et impitoyable de la plus récente crise économique, et ce, en demeurant le plus loin possible de Wall Street. Le réalisateur annoncera ses couleurs d’entrée de jeu, situant son intrigue tournant autour d’un simple braquage « entre truands » durant les jours qui mèneront à l’élection historique de Barack Obama en novembre 2008. Ce qui suivra sera le portrait à très petite échelle, mais d’une rare précision, d’une Amérique sur le déclin où la loi du chacun pour soi finirait par venir rapidement à bout des rêves de nation unie des plus optimistes. Les temps ne sont plus à l’erreur ou au laisser-aller. L’exemple doit être donné pour que le système fonctionne de nouveau. Des têtes devront rouler pour rétablir la confiance des « consommateurs », même si ce ne seront pas toujours les bonnes. L’Amérique de Dominik n’est plus un pays, c’est un business. Une vision qui donne, certes, froid dans le dos. Voyons voir à présent si le président réélu saura donner tort à l’Australien d’ici la fin de son second mandat.

Texte : Jean-François Vandeuren




LOOPER
Rian Johnson  |  États-Unis  |  2012

Avec son troisième long métrage, Rian Johnson, talentueux auteur aux multiples facettes, résout le paradoxe de la postmodernité dans le cinéma de science-fiction contemporain. En effet, rares furent les blockbusters foncièrement originaux cette année, et ce que Johnson nous offre avec Looper est d’autant plus impressionnant dans sa manière organique d’intégrer mille influences en un film casse-tête autant inspiré du premier Terminator de James Cameron que du classique Akira de Katsuhiro Otomo, ou du fantastique Wizard of Oz de L. Frank Baum dans son utilisation du Kansas comme nexus spatiotemporel. Ne relevant jamais du collage confondant et accumulant les concepts pour dresser le portrait d’un futur pas si lointain suffisamment réaliste, Johnson évite les complications narratives inhérentes au(x) concept(s) du voyage dans le temps et révèle plutôt une étude de personnage (Willis et Gordon-Levitt offrant deux versions du même protagoniste) sur plusieurs décennies et futurs possibles. Touchant, philosophiquement chargé et portant à réfléchir,  l’idée du voyage dans le temps devient donc un outil servant à donner du poids et de la teneur émotionnelle au récit. Simplement dit, Looper est un ajout honnête, touchant et impressionnant à l’éventail d’un genre difficile à aborder efficacement, surtout à l’ère du remake, de l’énième suite et de l’adaptation.

Texte : Ariel Esteban Cayer
 
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Article publié le 4 janvier 2013.
 

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