Encore une fois cette année, Panorama-cinéma célèbre l'Halloween en se livrant de nouveau à l’exercice infernal qu’est de produire une liste de films. Pour suivre la même tendance que nous avions amorcée l'an dernier, nous sortons des habituels palmarès des meilleurs films d’horreur et essayons d’éviter les évidences, sinon pour les approcher d’un angle inhabituel ou personnel. Nous nous sommes donc plongés de nouveau dans nos souvenirs cinéphiliques pour y puiser quelques traumas d’enfance, quelques retours en souvenirs insolites sur des anciens classiques, quelques films méconnus et quelques autres oubliés. Donnant en fin de compte une liste très variée, les suggestions offertes représentent la diversité cinéphile de la revue. Voici donc treize autres films pour l'Halloween.
ANGUISH
Bigas Luna | Espagne | 1987 | 89 minutes
Le réalisateur espagnol Bigas Luna est généralement associé à des films chargés en sensualité, explorant avec humour les passions érotiques de ses personnages principaux et en sous-texte, les changements sociaux et identitaires de l’Espagne (il a lancé la carrière de Javier Bardem avec ses premiers films tel Jamón Jamón [1992]). C’est donc avec surprise qu’on le retrouve, au milieu de sa carrière, à la tête d’un film d’horreur, toutefois toujours fidèle à ses tendances vers la parodie des clichés en ce qu’il l’aborde avec un angle plutôt inusité.
Gare aux divulgâcheurs, car Anguish n’est pas qu’un film d’horreur, il est aussi un film ludique, très ludique, qui joue avec les clichés du genre et en détourne les attentes avec des revirements inattendus, poussant le film vers la métafiction. Film en transformation, on y suit d’abord un optométriste réservé qui, sous l’emprise d’une hypnose provoquée régulièrement par sa mère, tue des gens pour ensuite leur extraire les yeux, qu’il collectionne minutieusement. Prémisse simple qui emprunte autant à Hitchcock qu’aux slashers qui font alors la gloire du genre mais dont l’habileté du cinéaste rend chaque scène enlevante dans la création de son suspense. Qui dit métafiction nous dit aussi qu’il serait trop simple d’en rester à cette prémisse et c’est pourquoi, à mi-chemin, Luna brise le quatrième mur et nous fait découvrir que le film que l’on regarde depuis le début est en fait un film projeté devant un public autant effrayé qu’amusé dans une salle de cinéma (The Mommy réalisé par Anul Sagib, palindrome de l’auteur). À partir de ce moment, le spectateur voyage en parallèle entre le film dans le film (The Mommy) et le point de vue des quelques spectateurs dans la salle, ceux qui deviennent les nouveaux personnages principaux du film, le vrai, Anguish, et qui commentent les scènes de Mommy alors même que ce dernier est en train de contaminer leur réalité.
Au-delà de son aspect méta, le film joue réellement bien sur les nerfs, Luna sachant efficacement quoi montrer et comment le montrer afin de créer des moments de tension forts, tout en sachant aussi déconstruire les mécanismes du suspense, maintenant un équilibre qui est renforcé par les réactions des gens de la salle de cinéma qui font écho aux nôtres et qui rappellent tout plaisir spectatoriel. Bigas Luna démontre ainsi une utilisation inventive des codes du genre, parsemant son film d’un humour noir qui souligne cet aspect joueur qu’il ne faudrait pas non plus prendre trop à la légère : Anguish contient des moments terrifiants et des images fortes qui risquent de vous suivre jusque dans vos cauchemars. Sa réflexivité ne vous sauvera pas. (David Fortin)
CARNIVAL OF SOULS
Herk Harvey | États-Unis | 1962 | 78 minutes
À l’instar des nouvelles vagues nationales, le début des années 1960 demeure un moment charnière dans l’histoire du cinéma d’horreur. À mi-chemin entre les productions des studios qui capitalisaient sur des monstres monolithiques et les tours de force fauchés des indépendants qui inscriront naturellement la terreur dans la normalité la moins onéreuse à reproduire, l’horreur bascule à ce moment entre ses antécédents de conte de fées gothique et sa future machine à transformer le réel, celle qui pavera la voie aux zombies de Romero, simples figurants au teint blême, ou aux tueurs du slasher, figures masquées maniant le plus simple armement.
Pour amorcer ce tournant, il fallait sans doute des cinéastes de la trempe de Herk Harvey, un professionnel de l’industrie du film éducatif et promotionnel, un type qui a tourné plus de 400 films dans sa vie sans jamais pour autant les faire à Hollywood. Basé chez Centron Corporation à Lawrence, au Kansas, la plus grosse boîte de films non commerciaux aux États-Unis, Harvey s’est toujours intéressé à la lisibilité de ses sujets, à mettre en scène le quotidien dans sa forme la plus publicitaire possible, fondant ses images sur des stéréotypes, puisant dans l’imaginaire collectif des compositions qui pourraient se passer de son synchrone au profit d’une voix off didactique, celle-là si caractéristique de ces films en 8 et 16 mm qui abondaient alors dans les écoles.
Tout changea le jour où, rentrant de petites vacances à Salt Lake City, Utah, Harvey reprit la route pour croiser un vieux chapiteau abandonné sur les abords du lac salé. Baptisé Saltair, ce complexe inquiétant de bord de lac était hyper baroque, d’inspiration un peu russe, un peu arabe, surtout étrangère, et le frappa par son allure, un choc esthétique, élément déclencheur qui lui fit demander à John Clifford, l’un des plus prolifiques scénaristes chez Centron, de pondre en quelques jours un scénario qui pourrait jouir de ce décor vacant. Après une collecte de fonds accomplie sur une fin de semaine, Harvey part avec ses 30 000 $ et tourne en quelques semaines ce qui deviendra un des indéniables films cultes des années 60… ainsi que son seul et unique long-métrage en carrière.
Or ce qui frappe aujourd’hui en (re)découvrant Carnival of Souls, c’est la manière dont l’influence du film éducatif demeure le vecteur de son esthétique somnambule, par exemple lorsque le son coupé du champ de la diégèse sert de barrière entre le monde des vivants (dans lequel pense se trouver Mary, incarnée par Candace Hilligoss avec un regard hagard qui n’est pas sans rappeler celui de Monica Vitti chez Antonioni à la même époque) et le monde des morts (incarné par les âmes qui errent sous le grand chapiteau de Saltair). Ce qui frappe, c’est aussi le sous-texte féministe, anticonformiste, qui ne semblerait pouvoir venir que d’un artisan de la fabrique du conformisme américain, celui qui montre cette héroïne, miraculeusement rescapée d’un accident de la route, résister à toutes les décisions que cherchent à lui imposer le patriarcat qui tente de l’assimiler à une vie normalisée (elle devrait sortir avec son voisin de chambre insistant parce qu’il insiste, elle devrait suivre les conseils du médecin parce qu’il les lui prodigue, elle devrait écouter le pasteur parce qu’il professe). Ainsi, au-delà de l’ambiance psychédélique qui fonctionne sur les ritournelles d’orgue composant la trame sonore et le désalignement de l’image et du son, Carnival of Souls propose des âmes en peine qui préfigurent directement la prédétermination motrice, d’inspiration capitaliste, de l’esthétique de Night of the Living Dead (1968). À ce titre, il faudrait maintenant imaginer une nouvelle articulation du cinéma d’horreur américain, inscrite dans une forme de cinéma régional à explorer, mais surtout chez ces publicitaires, comme Herschell Gordon Lewis, George A. Romero, Tobe Hooper et Herk Harvey, des cinéastes qui avaient en commun un sens inné de l’étrange qui ne pouvait sans doute exister sans cette formation à la production de la normalité. (Mathieu Li-Goyette)
AMERICAN MARY
Jen Soska et Sylvia Soska | Canada | 2012 | 103 minutes
Pourquoi American Mary ? Parce que c’est l’un des seuls films de rape/revenge véritablement féministes jamais produits. Les autres films du genre ont le beau jeu de prétendre au féminisme puisqu’ils mettent en scène les représailles d’une femme à l’endroit d’assaillants masculins, mais il ne s’agit là que de poudre aux yeux. En effet, la violence machiste contenue dans ces films est presque toujours anecdotique : c’est le fait d’une bande de désaxés et non le produit d’une véritable culture du viol. Pire encore, ces films tendent souvent à chosifier la protagoniste féminine au même titre que ses agresseurs, via sa monstrification narrative (I Spit on Your Grave [1978, 2010]) ou son exhibition racoleuse (Revenge [2017]).
Ici, toute l’iconographie, toutes les tactiques de représentation inhérentes à l’économie phallocentrique du film de rape/revenge, et du cinéma d’exploitation en général, sont complètement remaniées. À cet égard, la séquence d’ouverture emblématise à elle seule tout le caractère révolutionnaire et rebelle de l’entreprise, avec ses gros plans de chair aviaire découpée au scalpel, puis délicatement recousue. C’est le fétichisme chirurgical des sœurs Soska fait chair, préambule à la réhabilitation diégétique de l’art du body modification en porte-à-faux avec l’institution médicale machiste gérée par les docteurs visqueux interprétés par David Lovgren, Clay St. Thomas et et Nelson Wong. En d’autres mots, c’est la désinstitutionnalisation du travail de coupe effectué par les soi-disant slashers-cliniciens au profit de luttes identitaires marginales. Car si la protagoniste titulaire parvient à se venger des méchants qui l’ont violé, ce n’est pas simplement en reproduisant à son tour leur violence phallique, mais en s’appropriant la source de leur agentivité sociale, c’est-à-dire la pratique chirurgicale, qu’elle met accessoirement au service d’une contre-attaque poétique, puis, plus significativement encore, au service des praticiens transidentitaires de l’art corporel.
Si le potentiel révolutionnaire du film réside surtout dans la prise de pouvoir professionnelle et la maturation émotionnelle fulgurante de Mary, interprétée avec un aplomb insolent par la vraie grande dame du cinéma d’horreur canadien, Katharine Isabelle, il est tributaire également du refus des sœurs Soska de consentir au spectateur le confort pourvu par le réalisme, le conformisme et le sentimentalisme d’un certain cinéma patriarcal. Pas plus que la femme n’est objet, l’interprétation ici n’est pas « méthode », l’humour n’est pas léger, la caractérisation n’est pas vraisemblable, le fétichisme n’est pas phallocentrique et l’atmosphère n’est pas réaliste. Tout est sombre, stylisé, glissant, et le pathétique réside carrément dans les fantasmes d’amour orthodoxes du personnage masculin, le tenancier du bar d’effeuilleuses que fréquente Mary, un tough supposément, qui seul dans la diégèse pense rose bonbon. Bref, il n’y a pas ici de passage entre le monde lumineux de l’existence quotidienne et le ténébreux monde interlope. Il n’y a que la noirceur abyssale d’un monde gynophage ordinaire, que vient illuminer de faisceaux sporadiques le pouvoir d’autonomisation de la femme fétichisée devenue artiste démiurgique. (Olivier Thibodeau)
MALPERTUIS
Harry Kümmel | Belgique/France/République fédérale d'Allemagne | 1971 | 125 minutes
Toute jeune, je me relevais, la nuit, après m’être couchée à l’heure dite, et je redescendais au salon pour regarder des films avec mon père pendant que le reste de la maison dormait. Il m’expliquait l’histoire, me parlait des acteurs, m’apprenait à apprécier la photographie et à déchiffrer les images. C’est ainsi que j’ai vu Casablanca (1942) et Citizen Kane (1941) pour la première fois et que j’ai vraiment découvert le cinéma, entre minuit et 4 heures du matin, par à-coups et en pièces détachées, à la merci d’un père qui changeait de poste pour suivre quelque autre émission à chaque pause publicitaire, d’une mère qui se réveillait invariablement pour me sommer de retourner au lit, et de mon propre sommeil qui me rattrapait au moment inopportun. Le plus souvent, les films étaient plutôt inoffensifs, même s’ils n’étaient pas traditionnellement de mon âge. Et mon père veillait au grain pour m’encadrer, commenter, m’entourer. J’ai un souvenir, pourtant, d’un film sur lequel mon père aurait bien dû allumer. Je devais avoir autour de 7-8 ans. C’était un film incroyablement étrange, mais fascinant, comme un conte de fées halluciné. Il y avait une sorte de manoir peuplé de gens bizarres, avec des corridors labyrinthiques aux portes multiples. Il faisait toujours nuit. Je me souviens de Mathieu Carrière, si blond, malmené de toutes parts et pourtant curieusement impassible. On parlait beaucoup, on se languissait et on s’embrassait encore plus. Il y avait Orson Welles et sa voix profonde dans un lit à baldaquin rouge. Il y avait du sang, des masques, des pièces bleu Klein, des éclairages verts. Et puis, il y avait cette femme, flambant nue ; et puis une autre, en cape, seins nus, toutes griffes dehors avec ses ongles verts. Et puis aussi Prométhée qui se faisait dévorer le foie. J’ai toujours à la mémoire ces images profondément troublantes, complètement emmêlées. J’ai longtemps pensé avoir rêvé ce film, tant j’avais été saisie. J’ai appris des années plus tard qu’il existait vraiment et qu’il s’appelait Malpertuis. C’est l’unique occasion où je suis remontée dans ma chambre sans attendre qu’on m’invite à le faire… (Claire Valade)
THE FLY II
Chris Walas | États-Unis | 1989 | 105 minutes
J’ai eu la chance inouïe de voir pour la première fois The Fly (1986) en programme double avec Hellraiser (1987). Les deux films sont pour moi inextricablement reliés par le souvenir et leur choc indissociable. Mais au-delà de la parenté que je leur attribue, je constate qu’ils partagent aussi plusieurs thèmes : c’est une terrible histoire d’amour sur fond de body horror et de dé(re)matérialisation des corps, en relatif huis-clos, où l’exploration des coulisses de notre monde mène l’explorateur à sa destruction.
Or je gardais un souvenir assez flou mais tout de même inconfortable de The Fly II de Chris Walas, un quart de siècle plus tard. Je l’ai regardé à nouveau pour les besoins de cette chronique et quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’il y a autant de lien à faire entre sa structure et celle de Hellbound : Hellraiser II (1988). Dans un hôpital où des terribles expériences sont menées, un docteur suave et sadique séquestre le protagoniste afin de lui soutirer les secrets de la (re)matérialisation interdimensionnelle. Dans les deux cas, on pousse le gore-o-meter à 8 avec des effets spéciaux encore plus élaborés, on propose une expansion de la mythologie et on ne rechigne pas à ajouter une bonne dose d’action. Les deux œuvres partagent même une grandiloquente (et parfois similaire) trame sonore de Christopher Young ; elles sont toutes deux foutraques, inégales, parfois étranges et ne peuvent prétendre à la fulgurance de leur prédécesseur. Pourtant, elles présentent quelque chose que les originaux ne possédaient pas : ce niveau de cruauté parfois franchement saisissant, cette perversité qui met à risque les tolérantes sympathies du spectateur.
The Fly II est aussi une histoire assez surprenante sur le spécisme, la souffrance et l’exploitation de la vie. À plusieurs reprises, le body horror permet des scènes assez riches en émotion, dont une inoubliable, chargée de pathos… Mais c’est la fin du film qui mérite qu’on le redécouvre, alors que le salut du héros passe par le dépassement, en cruauté, des machinations du méchant. La plus-value de The Fly II, la justification même de toute son existence, c’est de nous faire miroiter une envie de vengeance héroïque et, quand elle arrive enfin, de nous terrifier en nous reprochant de l’avoir souhaitée. (Francis Ouellette)
DELLAMORTE DELLAMORE
Michele Soavi | Italie/France/Allemagne | 1994 | 105 minutes
Les amateurs de films d’horreur italiens stylisés et atmosphériques de la belle époque sauront apprécier Dellamore Dellamorte (connu aussi sous son titre anglais Cemetary Man), puisqu’il est autant un vibrant hommage à cette tendance qu’une stimulante parodie de celle-ci.
Francesco Dellamorte est le gardien solitaire du cimetière d’un petit village italien qui a une caractéristique particulière que seul Francesco et son disciple connaissent : les morts qui y sont enterrés reviennent à la vie après quelques jours. Francesco suit donc une routine bien monotone mais nécessaire afin de garder la paix en observant chaque nuit le cimetière pour y tuer chaque récent cadavre sortant de sa tombe afin de les remettre en terre une bonne fois pour toutes. Pourquoi ne va-t-il pas voir les autorités pour leur demander de l’aide ? Cela occasionnerait trop de paperasse,surtout que Francesco semble avoir une routine efficace qu’il contrôle parfaitement… Jusqu’à ce que les choses se compliquent, ou plutôt, jusqu’à ce que Francesco tombe amoureux.
Comme son titre l’indique, Dellamore Dellamorte entrelace l’amour et la mort dans une spirale qui fera perdre au héros son emprise sur la réalité, jusqu’à ce qu’il hallucine le retour de la femme tant aimée sous diverses identités., Éros et Thanatos se répétant jusqu’à l’essoufflement. Le film use donc de la répétition pour définir son héros autant qu’il dresse par la même occasion une analogie du genre lui-même.
Le film d’horreur italien (ou même le film d’horreur en général), dans ses multiples itérations, s’est vu répéter les mêmes idées jusqu’à en perdre l’enthousiasme de ses débuts, à l’image de ce mélancolique Francesco qui en arrive à répéter automatiquement ses exécutions de zombies comme une nécessité qu’il ne peut détourner, voire comme un code à suivre. Évidemment ce n’est pas sans humour que Soavi approche cette idée et arrive alors à éviter le calque facile en insufflant à son film une énergie et un humour surprenants (il faut voir le motard récemment enterré avec sa moto ressurgir de la terre). Rarement abordés par cet angle, les films d’horreur italiens tiraient rarement du côté de l’humour. Or Soavi a su se le permettre en gardant toute la force horrifiante des esthétiques et des atmosphères typiques des films phares qui l’ont précédé. Atmosphérique et stylisé, son film comprend des moments de grâce faisant parfois écho à la peinture (les amants de Magritte y sont transformés en tableau vivant dans une scène), tout comme les directions artistique et photographique qui s’avèrent surprenantes dans leurs jeux d’ombres et leurs reflets élaborés.
Sorte de film crépusculaire qui clôt un genre pour lequel l’Italie fut une terre fertile, Dellamore Dellamorte, à l’image de son héros, réanime le genre une dernière fois afin de mieux le tuer une fois pour toutes. (David Fortin)
DOCTOR X
Michael Curtiz | États-Unis | 1932 | 76 minutes
« Don’t criticize Joan for her state of undress », dit l’un des pauvres scientifiques, menotté à une chaise de bois sinistre, parée d’électrodes et vissée au sol – ça sent le film pré-code Hays, avec les tenues plus moulantes, les jupes filmées par en dessous, les dialogues grivois et la fascination sincère des bas-fonds ; plus encore, voilà bien une phrase qui pourra résonner dans pratiquement tout le cinéma d’horreur qui suivra.
L’un des tout premiers films américains de Michael Curtiz (espérons qu’un jour ses films hongrois seront redécouverts) est un film d’horreur inusité, une drôle de chose qui donne au réalisateur de Angels With Dirty Faces (1938) et de Casablanca (1942) l’occasion de réaliser une fiction du vice, comme elles étaient si populaires aux débuts du parlant, alliant son style nerveux (ses bras qui chez lui restent si près des corps pour s’agiter) à son sens du contexte (des objets éloquents en amorce, des caméras qui font des travellings obliques dans l’espace pour opérer des gradations de la normalité vers la spécificité – ici de la folie). Ainsi Doctor X, bien qu’il soit loufoque à bien des moments, intéressera les amateurs de cinéma d’horreur pour sa capacité à venir articuler la popularisation du genre alors qu’il était en phase de définir ses propres mécanismes de terreur.
Il faut comprendre que cette remarque visionnaire sur la sensualité du genre est énoncée au moment où les amis du savant fou surnommé le docteur X sont conviés à une expérience fondamentale de cinéma d’horreur. Persuadé que l’un d’entre eux est coupable d’être le moon killer sévissant depuis des semaines et ayant déjà cumulé parmi ses victimes des femmes de petites mœurs, des héroïnomanes et des itinérants, le personnage titulaire leur propose de reproduire dans son laboratoire, sur une scène à l’éclairage particulièrement dramatique, les meurtres rapportés par la police en demandant au majordome du manoir de jouer le vilain. Originalité métanarrative du dispositif : le rythme cardiaque des participants fait réagir un dosimètre de la peur, canalisant cette mise en scène du tueur en série comme une mise en abyme étonnamment bien exécutée du cinéma d’horreur et des attentes spectatorielles à son égard.
Si Doctor X s’avère sans doute moins effrayant qu’il n’est astucieux, il jouit toutefois de ses influences en se les réappropriant dans un exercice hautement intéressant. Entre Dr. Jekyll and Mr. Hyde (1920 et 1931) et les films de la Universal produits à la même époque, le film de Curtiz s’en distingue précisément par sa manière de croiser, sous un même regard voyeur, une vulnérabilité sensuelle et une pulsion meurtrière, sordide, faisant en sorte que la mesure de la palpitation artérielle est à la fois le fruit d’une excitation sexuelle et l’appréhension apeurée de la mort. Sexe et mort, ces deux versants contraires et complémentaires, semblent trouver dans Doctor X une affirmation à la fois primitive et tout à fait consciente des mécanismes psychiques sur lesquels ils reposent (et par le fait même une réflexion avant-gardiste sur les raisons de ce cinéma). Doté en plus d’un magnifique Technicolor archaïque à double bande, Doctor X est un hybride fascinant entre le film de monstre et le cinéma de gangsters (à travers son protagoniste, un journaliste qui ne se doute pas du virage surnaturel que prendra son enquête), ainsi qu’une clé de voûte à redécouvrir pour tous ceux qui apprécient ces films hautement conscients du plaisir qu’ils nous procurent. (Mathieu Li-Goyette)
I, MADMAN
Tibor Takacs | États-Unis/Canada | 1989 | 89 minutes
Gagnant du Grand prix au festival d’Avoriaz (aujourd’hui Gérardmer), I, Madman est une œuvre géniale qui depuis est tombée dans l’oubli, à l’instar de nombreux autres chouchous du festival comme Full Circle (1978), Waxwork (1988), Paperhouse (1989) et Hardware (1990). À l’instar également des autres films de cet auteur d’épouvante méconnu, Tibor Takács, dont l’excellent The Gate (1987), quintessence de la chronique fantastique sur l’anxiété banlieusarde, est surtout connu des fans pour l’affiche générique qui en affublait les copies VHS. Plus encore que ce dernier film par contre, qui amalgamait déjà de façon singulière le drame psychologique suburbain avec le conte mythologique harryhausenesque, I, Madman est une œuvre distinctement postmoderne, ludique et irrésistible, remplie de glissements métaleptiques subreptices entre le vrai et le faux, mais surtout de glissements délirants entre les différents âges du cinéma d’épouvante hollywoodien.
Le récit du film est ridicule et bordélique : c’est l’histoire d’un tueur de roman, antagoniste du bouquin titulaire, qui, après s’être tailladé le nez, les oreilles et le scalp pour l’amour d’une actrice nommée Anna, alter ego de la protagoniste Virginia, récolte violemment auprès de ses connaissances les morceaux de visage qui lui manquent. Le film propose à ce titre une série de mises en abyme libres qui contribuent à une logique d’indiscernabilité triomphante entre le monde diégétique, le monde romanesque de I, Madman, et celui du roman précédent de l’auteur, Much of Madness, More of Sin. Jenny Wright constitue d’ailleurs le parfait choix de casting pour la protagoniste puisqu’elle emblématise à la fois, entre Near Dark (1987) et le présent film en tout cas, la timide angoisse de la femme-victime et la sensualité impérieuse de la femme fatale, rôles dont elle s’acquitte alternativement dans sa posture de peureuse éplorée, enlacée au cou de son copain policier, et de renarde aguichante, qui, lors d’une scène de sexe mémorable, narre les atrocités contenues dans ses romans en caressant le corps de son amant.
Outre l’indiscernabilité des trames narratives, c’est aussi l’indiscernabilité des styles cinématographiques qui est source de plaisir. La culture du noir est certes très prégnante au sein de l’œuvre — la qualité exceptionnelle des éclairages constituant à cet égard un de ses traits distinctifs au sein de la production octantarde — mais c’est finalement dans la mixologie imagière emblématique du réalisateur que sa cinéphilie s’exprime le plus éloquemment. La couverture colorée des livres pulp se fusionnent donc aux péripéties ténébreuses qu’ils contiennent au même titre que Takács combine librement les genres mats et les genres lustrés. Se succèdent ainsi dans la diégèse surchargée de l’œuvre des hôtels de film noir peuplés de monstres en stop-motion, ainsi que des plans expressionnistes suivis de zooms d’action à la chinoise ou de plans-prédateur à l’italienne, le tout couronné d’une scène d’action fantaisiste irrésistible dans une librairie labyrinthique avec des éboulements catastrophiques de livres et des geysers de pages à la clé. Cela dit, seule une grammaire aussi éclectique et foisonnante peut finalement rendre compte de l’amour que porte l’auteur pour son art, le septième art tout entier, qu’il décline ici dans de si nombreuses et amusantes vignettes révérencieuses. (Olivier Thibodeau)
DEMON SEED
Donald Cammell | États-Unis | 1977 | 94 minutes
S’il y a quelque chose que mes années en tant que commis de club vidéo m’auront appris, c’est que les amateurs de cinéma d’horreur forment une tribu particulièrement vorace. Ces maniaques,dont je fais partie, cherchent toujours une sensation inédite. Ils sont tout simplement insatiables et rarement satisfaits. Pour cette raison, j’avais appris à toujours avoir en main une poignée de suggestions, des mindfucks capables de créer la confusion chez le plus érudit des horror buffs.
Demon Seed (1977) de Donald Cammel, adapté du roman de Dean Koontz, plus connu chez les francophones en tant que Génération Proteus, reste à ce jour le film « inconnu » avec lequel j’ai déstabilisé le plus de clients. L’histoire est simple et ingénieuse : une intelligence artificielle/système de surveillance/aide domestique capable de réflexion et de parole développe une sérieuse obsession pour les êtres humains, en particulier pour sa créatrice campée par Julie Christie. Le problème, c’est que la maison de la dame est entièrement gérée par l’I.A. et que cette dernière (il faudrait plutôt dire ce dernier) décide de la séquestrer. Pour quelles raisons ? Ce sera à vous de voir mais je vous garantis une frétillante crise de bacon au moment du climax.
La particularité de Demon Seed est d’être une variation plutôt habile de presque tous les genres de films d’horreur existants, tout en restant sa propre bibitte. C’est un film de maison hantée, de science-fiction technophobique, de possession démoniaque, un home invasion, un soft torture porn, une transposition du mythe de Frankenstein et, pour en ajouter une couche, une méditation sur la condition féminine. Mais ça ne s’arrête pas là : Demon Seed recèle même son moment expérimental et psychédélique, tout aussi superflu qu’il est saisissant, fait sur mesure pour les épileptiques.
Ceux qui aiment le type particulier de torture mentale dont la série Black Mirror a fait sa spécialité trouveront ici l’arrière-grand-père sadique qui l’a portée aux nues. Le film parfait pour un premier rencart quoi ! (Francis Ouellette)
THE BLAIR WITCH PROJECT
Daniel Myrick et Eduardo Sánchez | États-Unis | 1999 | 81 minutes
À Cannes, en 1999, j’ai réussi à me faufiler dans la projection gala de Blair Witch Project à la Quinzaine des réalisateurs. Si le film débarquait sur la Croisette auréolé de sa réception délirante à Sundance, quelques mois plus tôt, il ne faudrait pas oublier que, à cette époque lointaine (20 ans déjà !), Internet était encore communément au stade du dial-up et les réseaux sociaux balbutiaient à peine. Le bouche-à-oreille virtuel ne se répandait pas instantanément comme aujourd’hui, mais juste assez efficacement pour avoir permis à la machine promotionnelle de l’époque d’en tirer parti à fond pour la première fois — si bien qu’un certain doute savamment entretenu en ligne planait encore sur la véracité ou la fausseté de ce qui était présenté comme un « documentaire » assemblé à partir de rushes retrouvés. Tout cela faisait du film une sorte d’ovni amerloque bien peu sérieux dans cette première Quinzaine de l’ère post-Deleau. Forcément, une bonne dose de ce scepticisme snobinard purement cannois, mi-fanfaron, mi-blasé, flottait donc autour du film et, surtout, sur son efficacité à effrayer… Erreur… Le grand théâtre de la Quinzaine était comble. Réceptif, l’auditoire était surtout détendu et badin. Dix minutes après le début de la projection, alors que tout le monde commençait à s’accoutumer à l’allure véridique de la qualité douteuse des images tremblotantes, le climat de la salle s’est mis à changer sensiblement. Un raidissement généralisé, un mouvement tendu d’ensemble, un silence attentif de plus en plus épais. L’heure et demie qu’a duré la projection s’est avérée être l’une des très rares fois de ma vie où j’ai vu 825 personnesde ce public cannois m’as-tu-vu chevronné — journalistes au-dessus de tout en jeans et baskets mêlés aux belles dames en paillettes —retenir leur souffle de façon audible, sursauter, crier, se tortiller sur leur siège et se cacher les yeux à l’unisson. La salle était TERRIFIÉE. À la sortie, sur la Croisette, le succès phénoménal du film était scellé. Et 825 personnes cherchaient à savoir si les acteurs (volontairement écartés de la première) avaient bel et bien péri ou si, au contraire, on les aurait aperçus plus tôt sur la plage... (Claire Valade)
POPCORN
Mark Herrier | États-Unis | 1991 | 97 minutes
À regarder l’affiche de Popcorn, avec son imagerie crânienne usée et son titre passe-partout, on ne devinerait jamais l’inventivité réelle qu’il contient. La vérité, c’est qu’il se cache ici trois films dans le film, tous plus savoureux et recherchés les uns que les autres. La trame narrative externe, dans laquelle un groupe d’étudiants californiens organise un marathon de films d’horreur dans un palace retapé, sert à cet égard de simple prétexte à un exercice cinéphilique autrement plus satisfaisant et raffiné.
Elle est très amusante néanmoins cette trame externe, et le récit de slasher psychanalytique bourré de séquences oniriques délirantes et de références grossières aux Fantômes de l’opéra (1989) et du Paradise (1974) qu’elle contient. La caméra est énergique, et la bande sonore également. On a même droit à un beau montage de rafistolage du cinéma sur une version reggae de Saturday Night at the Movies des Drifters (gracieuseté de Ossie D. et Stevie G., qui signent aussi l’excellent Scary Scary Movies du générique). Le scénario, quant à lui, est gorgé de répliques mémorables à propos du « smörgåsbord » d’Ingmar Bergman (qu’un des protagonistes compare négativement à Police Academy 5 [1988]) ainsi que de la secte cinéphilique du méchant Lanyard Gates, espèce de gourou-thaumaturge à mi-chemin entre Charlie Manson et Kenneth Anger. On note aussi cette ringardissime réplique sous-freudienne, délivrée avec un sérieux touchant par la superbe Jill Schoelen, cette scream queen négligée qu’on retrouve avec plaisir après l’excellent Stepfather (1987) de notre enfance : « My unconscious has been trying to make me relive my past so that I would remember it! ».
Malgré tout, l’intérêt du film réside autre part, c’est-à-dire dans la leçon exemplaire d’histoire du cinéma qu’il nous offre via les trois films à gimmick sauce William Castle, intégrés de façon spéculo-métaleptique au récit (le délirant ersatz de kaiju hollywoodien Mosquito, la variante comique d’Indestructible Man [1956], Attack of the Amazing Electrified Man, et le navet asiatique mal doublé The Stench), mais aussi via tout le fétichisme pour les créatures de papier mâché et les machines à effets spéciaux qu’implique leur mise en scène. Même la confrontation finale entre la protagoniste, le simiesque héros mâle et le grandiloquent successeur de Gates est une occasion de briser le quatrième mur et de permettre la pollinisation tous azimuts du délire cinéphilique si généreusement imaginé par Herrier et compagnie. (Olivier Thibodeau)
KURONEKO
Kaneto Shindô | Japon | 1968 | 99 minutes
Le cinéma japonais est riche en kaidan-eiga (films de fantômes) avec les nombreuses adaptations cinématographiques des divers contes folkloriques surnaturels qui sont nés en terres nippones. Parmi ces contes, on en retrouve plusieurs impliquant des bakeneko (chat changeant), dont l’idée fut brillamment adaptée de façon moderne dans le film de Kaneto Shindô Kuroneko.
Dans une petite maison en bordure d’une forêt de bambous, une femme et sa fille sont violées et tuées par des soldatsdurant une période turbulente du Japon féodal. Quelque temps après, d’autres militaires reviennent de guerre en repassant par cet endroit. Suite à l’intervention d’un mystérieux chat, les fantômes des deux femmes reviennent afin d’assouvir leur vengeance. Dans les jours qui suivent, des samouraïs seront un à un retrouvés morts de façon inusitée, ce qui alarmera le gouverneur qui enverra un jeune homme pour confronter ces onryō (esprit vengeur).
Chef-d’œuvre aux qualités esthétiques indéniables, cette histoire de fantômes en apparence classique se démarque par les sommets qu’atteignent la mise en scène de Shindô et surtout la sublime photographie de Kiyomi Kuroda avec ses clairs-obscurs très contrastés. Le film se déroule majoritairement la nuit, utilisant des éclairages élaborés et composant des images fortes en découpant minutieusement la lumière. À tout ce travail technique s’ajoute la création d’une atmosphère surnaturelle qui enveloppe le film ; le vent, les arbres, le brouillard, tous les éléments de la nature qui entourent les lieux semblent prendre vie et agir en fonction de ce qui se déroule autour d’eux. La musique aussi, signée Hikaru Hayashi, vient donner le ton à cette ambiance nocturne et appuyer l’aspect irréel des lieux.
Partageant le même directeur de la photographie et le même compositeur musical, Kuroneko est très proche d’Onibaba, que Kaneto Shindô réalisa quatre années plus tôt, partageant non seulement une esthétique semblable, mais aussi cette même idée d’histoire tragique impliquant un duo de femmes se vengeant des hommes attirés par elles. Les deux films se répondent donc étrangement dans leurs attaques envers le patriarcat ambiant, déconstruisant du même coup l’image honorable du samouraï. C’est dans la mort que les femmes de Kuroneko obtiennent le pouvoir de renverser les rôles. Les deux femmes revenues sous la forme d’un esprit vengeur se sont juré de tuer tous les samouraïs allant vers elles et de boire leur sang, utilisant la séduction pour les appâter vers elles. Dans ce monde de guerre, Shindô semble nous dire que tout le monde y perd. (David Fortin)
WORLD APARTMENT HORROR
Katsuhiro Ôtomo | Japon | 1991 | 97 minutes
Que faisait le célèbre mangaka et metteur en scène Katsuhiro Ôtomo entre Akira (1988) et Memories (1995) ? Sur quoi planchait la scénariste Keiko Nobumoto avant d’atteindre la gloire avec Macross Plus (1994) et Cowboy Bebop (1998-2001) ? Où le regretté Satoshi Kon a-t-il fait école avant d’animer les images d’Ôtomo pour l’adaptation de Roujin Z (1991) ? Quel est le fil initial de la vaste trame qui unit ces trois artistes ? C’est cette humble comédie d’horreur sociale bien sûr, ce World Apartment Horror qui, a sa manière énergique, guillerette et opportune, accuse le racisme japonais et l’intransigeance entrepreneuriale pour les vraies horreurs de ce monde. Même le brillant acteur et réalisateur Sabu (auteur de l’excellent Postman Blues [1997]) participe ici aux festivités dans le rôle principal du prétentieux yakuza Ita, excédé par la gentillesse des locataires étrangers qu’il est chargé d’expulser de l’immeuble titulaire.
Le film commence avec une interprétation contemporaine du Tokyo Boogie-Woogie (1946) de Shizuko Kasagi, de cette « danse mondiale » accompagnée d’un montage naïf d’effervescence urbaine, aussi naïf, semble-t-on nous dire, que l’idéal qui pousse le prolétariat panasiatique à venir tenter sa chance dans la capitale japonaise. Ce prolétariat trouve d’ailleurs son incarnation macrocosmique au sein du bloc-appartements qui abrite également Ira, le frère aliéné de Ita, qui attaque initialement ce dernier dans une scène typique du style de mise en scène vigoureux que privilégie ici Ôtomo. La caméra bouge très lestement en effet, des souliers vernis de Ita qui frappent le pavé tokyoïte vers le haut de son corps, sapé à la plus énième mode yakuza, et elle zoome très lestement aussi vers le trou de balle laissé par Ira, dont l’œil inquisiteur point alors derrière les éclisses. On se croirait dans un film de gangsters populaire, jusqu’à ce que le vernis craque, que la bonhomie des locataires taïwanais, philippins et chinois nous fasse glisser vers le registre comique, puis que la sous-trame spectrale, comme celle de Poltergeist (1982), bifurque vers la satire anticapitaliste.
Les scènes hilarantes s’enchaînent ici à un rythme effréné. « Je suis yakuza », crie Ita à un groupe d’immigrants chinois hébétés qu’il méprend pour des Coréens. « Ah ! Bonjour Yakuson », répondent gaiement ses interlocuteurs en le couvrant d’accolades. « Que se passe-t-il », demande l’un des locataires, alors qu’Ita entonne une chanson de karaoké au milieu de la nuit. « Fun », répond l’autre avant d’inviter toute sa fratrie à chanter à leur tour. Cet humour progressiste s’épanche finalement dans un climax d’horreur spectaculaire, tributaire d’une série d’effets spéciaux astucieux et d’une danse martiale incongrue entre les deux antagonistes emblématiques du récit : le suprématiste japonais couvert d’amulettes, qui brandit un sabre à la gloire de sa nation, et le leader yakuza avec sa pelle de développeur immobilier, symboles d’une organisation sociale chauviniste que le film s’amuse à déconstruire à l’instar du genre lui-même, qu’il imbue d’une dimension comique et politique irrésistible. World Apartment Horror est donc un film à découvrir absolument, ne serait-ce que pour y voir les premiers pas de quatre artistes aussi talentueux que Nobumoto, Kon, Sabu et Ôtomo (qui signe ici sa première œuvre en live action). (Olivier Thibodeau)
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