La - trop courte - carrière de
Satoshi Kon aura en soi été l’histoire d’un talent extraordinaire prédestiné à laisser une marque indélébile dans son domaine d'expertise, mais également d’un artiste qui aura su sortir de l’ombre et s’imposer au moment le plus opportun. En 1998, dix ans après que Katsuhiro Otomo - dont le réalisateur aura déjà été l’assistant - ait propulsé l’animation japonaise au-delà des frontières avec le foudroyant
Akira, Kon poursuivait cette quête visant à renforcer la crédibilité du médium face à un public plus mature, mais aussi beaucoup plus vaste, avec le thriller psychologique
Perfect Blue. À l’opposé du cinéma d’animation populaire produit en Occident, qui continuait de s’adresser principalement à un bassin de spectateurs beaucoup plus jeunes, ce premier long métrage venait imposer cette idée que le dessin pouvait être une option tout à fait envisageable pour la mise en images d’un scénario destiné à être tourné en prises de vue réelles.
Au début des années 2000, l’animation japonaise poursuivait sa progression en parvenant à attirer de plus en plus l’attention de spectateurs évoluant en dehors des cercles de connaisseurs et de fanatiques. Un tel intérêt aura évidemment découlé de la popularité toujours incontestable du Studio Ghibli, qui bénéficiait désormais du support du géant Disney de ce côté-ci du Pacifique, mais également de celle - plus relative - de titres comme le
Metropolis de Rintaro ou le
Steamboy d’Otomo. De sorte que lorsque Satoshi Kon nous aura proposé
Millennium Actress et
Tokyo Godfathers, dans lesquels il parvenait à puiser l’extraordinaire au coeur de récits beaucoup plus tangibles, ceux-ci auront pu bénéficier d’un certain effet d’entraînement et recevoir la reconnaissance qu’ils méritaient - à défaut d’être des succès commerciaux instantanés -, et ce, aussi bien à l’intérieur du marché japonais qu’à l’étranger.
Au-delà de la qualité incomparable de l’animation, faisant part d’une fluidité et d'une minutie typique de l’industrie de l’anime, ce qui ressort surtout de l’oeuvre de Kon, c’est la manière dont ce dernier aura su se servir du médium pour transcender le réel tout en prouvant sa capacité à communiquer un bagage d’émotions particulièrement imposant, et ce, sans que leur portée ni leur complexité ne soient jamais trafiquées, voire inutilement amplifiée. Il faut dire aussi que le croisement constant de la réalité et de la fiction aura toujours été l’une des principales thématiques de l’oeuvre du réalisateur. Thématique dont il développerait les fondements à travers les récits des héroïnes de ses deux premiers efforts, une star n’arrivant plus à faire la différence entre sa vie et celle du personnage qu’elle interprète au petit écran, et une actrice qui aura vu le parcours de sa vie et la trame narrative des films auxquels elle aura pris part se compléter pour finir par raconter la même histoire.
Dans
Tokyo Godfathers, «
feel-good movie » par excellence, le quotidien morne d'un trio d’itinérants déambulant dans la cité se laissait envahir par les hasards extraordinaires d’une quête relevant pourtant d’une réalité particulièrement sérieuse. C’est bien évidemment dans son ultime long métrage,
Paprika, paru en 2006, que Kon repousserait les limites de son art en touchant à des tangentes plus typiques de l’animation japonaise comme la science-fiction. Le tout en continuant toutefois de souligner l’importance comme la puissance de l’imaginaire au coeur d’un récit obéissant à des règles bien définies, et donc vraisemblables dans pareil contexte.
Le 24 août 2010, Satoshi Kon succombait à un cancer du pancréas à l’âge de quarante-six ans. Le cinéaste travaillait alors sur
The Dream Machine, qui devait être son cinquième long métrage. Le célèbre studio d’animation Madhouse, qui aura produit les quatre films de Kon, aura pu poursuivre le développement du projet après la mort de ce dernier en se basant sur ses notes. La production a toutefois été arrêtée depuis en raison du manque de financement.
Voici donc notre rétrospective dédiée à ce géant de l’animation qui, en moins d’une décennie, aura su atteindre les mêmes sommets que les Otomo, Miyazaki et autre Takahata l’ayant précédé.
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Perfect Blue // Satoshi Kon (1997)
Millennium Actress // Satoshi Kon (2001)
Tokyo Godfathers // Satoshi Kon (2003)
Paprika // Satoshi Kon (2006)