RENAISSANCE DU CINÉMA AMÉRICAIN Depuis quelques années, la lucidité du cinéma américain fascine et subjugue. Des films colériques, critiques, cyniques, de véritables oeuvres dignes d'un nouvel âge d'or jaillissent parfois des cinéastes qu'on avait tôt fait de condamner (Harmony Korine, Kathryn Bigelow, David O. Russell), de ceux qui font l'industrie (Michael Bay, Zack Snyder), des vieux routiers qu'on croyait emmitouflés dans la nostalgie (Martin Scorsese, Francis Ford Coppola) comme des jeunes iconoclastes à qui s'ouvre le monde (Derek Cianfrance, Shane Carruth, Joe Swanberg). Le cinéma américain d'aujourd'hui est à l'image de ses grands romans – ceux de Fitzgerald, d'Hemingway, de Faulkner – ces romans furieux sur le danger de vivre où, dans le même phrasé, cohabitent le mythe et la poussière. Ce nouveau cinéma est un édifice de paradoxes, empli de contradictions, de faux-semblants qui viennent blinder ses plus grandes tares et sur lesquels viennent rebondir l'analyse. Quand le nouveau Superman conteste le pouvoir militaire américain en ajoutant « I'm about American as it gets », quand Korine et Bay filment la décadence floridienne en retournant contre elle son esthétique insalubre, quand Bradley Cooper le flic assassine Ryan Gosling le cowboy dans The Place Beyond the Pines, c'est au choc des titans qu'on assiste. Le choc des idées – des idéologies. Le grand paradoxe d'une Amérique en proie aux lutte intestinales, profondément divisée en son sein comme rarement depuis la Guerre du Vietnam, ne pourrait être plus clair. Entre le pouvoir législatif et l'exécutif, un duel d'échecs s'opère chaque jour avec le peuple au banc des témoins, amené à juger de quelle politique survivra-t-on, de quelle assurance maladie s'insurgera-t-on. Alors que les conflits au Moyen-Orient perdurent et pendant que l'Europe crise, l'Amérique fait le point et, par le biais du cinéma de genre – qu'elle a inventé et chouchouté depuis des décennies –, elle abat les épouvantails de l'État. La guerre, l'expansionnisme, le néo-libéralisme, tout passe dans le collimateur du nouveau cinéma américain. Plus rien n'est sacré au pays du God Bless. Le doigt de l'Homme, ankylosé par la corruption, peine à se dresser. C'est donc un siècle après la sortie de Birth of a Nation, chef-d’oeuvre fondateur aussi complexe que détestable, que le cinéma américain revient à ce qu'il sait faire de mieux : provoquer le débat, alimenter le tumulte pour que tombent les masques. Comme s'il fallait racheter une décennie de calomnies sous Bush fils, ce cinéma filme la grossièreté au grand angle, innove par son montage qui oppose des héros dont la symbolique, parfois pesante il est vrai, a le mérite de brasser l'imaginaire collectif et de le confronter à ses largesses. Les films de super-héros ont la cote plus que jamais, avec à l'horizon un Captain America revu à la sauce espionnage et conspiration. Quant au prochain Jarmush, il portera sur des vampires blasés pendant que P. T. Anderson suivra un détective désabusé, que Malick philosophera sur la célébrité et l'avarice d'un acteur célèbre et que O. Russell accompagnera une waitress de l'Amérique profonde qui déparque par hasard au Capitole de Washington D. C.. Le cinéma américain contemporain fait feu de tout bois, trouvant dans chacune des récupérations de son immense patrimoine cinématographique l'occasion d'une relecture de la société qui l'a produite et consommée. Face à l'excès des financiers et l'épuisement de toutes les ressources, face à la lente dévoration du monde réel par le monde de l'image, on trouve la problématique par excellence du nouveau siècle de cinéma : Dans un monde amoral, peut-il encore y avoir des images immorales? Mathieu Li-Goyette Rédacteur en chef |
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