Essai | Entrevue
:: David B. Ricard [photo : Elias Djemil]
Sarah-Louise Pelletier-Morin : J’avais envie qu’on s’éloigne un peu du format de l’entretien classique et qu’on ait une conversation sur les pratiques de création. Ton film m’a beaucoup touchée parce que j’ai aussi une (petite) pratique de création et je me reconnaissais dans plusieurs scènes de David contre Goliath — des scènes d’anxiété, de doute, de culpabilité, autant de sentiments qui sont suscités par la création. Je me revoyais, comme toi, devant mon écran, incapable d’envoyer un courriel… Ou bien terriblement angoissée à l’idée de reprendre contact avec d’anciens collègues, ou encore affectée pendant des jours après avoir essuyé un refus passif-agressif. Ton film montre bien que la création, c’est aussi une question de « relations à gérer ».
David B. Ricard : Ça me touche beaucoup que tu dises ça parce que le principe de base qui est au cœur de ma démarche cinématographique, c’est que l’intime va devenir universel. Dans mes films qui abordent un sujet plus extérieur, je pouvais concevoir que ça touche les gens, mais je n’étais pas certain qu’un matériau aussi introspectif puisse rejoindre les spectateurs.
SLPM : C’est toujours difficile, je trouve, quand on crée à partir de soi, de savoir si c’est un matériau trop anecdotique, si tel aspect de notre existence est banal, inintéressant, ou singulier et fascinant, si ça a un potentiel de rejoindre d’autres personnes.
DBR : Oui. Et c’est certain que, lorsqu’on crée à partir de soi, il y a de l’anecdotique. C’est pour ça que je m’entoure : j’ai besoin d’un regard extérieur pour me dire si tel aspect fonctionne ou non. Ma monteuse [Annie Hardy], par exemple, joue ce rôle-là. La deuxième écriture, celle du montage, est nécessaire, ça crée un premier filtre — sinon, je suis trop « dedans », je n’ai pas de recul. Par exemple, pendant un bout de temps, je me suis filmé en train de me raser pour faire le personnage de David contre Goliath [soit la mise en scène de l’épisode biblique qui ponctue le film par des tableaux muets en noir et blanc]. Me raser, c’est un acte symbolique, c’est un acte qui est fort pour moi — je n’aime pas me voir rasé, pour diverses raisons, notamment parce que ça transforme mon rapport à la masculinité… Et Annie n’était pas certaine du tout de ces scènes de rasage. N’empêche, je les ai gardées jusqu’à la toute fin, avant de les enlever finalement selon ses conseils. Bref, oui, c’est très difficile d’avoir un détachement par rapport à une œuvre dont je suis le sujet.
UN.
Je me vois un peu comme un paysan.
SLPM : Que ce soit avec Surfer sur la grâce (2016), Vocalités vivantes (2018) ou David contre Goliath (2023), tu fais toujours des films qui parlent de toi, de ta personnalité, des enjeux de la création, de l’envers du décor. Dans Surfer, tu dis en ouverture : « Ce film est sur toi-même, tu ne dois pas l’oublier. Maintenant, concentre-toi sur ton frère, concentre-toi sur Louis. » Faire des films, ça semble être pour toi une manière de te saisir, de te comprendre, d’approfondir ta connaissance de toi-même — mais en t’exhibant dans le regard de l’œil. Ça peut sonner hyper égocentrique ou narcissique comme approche et pourtant, ce n’est pas du tout le sentiment qu’on a quand on regarde tes films. Comment réussis-tu à réaliser ce tour de force, soit parler de ton mal-être créatif, mais sans qu’on ait le sentiment d’un artiste qui nous donne à contempler narcissiquement sa souffrance ?
DBR : J’ai cherché longtemps pour arriver à ça. J’ai même fait de la recherche bibliographique. Le mémoire de maîtrise de Julie Delporte [1], par exemple, m’a été d’une grande aide. Je l’ai lu de long en large, j’ai exploré toutes ses références. Elle étudiait alors le blogue et le dessin, à partir de la question de la sincérité et de l’humilité. Comment se montrer tel quel, avec ses faiblesses et ses forces ? L’idée, ce n’est pas juste de montrer ses faiblesses et d’être juste dans la souffrance. C’est de trouver un équilibre. C’est vraiment comme construire un personnage de fiction : il faut doser. Qu’est-ce qui permet d’alimenter le canal de sympathie pour le personnage que j’incarne ? C’est le genre de question que je me suis posée.
Par exemple, dans David contre Goliath, je dis au début que je vais filmer tous les jours. La première scène sert à s’attacher au personnage, parce que les minutes suivantes me montrent dans le doute ; si j’avais commencé par ce doute, le ton aurait été lourd dès le début, et l’ouverture aurait moins de sympathie pour mon personnage, je crois.
SLPM : Est-ce que c’est aussi pour créer de la sympathie à l’égard de ton personnage que tu intègres le décès de ta grand-mère dans le film ?
DBR : Oui, c’est entre autres pour ça. Il y a une part qui visait à susciter la sympathie, mais c’était aussi dans le but de mettre deux deuils en écho. Pour moi, David contre Goliath, c’est un film sur le deuil. Et d’ailleurs, je dirais même que c’est un film sur le deuil d’être un artiste. Parce que, à mon sens, pour devenir un artiste, il faut faire le deuil d’être un artiste.
SLPM : En quel sens ?
DBR : Parce que sinon on cherche à tout prix à devenir un artiste et, par cette recherche, on fait des mouvements stratégiques. Personnellement, ces mouvements me conduisent aux pires créations. C’est toujours quand je « m’en fous », quand je fais juste un acte pour l’acte que ça devient de l’art intéressant — à mon avis. Pas quand je fais, disons, de l’art engagé, ou pour prouver telle chose à telle personne, ou pour m’inscrire dans telle direction. Me détacher des raisons de créer, ça fait partie du deuil. Surfer sur la grâce, je l’ai commencé à un moment où j’étais en train de lâcher toutes les autres affaires. Et je me suis dit : « Je vais me faire plaisir. Je vais faire un petit film avec Léo [Lecours Pelletier], mon ami… Et ça va être tout. » Plutôt que le faire dans des conditions pour me « prouver » que j’étais un réalisateur.
:: David B. Ricard et son frère Louis dans Surfer sur la grâce (2016) [Photo : Léo Pelletier / Spira]
SLPM : Et finalement, grâce à cet état d’esprit, tu as produit une œuvre fascinante.
DBR : Léo, qui est dans David contre Goliath, est une personne très méticuleuse. Il est assez différent de moi. Lui, il produit peu, mais il est très perfectionniste ; alors que moi, je produis beaucoup. Je me vois un peu comme un paysan qui plante beaucoup d’arbres et qui planifie en perdre au moins la moitié… En travaillant avec Léo, je me suis dit qu’il faudrait que je m’entoure de gens plus méticuleux que moi, que ce serait un bon complément. Parce que, après, sur le plan de la récolte, j’ai besoin d’aide pour savoir quels arbres sont mieux que les autres, surtout quand les arbres te ressemblent, qu’ils ont tous ta face ! (Rires)
SLPM : On en parlait dans l’équipe de Panorama : il y a quelques moments qui suscitent une sorte de malaise dans ton film. Comme si le spectateur était pris à témoin à un moment de ta vie où tu cherches à pacifier d’anciennes relations, à t’excuser ou à trouver une forme de validation. On a l’impression parfois d’assister à une conversation à laquelle on n’était pas conviés. C’était aussi le cas dans ton premier documentaire sur ton frère ; je pense à la scène sur le banc dans laquelle ton frère te dit qu’il n’a pas réellement envie de faire ce film. Ces moments-là sont jubilatoires, mais, en même temps, il y a quelque chose qui grince. Comment te sens-tu par rapport à la sortie de David contre Goliath ? Est-ce que tu te sens impudique ?
DBR : Non, je ne dirais pas que c’est impudique. J’ai l’impression que je vais loin et que c’est osé. Par moments, j’ai pu avoir pensé que c’était un film exhibitionniste, mais ensuite je me suis dit : « Non, il fallait montrer ça. »J’essaie toujours d’être sur la fine ligne entre la pudeur et le narcissisme. Et Annie, ma monteuse, est très disciplinée par rapport à ça ; je me suis entouré de personnes qui ont une grande éthique de travail.
SLPM : Est-ce qu’on peut dire que les séquences référant au cinéma muet, où tu mets en scène le récit biblique de David contre Goliath, servent aussi à créer une distance, une sorte d’autodérision pour miner la dimension narcissique, voire l’ironiser ?
DBR : Oui, d’ailleurs on a essayé d’enlever ces scènes. Et en les enlevant, il n’y avait plus aucun moment où on pouvait rire dans le film. Ça donne la permission de rire de soi. Et ça permettait aussi d’exploiter la musique.
SLPM : Ça crée un appel d’air.
DEUX.
Je ne pourrais pas être juste un réalisateur.
SLPM : On voit dans David contre Goliath que tu pratiques plusieurs formes d’art. Tu touches dans ce film à la danse (la somatique), à la performance, etc. La musique prend également une dimension importante, les scènes muettes réfèrent à des décors de théâtre (tu as d’ailleurs fait beaucoup de vidéos pour le théâtre et la danse). Tu parles dans le documentaire de ton manque de temps, du fait que tu travailles trop. Te sens-tu aujourd’hui dispersé dans ta création ?
DBR : Je me suis rendu compte que mon atelier ressemblait beaucoup aux ateliers de mes deux grands-pères. L’un était bijoutier, son atelier contenait plein de tiroirs et d’outils ; l’autre vendait des meubles (de l’électronique surtout) et son atelier était du type « ventre ouvert » avec des fils qui débordaient de tous bords tous côtés. Mon atelier, c’est comme ça, il y a plein de modules partout, j’ai comme besoin de ça. Je fais beaucoup de vidéo analogue en direct, je fais de la performance, je crée des vidéos pour la danse et le théâtre. Je suis un « artiste multi », c’est comme ça que je me vois. Je ne pourrais pas être juste un réalisateur. Ça ne serait pas suffisant. C’est pour ça que j’ai besoin d’être dans mes films, dans la matière filmique ; c’est pour moi une forme de performance. Je connais le langage cinématographique, je suis très proche de ce langage, mais ce n’est pas ça qui me fait me réaliser. Le cinéma est un outil parmi les autres. Ce que j’aime du cinéma, c’est que ça permet d’archiver, de conserver des traces de choses qui sont arrivées : que ce soit une performance artistique ou une discussion avec mon frère, par exemple.
SLPM : Pourrais-tu faire un film qui ne parlerait pas de toi ?
DBR : J’ai plein d’idées de sujets documentaires et de personnages que j’aimerais suivre, mais on dirait que de m’engager à long terme avec des sujets alors que, ce que j’ai envie de faire, c’est de pousser l’introspection, je trouverais difficile d’imposer ça à des sujets extérieurs, à d’autres personnes… Ce n’est pas facile d’imposer une vision introspective à d’autres, un peu comme Pierre Perrault l’a fait dans ses films — je n’ai pas ce cran-là. On le voit dans David contre Goliath, je suis plutôt angoissé par rapport à l’impact que j’ai sur les autres, donc il faut vraiment que je sois proche de la personne pour me sentir à l’aise — c’est pour ça que j’ai commencé avec Louis, mon frère, dans Surfer.
TROIS.
L’impression de creuser vers la vérité.
SLPM : Le film donne l’impression que tu t’es réellement trouvé comme réalisateur quand tu as délaissé la fiction pour te tourner vers le documentaire. Est-ce aussi tranché dans ton esprit ?
DBR : Je pense que, pour moi, la différence entre la fiction et le documentaire n’est pas si claire. Je crois que je serais capable de faire de la fiction dans un contexte d’improvisation, comme dans Les pas d’allure [d’Alexandre Leblanc (2022)], par exemple, ou comme certains films de Jacques Rivette, parce qu’il y a quelque chose d’un peu documentaire dans ces œuvres. Au-delà de la distinction fiction-documentaire, c’est l’hégémonie du texte qui me bloque. Dans la fiction traditionnelle, le texte prend beaucoup trop de place. Le scénario me pèse, il a pour moi une dimension autoritaire. Et ça me bloque au théâtre aussi, parce que le texte engendre une mise en scène qui engendre une direction d’acteurs qui engendre tout le reste de la conception. Mais admettons qu’on trouve quelque chose, et qu’on veut développer un langage, on fait quoi ? Je me sens mieux dans un contexte de création où le texte n’est pas le « Père » qui impose tout.
:: Le chapitrage de David contre Goliath [Spira]
:: Éric K. Boulianne et David B. Ricard dans David contre Goliath [Spira]
SLPM : Il y a aussi souvent une sorte de dédoublement dans tes films entre toi comme cinéaste et toi comme sujet. Parce que tu portes souvent ces deux chapeaux. Forcément, tu peux jouer avec des mises en scène de toi-même comme sujet pour plaire au cinéaste : il y a parfois un flou qui s’installe, notamment lorsque tu te filmes en crise de panique. Le pacte de vérité est miné parce qu’on ne sait pas si tu « joues » ou si tu nous livres quelque chose de vrai. On ne sait pas qui parle. C’est la même chose qui se produit dans Surfer sur la grâce : à un moment, tu filmes ton frère qui se blesse en skate et le cinéaste est en quelque sorte « heureux » d’avoir du matériel pour son film, alors que le frère veut agir comme un frère, en l’aidant… Est-ce qu’il y a une vérité possible au cinéma ? Et comment fais-tu pour accéder à cette vérité ?
DBR : Dès le début du processus, je me suis conditionné : lorsque je me sentais d’une certaine manière, je commençais à m’enregistrer. J’ai exploré beaucoup la question « suis-je vrai ou non » ? Il y a toutes sortes de gestes qui contribuent à la mise en scène : m’habiller, choisir mes vêtements, planifier ce que je vais dire, reprendre une prise quand je m’enfarge. Il y a toujours une conscience de soi, une conscience d’être à l’écran.
J’ai plus l’impression de creuser vers une vérité, que d’être en train de filmer la vérité. Il y a une nuance par rapport à ça. Je n’ai pas l’impression que c’est mentir, mais parfois je peux « provoquer » des moments dans mes documentaires. Comme dans Surfer où je confronte mon frère : j’agis sur la réalité, je fais une sorte de mise en scène, pour provoquer une situation. L’impact que ça a eu sur mon frère, cette confrontation, je vois ça un peu comme du travestissement. Mais en même temps, ce genre de mises en scène, ça arrive dans la réalité. Ça fait partie de nos modes de représentation.
SLPM : Il y a une réflexion très fine sur la psychologie humaine qui s’élabore dans tes films.
DBR : Oui, c’est l’axe que j’aime développer. D’ailleurs, j’ai reçu une bourse pour engager un mentor et j’ai choisi un psychologue ! Si j’allais vers la fiction, je pense que ce serait pour faire des films psychologiques.
QUATRE.
En m’épuisant à travailler.
SLPM : David contre Goliath pose aussi la question : « Qu’est-ce que c’est, créer, en 2023 ? », dans une époque consumériste, capitaliste. Pourquoi créer devrait-il absolument aboutir à une œuvre finie, diffusable, lisse ? Est-ce qu’un film non abouti, qui n’est pas sorti dans les festivals, qui n’a pas été vu, consommé, critiqué, est forcément un échec ? N’est-ce pas une vision un peu mercantile de la création ?
DBR : Oui, absolument. En travaillant au théâtre, en m’épuisant à travailler durant de très longues journées de 14 h, de 18 h, j’ai réalisé que, dorénavant, je voulais m’engager uniquement dans des processus de création où je me sens bien. Le processus est aussi important que le résultat. Peu importe ce que ça donne, si j’aime le processus, c’est ce qui compte. Parfois, je m’enferme dans mon atelier et je mixe des choses sans avoir de projet particulier… Je jamme avec des amis, aussi. Ce sont les plus beaux moments.
SLPM : Est-ce que tu t’engages différemment quand tu travailles pour les autres que dans tes projets personnels ?
DBR : Non, et c’est un peu ça le problème. Je m’engage totalement pour les autres. Je me donne sans compter et je me brûle. J’ai tendance à verser dans l’assujettissement et l’abnégation, à avoir des exigences élevées, à vouloir sauver tous les projets…
SLPM : Même dans David contre Goliath, tu te « donnes » beaucoup, presque sans limite. Je pense que, si je tenais tant à faire cet entretien, c’est parce que tu nous offres une telle part de ton intimité, de ta vulnérabilité, que j’avais l’impression d’avoir une dette envers toi, de vouloir te redonner quelque chose comme spectatrice. Parce que toi, tu te livres, tu nous donnes quelque chose.
DBR : Oui, et cette question du don, ça a selon moi tout un rapport avec le catholicisme, qui prêche qu’on devrait « aimer sans rien espérer en retour ». J’ai analysé ça beaucoup parce que c’était une de mes valeurs. À force d’y réfléchir, j’ai réalisé que ce n’est pas nécessairement bon de se donner de cette manière-là. C’est romantique, utopique, comme idée, mais ça peut aussi devenir un vice. Ça change beaucoup de choses au niveau relationnel quand on commence à moins donner.
:: Goliath et David interprétés par David B. Ricard dans les tableaux bibliques muets [Spira]
SLPM : Un truc qui m’étonne de ton film, c’est qu’il n’y a aucune dimension critique. À part à ton égard, dans le sens où tu t’autocritiques. Tu es ton propre Goliath. Mais tu ne critiques pas le milieu du cinéma, le système, l’institution, le public, les subventions… Ce n’est pas une œuvre politisée. C’est vraiment plus la dimension psychologique que tu creuses.
DBR : Je me posais justement la question aujourd’hui. Il y a beaucoup de gens politisés autour de moi. J’ai moi-même des idées politiques, je pose même des actions. Mais je pense que j’aurais peur de dire quelque chose et de le regretter. Sur le plan politique, parfois, je trouve qu’une perspective peut changer. Je fais mes films sur le long terme, j’essaie donc de mettre l’emphase sur des problèmes plus philosophiques que politiques. Pour moi, la politique, c’est faire du bénévolat et du mentorat, donner du temps dans mon milieu… Après ça, pour moi, c’est politique d’avoir engagé beaucoup de femmes sur mon plateau ou d’avoir payé les gens qui m’ont aidé. « L’engagement, c’est s’engager pour son sujet », comme disait Bernard Émond dans Il y a trop d’images [2011, Lux Éditeur]. J’essaie de m’extraire un peu de mon temps.
CINQ.
J’essaie de fuir : retour.
David est parti du café vers le Cinéma Public où il présentait son film une trentaine de minutes plus tard. Il retournait le soir même à Québec, m’a-t-il dit. J’ai cru comprendre que de quitter Montréal lui avait permis de prendre un peu de distance par rapport à ses premières années dans le cinéma, des années où il s’épuisait, où il donnait sans compter, où il gravitait toujours dans le même cercle d’amis. Le cinéma est sûrement une histoire d’amitié, mais aussi de solitude, de limites, de retranchement en soi-même.
Depuis que j’ai visionné le documentaire, je repense souvent à ces questions que David se pose dans une scène : « Est-ce que c’est de la passion ou de la maladie mentale ? », « Qu’est-ce que j’essaie de fuir en travaillant autant ? »
La vie est ainsi faite qu’elle crée parfois des convergences — appelons ça des « hasards » — qui provoquent des rencontres artistiques à des moments opportuns, qui résonnent particulièrement fort avec ce qui nous habite. La semaine où je devais rencontrer David, j’ai attrapé un sale virus qui m’a clouée au lit et qui m’a empêchée de travailler durant plusieurs jours. Le genre de microbe suffisamment fort pour te désorganiser — en tout cas, assez pour que le rétrécissement du délai des nombreux textes à rendre commence sérieusement à m’angoisser. Je me demandais si j’allais annuler ma rencontre avec David. Il aurait fallu. Oui, il aurait fallu annuler cette rencontre, me reposer, avancer les projets entamés, donner du temps à ma famille. Mais le sujet, que veux-tu, était passionnant.
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