9 SONGS (2004)
Michael Winterbottom
Par Jean-François Vandeuren
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Michael Winterbottom
a le vent dans les voiles depuis le début des années 2000.
Ce succès on ne peut plus mérité aura d’ailleurs
permis au cinéaste de continuer de toucher à pratiquement
tous les styles et genres cinématographiques possibles et inimaginables
et, par la même occasion, de réaliser quelques-unes des
oeuvres les plus importantes de son répertoire. Winterbottom
peut désormais se permettre de faire ce qu’il veut et au
rythme auquel la feuille de route de ce dernier accumule les genres,
certains auront assurément été tentés de
lancer à la blague que le réalisateur finirait tôt
ou tard par signer la mise en scène d’un film pornographique.
Et bien c’est maintenant chose faite avec 9 Songs…
ou presque. Cet exercice de style pour le moins controversé demeure
évidemment un cas tout ce qu’il y a de plus curieux, et
ce, même au coeur d’une filmographie aussi hétéroclite
que celle du cinéaste britannique. D’autant plus que l’essai
sépare deux de ses films les plus accomplis, soit Code
46 et Tristram
Shandy : A Cock and Bull Story. Mais en même temps,
le présent effort constitue un pas logique dans la progression
du metteur en scène qui nous offre ici un film aux idées
somme toute assez restreintes, mais qui se veulent néanmoins
tributaires de tout ce que ce dernier a mis sur pied depuis le début
de sa carrière.
L’essence de l’être humain se retrouve donc de nouveau
au centre des préoccupations du réalisateur britannique.
Ce dernier s’intéresse plus particulièrement cette
fois-ci aux relations de couple qu’il aborde sous un angle pour
le moins inusité, accordant notamment beaucoup plus d’importance
aux sens qu’aux émotions. Winterbottom s’immisce
ainsi comme bon lui semble à l’intérieur de la vie
commune de ses deux protagonistes, orchestrant une série de séquences
dont la nature hautement explicite scandalisera probablement au plus
haut point tous ceux qui avaient été profondément
choqués par la désormais célèbre scène
de fellation du Brown Bunny de Vincent Gallo. Mais comme son
titre l’indique, la musique occupe elle aussi une place fondamentale
dans 9 Songs. La trame narrative du présent effort s’articule
en ce sens autour de neuf pièces musicales qui furent enregistrées
clandestinement lors de différents concerts donnés par
les formations Franz Ferdinand, Primal Scream, Super Furry Animals,
Elbow, Black Rebel Motorcycle Club, The Von Bondies, The Dandy Warhols,
ainsi que par le compositeur minimaliste Michael Nyman. Ce dernier avait
d’ailleurs participé par le passé à la bande
originale de deux autres films de Michael Winterbottom, soit The
Claim et Wonderland.
Contrairement à ses essais à la science-fiction et au
western pour lesquels il signa deux des réalisations les plus
maniérées de sa filmographie, Winterbottom renoue ici
avec un style visuel beaucoup plus brouillon et instinctif. Le cinéaste
nous présente ainsi diverses scènes propres à la
vie conjugale que nous n’avons pas nécessairement l’habitude
de voir au grand écran. Outre son lot de séquences à
caractère purement sexuel, l’initiative dépeint
également plusieurs moments du quotidien qui peuvent nous sembler
banals sur le coup, mais qui sont bien souvent ceux dont nous nous souvenons
le plus au bout du compte. L’idée d’inclure une série
de spectacles dans une suite de souvenirs aussi intimes est en ce sens
plus que pertinente vue la relation étroite existant entre les
sentiments, la mémoire et la musique. Mais malgré ses
intentions fort louables, bien qu’extrêmes, 9 Songs
demeure une oeuvre somme toute assez peu substantielle. Le cinéaste
britannique aura tenté de défier les limites liées
à la distribution d’un projet à grande échelle
et y sera parvenu en s’entourant de deux acteurs qui auront bien
voulu se dévouer corps et âme - c'est le cas de le dire
- à la cause de son film. Ce dernier n’essaiera cependant
en aucun cas d’ajouter un peu plus de chair autour de l’os
ou de pousser son concept plus loin qu’il ne le faut, expliquant
la courte durée de l’effort qui ne s’échelonne
que sur un peu plus d’une heure.
Le film de Michael Winterbottom se démarque néanmoins
de la plupart des essais du genre de par son absence totale d’arrogance
et de prétention. Ainsi, malgré le caractère hautement
expérimental de son treizième long-métrage, le
prolifique réalisateur aura su orchestrer une mise en scène
tout ce qu’il y a de plus directe, utilisant la caméra
à l’épaule d’une manière toujours aussi
habile et naturelle tout en réussissant à tourner les
diverses limitations techniques liées à une telle approche
à son avantage. Ce sera particulièrement le cas lors des
séquences de concerts que Winterbottom aura eu la brillante idée
de filmer de la perspective de différents individus présents
dans l’assistance. Évidemment, ce n’est pas pour
un exercice de la trempe de 9 Songs que nous nous souviendrons
le plus du cinéaste britannique en bout de ligne. Le présent
effort saura néanmoins piquer la curiosité des fans de
longue date de Michael Winterbottom, qui aura encore trouvé le
moyen de surprendre son public en continuant de n’en faire qu’à
sa tête - lui pour qui la valeur artistique d’un projet
n’a toujours eu d’égal que le défi que représente
sa réalisation. Ce dernier signe au final une oeuvre pour le
moins inhabituelle, mais qui, sans être un exercice de style complètement
futile, n’a tout de même rien d’un film que l’on
pourrait qualifier d’essentiel.
Version française :
9 Chansons
Scénario :
Michael Winterbottom
Distribution :
Kieran O'Brien, Margo Stilley
Durée :
71 minutes
Origine :
Royaume-Uni
Publiée le :
25 Août 2006