CODE 46 (2003)
Michael Winterbottom
Par Jean-François Vandeuren
Qu'adviendra-t-il de cette bonne vieille planète bleue dans une
cinquantaine d’années? Jouirons-nous toujours (les occidentaux
du moins) de cette soi-disant liberté si précieuse? Pourrons-nous
encore explorer en compagnie de cette personne si chère à
nos yeux de vastes forêts s’étendant à perte
de vue par un beau dimanche après-midi? Plus précisément,
aurons-nous la chance de nous déplacer avec autant d’aisance
que par le passé? Pourrons-nous simplement trouver quelque part
sur la surface de cette planète une vaste étendu de végétation
qui n’aura pas été complètement rasée
ou dévastée par les flammes? Pire, sera-t-il encore possible
de choisir la personne avec qui nous sommes désireux de parcourir
un bout de chemin? Bon, il n’est pas vraiment nécessaire
de tourner davantage le fer dans la plaie, les préoccupations
alarmantes face au sort futur de la Terre semblent s’amplifier
de jour en jour. Les critiques virulentes par rapport à cette
situation ambigüe se font d’ailleurs de plus en plus sentir
de la part du bon peuple, mais en haut lieu, là où se
joue notre avenir, le sort du monde semble être une bien mince
affaire en comparaison aux profits que sa destruction peuvent engendrer.
Prenant soin de regrouper tous ces oeufs dans le même panier,
le réalisateur Michael Winterbottom et le scénariste Frank
Cottrell Boyce nous proposent avec Code 46 une série
de réponses hypothétiques à des questions qui laissent
planer une vague incertitude pour le moment, formant en définitive
une vision peu optimiste de l’état du globe d’ici
quelques années.
L’univers du film de Winterbottom s’alimente des conséquences
des actes antérieurs de l’homme qui auront beau fait de
changer la face du monde pour le pire. D’une part, Code 46
plaide en faveur de la cause environnementale en faisant de l’extérieur
des grandes villes que de vastes déserts ou y errent les laissés
pour contre qui ne possèdent pas les papiers nécessaires
pour accéder à la vie citadine. Bien évidemment,
la mondialisation et la polémique entourant l’identité
culturelle sont également présente dans cet essai, tout
comme l’avancement technologique qui ne se limite plus qu’à
la manipulation génétique des fruits et légumes
et peut désormais modifier les fondements et les aptitudes de
l’être humain. Mais avant toute chose, la trame du récit
poursuit le développement d’une liaison amoureuse entre
un inspecteur gouvernemental et une jeune femme fournissant illégalement
à qui le veut bien des permis leur permettant de voyager d’une
cité à l’autre. Mais comme la planète est
désormais surpeuplée, c’est le bagage génétique
qui détermine si deux personnes peuvent se fréquenter
ou non.
C’est par l’entremise de cette romance que le film dissimule
quelque peu les attributs de son discours humanitaire en les disposant
en toile de fond. Il s’agit d’une idée assez judicieuse
vu l’apport significatif qui s’en dégage, comme quoi
ces changements drastiques, nous nous y serons accommodés et
feront maintenant parti de ce qui est normal, comme quoi plutôt
que de s’être révoltée, l’humanité
aura comme à l’habitude laissé les choses suivrent
leur cours peu importe l’incidence. Toutefois, la teneur de cette
initiative semble parfois manquer de vigueur, ce qui est plutôt
dommage vu la durée restreinte de ce long métrage. Certaines
idées demeurent en ce sens plutôt floues et ce même
à la fin du parcours. Également, la façon dont
se déroule le scénario dans la deuxième moitié
du film semble trop se précipiter vers les moments clés
de l’histoire en omettant à certaines reprises de les raccorder
efficacement. Soit, il n’en demeure pas moins un voyage fort envoutant.
Étrangement, ce futur insensé est filmé d’une
manière des plus fascinantes où Michael Winterbottom juxtapose
sa composition visuelle à l’atmosphère mélancolique
et romantique de l’histoire. De sorte que ce qui ressort avant
tout de l’effort n’est pas une impression émergeant
du chaos, mais plutôt une ambivalente beauté poétique.
En ce sens, le film est visuellement une réussite à couper
le souffle. Le cinéaste utilise à cet effet, en plus d’un
code de couleur fort bien articulé, un jeu de caméra assez
soigné qui vient teinter le tout d’un effet de réalisme
saisissant.
Si vous aimez les films développés autour d’une
atmosphère mélancolique et langoureuse, ayant marqué
par le passé des oeuvres telles le Solaris de Steven
Soderbergh ou The Million Dollar Hotel de Wim Wenders par exemple,
vous risquez fortement de vous laisser transporter par Code 46.
Le film réussit à se démarquer en deux temps par
une démarche esthétique atmosphérique fort ambitieuse
et un bagage textuelle reprenant minutieusement plusieurs points associables
à la ferveur totalitaire imprégnée dans la façon
dont la science-fiction tend souvent à nous mettre en garde face
à notre manque de jugement. Une fresque joliment dessinée,
mais dont certains attraits demeurent malheureusement flous.
Version française : -
Scénario :
Frank Cottrell Boyce
Distribution :
Tim Robbins, Samantha Morton, Nabil Elouhabi, Jeanne
Belibar
Durée :
92 minutes
Origine :
Angleterre
Publiée le :
4 Octobre 2004