Il semble exister une méthode plutôt efficace et populaire pour percer dans le cinéma de genre : réaliser un court-métrage, espérer qu’il rencontre un franc succès sur le circuit festivalier afin de se faire remarquer, se faire remarquer, et l’adapter en long-métrage. Qu’il s’agisse d’
Alive in Joburg (2005) ou
Rare Exports, Inc. (2003) ayant donné naissance aux excellents
District 9 (2009) de Neill Blomkamp et
Rare Exports : A Christmas Tale de Jalmari Helander respectivement, ou bien encore d’
Excision (2008) de
Richard Bates Jr. devenu le décevant
long-métrage du même nom l’an dernier, l’exercice devient d’autant plus intéressant qu’il relève quelque peu de l’adaptation.
Créant une panoplie d’attentes de par leur seule existence, les courts-métrages en question deviennent brouillons, prototypes, épreuves. Que faire alors de l’impressionnant
Mamá (2008), plan-séquence astucieusement traficoté d’une durée de 3 minutes et dont le concept, plutôt ambigu, aurait pu être développé dans maintes directions? Sous la tutelle de
Guillermo Del Toro, maître du
dark fantasy mexicain qu’on ne se doit plus de présenter, Andrés Muschietti offre avec sa version longue de
Mama un film passable, ne montrant que quelques indices de ce qui pourrait se développer en une carrière solide dans le cinéma d’épouvante on-ne-peut-plus adéquat. Malgré de bons interprètes (Megan Charpentier et Isabelle Nélisse particulièrement convaincantes dans le rôle des deux gamines) et une adaptation rigoureuse de la mise en scène et de l'atmosphère ayant fait le succès du (très) court-métrage de 2008,
Mama demeure un conte anodin, ne se montrant jamais à la hauteur des attentes. N’arrivant que par moment à la cheville du remake de
Don’t Be Afraid of the Dark que Del Toro nous avait précédemment offert en 2010,
Mama se situe plutôt dans la foulée du nouveau cinéma de hantise, arrivant dans la foulé d’une modeste résurgence, quelque part entre la proposition diégétique intéressante mais ultimement décevante d’un
Sinister (2012) et l’éminente inventivité et malaxage des sous-genres qu’offrait
Insidious (2010) de James Wan (et dont la suite devrait paraître en fin d’année 2013).
Où
Mama plaît, c’est dans son immédiate confirmation du surnaturel et, Del Toro oblige, de la représentation et validation de celui-ci au travers du regard de l’enfance. Se présentant, dès la première séquence, comme un conte contemporain ancré dans l’Amérique de la crise économique, Muschietti amorce son long-métrage avec un brin de mythologie : un crash boursier mène un jeune père à assassiner ses associés et sa femme. Leur réservant le même sort, il kidnappe ses deux filles, les mène dans une cabane sinistre en forêt…où un spectre maternel intervient. Le reste, sans grande surprise, nous est raconté au travers de dessins enfantins en fond de générique, nous apprenant que « Mama » a élevé ces enfants à sa façon. Retrouvées 5 ans plus tard et adoptées par leur oncle (
Nikolaj Coster-Waldau) et sa copine réticente, Annabel (
Jessica Chastain), les deux sœurs amèneront évidemment leur « ange » gardien avec elles, question de déranger la tranquillité de la banlieue.
Prisonnier en grande partie des conventions du film de fantôme, empruntant, par exemple, aux contorsions corporelles et autres clichés de la J-horror (et son panthéon d’esprits vengeurs féminins, ou yurei), Mama n’échappe pas aux montées prévisibles d’instruments à cordes, aux (as)sauts forcés, aux images de synthèse un peu trop évidentes et à l’obligatoire montage de collecte d'indices où l’Internet vient remplacer les vieux tomes poussiéreux et où toute la légende nous est dévoilée en quelques minutes barbantes. Une atmosphère pesante parvient à être maintenue tant bien que mal, mais une fois les jeunes filles installées, les séquences similaires s’accumulent en ne nous faisant jamais quitter le domicile.
Ceci dit, Muschietti maintient une intéressante tension thématique entre le spectre surnommé Mama et le personnage de Jessica Chastain, jeune adulte, « punk rockeuse » n’ayant jamais vraiment décidé de grandir et refusant catégoriquement de servir de mère à 2 enfants sauvages qui ne sont pas les siens, ni ceux de son petit ami. C’est dans ce thème pleinement exploré et servant de fil conducteur au récit que Mama retrouve ses lettres de noblesse, culminant en une séquence plaisante, épique, voire belle et relevant plus du conte que du film d’horreur de service. De plus, Mama offre une belle redite du court-métrage d’origine – intégré presque tel quel au milieu de l’action et jouant pleinement sur les attentes créées par la connaissance de celui-ci. Ne serait-ce que dans ce devoir d’adaptation, Mama est un succès.
Quelques scènes, quelques images efficaces maintiendront ce premier film hors de la fosse de l’oubli total, mais même s’il est enrobé d’une mise en scène efficace et d’une Jessica Chastain véritablement en voie de conquérir la planète, Mama s’embourbe rapidement et malheureusement dans la répétition et la facilité. On ne peut s’empêcher d’espérer mieux pour la prochaine fois.