DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Water for Elephants (2011)
Francis Lawrence

Mal d'amour

Par Maxime Monast
Je suis naturellement curieux. Je suis attiré par les objets qui brillent. Au cinéma, je veux être diverti. Je demande à chaque fois d’être transporté dans un monde unique et spectaculaire. Je veux me perdre dans les intrigues et les limbes de l’imaginaire des autres. J’ai le goût de découvrir!

Et c’est cette idée qui me conduit au film Water for Elephants de Francis Lawrence. Nous proposant déjà un troisième long métrage (après Constantine et I Am Legend), ce vétéran du vidéoclip pose cette fois-ci sa signature sur une oeuvre plus plausible et moins fantastique. Une tâche dont il s’acquitte, mais qu’il ne réussit jamais à élever au-dessus du simple spectacle - ce nouveau désir de simplement raconter une histoire d’amour sans recourir aux effets de style et à la fioriture qui entouraient ses films de genre.

Grossièrement, si vous avez entendu parler de ce film, c’est en raison de son attraction principale. Et on ne parle pas ici d’un animal de quatre tonnes, comme le suggère le titre, mais bien de l’idole monstrueuse qu’est devenu Robert Pattinson (le Edward de la série Twilight, si vous étiez en hibernation depuis quatre ans). Mais, pour ce rédacteur, la fascination pour ce long métrage est malheureusement purement cinématographique. Son intérêt vient même de la bouche de votre vampire préféré. En parlant du film, Pattinson lança une affirmation qui fit frémir mes oreilles. Supposément, il aurait accepté le rôle principal du présent opus lorsque Jack Fisk (le directeur artistique) lui aurait dit que le film ressemblerait à Days of Heaven. Une grosse promesse. Dans mon cas, de grosses attentes pour un fan de Terrence Malick. Ce petit brouhaha se manifeste-t-il à l’écran? Malheureusement, comme on pouvait s’y attendre, on s’est encore fait avoir.

D’une manière quasiment détestable, Water for Elephants se réfugie dans tous les clichés, tous les pivots narratifs les plus prévisibles. Nous avons affaire ici à un vrai « film d’amour ». Une affectation, une vocation, que l’on n’essaye nullement de cacher. Et c’est à ce niveau que le film réussit peut-être le mieux. Car malgré ce que l’on pourrait croire au départ, on n’essaie aucunement ici de vendre le produit différemment. Water for Elephants demeure l’histoire d’amour unissant les personnages interprétés par Reese Witherspoon et Robert Pattinson. Rien de plus, rien de moins.

Dans cette optique, il est peut-être impossible de trouver ici quelque chose d’original, d’unique. « Tout a déjà été fait », nous disent les cinéphiles les plus fatalistes, et le présent effort ne peut que légitimer une telle affirmation. Un amalgame qui nous pue au nez dès les premières minutes : un vieillard racontant sa vie à un jeune homme curieux, un film d’époque bénéficiant d’un traitement beaucoup trop moderne, et un triangle amoureux tout ce qu’il y a de plus vide. Mais tous ces détails ne sont substantiels que si vous êtes prêts à vous laisser transporter par la magie du cinéma, à vous laisser porter par un voyage qui nous fait oublier notre mauvaise journée ou qui ravive des sentiments enfouis.

Pour aider son public, Lawrence s’empresse de réduire le film à l’essentiel : le noir et le blanc, le bon et le mauvais. Jacob (Pattinson) est notre héros : dents parfaites, cheveux désirables, sourire magique. August (Christoph Waltz) est notre vilain : regard austère, émotions voltigeuses animées par les pulsions. Leur but est la gloire, un destin qu’ils peuvent atteindre avec la réussite professionnelle, prenant ici la forme d’un éléphant nommé Rosie, et l’amour d’une platine répondant au nom de Marlena (Witherspoon). Le tout est simple : Jacob aime Marlena, August a besoin de Jacob et Marlena est en amour avec Jacob. Un trio délicieux. Chacun d’entre eux s’en tire admirablement, malgré le fait que Waltz n’est pas capable de surmonter la caricature de son rôle dans Inglourious Basterds de Quentin Tarantino. Un problème que l’on remarquait déjà dans le récent Green Hornet de Michel Gondry.

Mais, le cas de Pattinson est sujet à analyse. Car l’affirmation ayant suscité ma curiosité est matière à réflexion. Pattinson est-il secrètement en train de se métamorphoser en un acteur sérieux? Possiblement. Car malgré sa marre d’admiratrices, son talent d’interprète demeure indéniable. Il n’est pas qu’un simple mannequin. Il est, selon ce rédacteur, une figure importante à suivre. Malgré quelques premiers rôles discutables, il est maintenant en position de choisir les films auxquels il désire participer. Des choix qui finiront assurément par aliéner une partie de son public cible actuel (les jeunes adolescentes) lorsque celui-ci verra son « amoureux » dans un David Cronenberg ou un Tsai Ming-liang. Damnation!

Et pour la comparaison avec l’épique Days of Heaven de Terrence Malick? Jack Fisk, qui a aussi travaillé sur le film de 1978, tente tant bien que mal de garnir Water for Elephants d’une réplique visuelle et d’un contexte historique que le film de Malick avait su si bien matérialiser. Mais, comme bon nombre de films d’époque, les clichés et les stéréotypes servent ici à peindre un tableau aussi substantiel qu’un devoir d’histoire rédigé par un étudiant de secondaire deux. Une esquisse simpliste et assez trompeuse. Car ici, la Grande Dépression se résume à deux choses : la prohibition et le manque d’emplois. Un peu vide comme portrait? Mais ce n’est pas un film historique qu’on veut voir, mais un film d’amour!

En somme, le rêve de comparaison de Fisk et Pattinson ne se matérialise que dans les décors et ne se transpose jamais dans la poésie des images édifiées par Lawrence. Le réalisateur s’assure en ce sens une facture datée des années 2000, avec ses prouesses techniques et ses images de synthèse, mais semble oublier que le récit dont il fait état se déroule à une autre époque. L’effort demeure ainsi prisonnier de ce bassin confortable qu’est le petit film du dimanche. La comparaison la plus simple serait évidemment avec le Big Fish de Tim Burton. Une analogie qui ressort, certes, au niveau du milieu visité (le cirque), mais sans que Lawrence ne soit jamais en mesure de recréer la magie et le charme atypique de l’oeuvre de Burton. Ici, on reste dans le possible. Le tout est fidèle à l’oeuvre de Sara Gruen, question de livrer une digne « love story ». On demande peu au public et, réciproquement, le public reçoit peu. Si Water for Elephants est loin d’être mémorable, il demeure néanmoins inoubliable durant les quelques cent-vingt-deux minutes qu’il occupe dans notre vie. Mais pas une seconde de plus.
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Critique publiée le 22 avril 2011.