DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Mechanic, The (2011)
Simon West

La routine

Par Jean-François Vandeuren
S’il y a une chose dont nous ne pourrons visiblement jamais accuser Jason Statham, c’est bien de faillir à la tâche. Depuis ses débuts dans le Lock, Stock and Two Smoking Barrels de Guy Ritchie en 1998, l’ancien plongeur aura réussi à s’imposer à l’écran grâce à un charisme et une énergie qu’il aura su adapter aux différentes facettes d’un même jeu, entre le magouilleur dépassé par les événements de Snatch. et le professionnel méthodique et surentraîné de la série The Transporter. Du coup, et ce, indépendamment de la qualité des efforts dans lesquels il sera apparu, sa simple présence était en soi suffisante pour garantir aux amateurs du genre qu’ils auraient au moins droit au strict minimum d’émotions fortes espérées dans un divertissement présentant des qualités de production tout de même acceptable, à l’exception évidemment du répugnant Crank: High Voltage du duo Neveldine-Taylor. Le Britannique a ainsi tout de cette bonne vieille couverture qui, à défaut de toujours nous protéger adéquatement du froid, possède à tout le moins ce petit quelque chose de réconfortant qui nous convainc de la ressortir du tiroir de temps à autre. Et le présent The Mechanic de Simon West ne fait que reconfirmer toutes ces impressions. Car ce n’est pas tant le scénario on ne peut plus convenu du présent exercice plus que la gueule de sa tête d’affiche qui lui permettra de connaître un certain succès. Cette redite du film du même nom dans lequel s’exécutait Charles Bronson en 1972 donne donc une fois de plus l’opportunité à Statham de faire ce qu’il sait faire de mieux, même si ce dernier se retrouve de nouveau au centre d’une production dans laquelle le dosage des éléments s’avère parfois extrêmement problématique.

C’est donc sans grande surprise que nous retrouvons le Britannique dans la peau d’Arthur Bishop, un tueur à gages tout ce qu’il y a de plus méticuleux dont la spécialité est de faire passer ses assassinats pour de vulgaires accidents. Le parcours du professionnel sera toutefois appelé à dévier de sa trajectoire initiale le jour où ses employeurs lui demanderont de mettre fin aux jours de son mentor (Donald Sutherland), qu’ils diront croire responsable d’une trahison ayant causé la mort de plusieurs de leurs hommes. Après avoir exécuté sa mission à contrecoeur, Bishop prendra sous son aile le fils mal-aimé du défunt, Steve McKenna (Ben Foster), et, à la demande de ce dernier, l’entraînera à devenir à son tour une machine à tuer. Évidemment, The Mechanic proposera à partir de ce moment un récit on ne peut plus routinier au cours duquel nous aurons droit à un habituel montage de scènes d’entraînement - qui se résumera cette fois-ci à une suite d’images montrant les deux protagonistes tirant sur des objets inanimés à l’aide d’armes d’un calibre particulièrement imposant - et à certaines scènes où le nouveau venu aura la chance de se familiariser avec son nouveau milieu de travail. Si ces passages se révèlent suffisamment distrayants, le principal atout du scénario de Richard Wenk et Lewis John Carlino demeure néanmoins l’ironie dramatique autour de laquelle s’articule la relation entre ce jeune individu en quête de vengeance et le tueur tant recherché, qui mènera à quelques séquences habilement dirigées par West où la tension sera des plus palpables. Équilibrant parfaitement le caractère de son personnage entre un je-m’en-foutisme assumé et un réel désir de se reprendre en main, Ben Foster offre une performance étonnamment nuancée dans un genre n’étant pas spécialement reconnu pour accorder autant de latitude au travail d’acteur.

The Mechanic se révèle toutefois un spectacle déficient à bien des égards, notamment dans la façon peu articulée dont progresse son intrigue. S’il ne se contente, de manière générale, que d’exploiter une formule des plus éprouvées, le film de Simon West semble néanmoins toujours vouloir évoluer en deux temps au même moment, nous donnant ainsi l’impression à la fois de courir à toute vitesse et de faire du surplace. The Mechanic souffre en ce sens des mêmes problèmes - mais dans une moindre mesure - que ceux qui avaient affligé le pénible Salt de Philip Noyce l’année précédente. Le cinéaste mise alors à son tour sur une succession particulièrement rapide de séquences afin de générer autant de rythme que de suspense, mais en étirant inutilement le développement de chacun de ces segments en longueur afin de créer une illusion de profondeur, ce qui s’avère plutôt problématique pour un film ne durant que 90 minutes. De sorte qu’il finit par être assez difficile de s’intéresser à la quête des deux protagonistes, qui ne se contentent en soi que de sauter d’un chapitre à l’autre sans que ne ressortent forcément de nouveaux enjeux de ces péripéties ou que celles-ci alimentent ceux introduits précédemment. La mise en scène édifiée par le réalisateur britannique se révèle du coup à l’image du film : machinale, sans réelles pulsions créatrices, mais réussissant tout de même à tirer son épingle du jeu à quelques reprises, et ce, autant lors de moments à teneur plus dramatique que lors des scènes un peu plus musclées. Un manque de nuance qui se reflète également dans la trame sonore beaucoup trop présente de Mark Isham, laquelle réussit tout de même à l’occasion à renforcer allègrement le côté ouvertement « série B » de l’exercice par l’entremise de quelques notes de guitare bien placées.

Il ne fait aucun doute que l’équipe derrière The Mechanic savait pertinemment ce qui l’attendait en s’engageant dans une telle entreprise. Mais la volonté de faire les choses un peu plus sérieusement qu’à l’habitude finit étrangement ici par saboter la cadence d’un spectacle qui, à l’opposé, fait pourtant des pieds et des mains pour introduire tous les clichés et les personnages types propres à ce genre d’initiatives. Encore là, le film de Simon West connaît des hauts et des bas alors que certaines séquences réussissent à exploiter le ridicule inné de ces éléments avec un plaisir contagieux, tandis que d’autres donnent l’impression que les artisans du présent effort tentent désespérément de faire du grand art. Le scénario de Wenk et Carlino a également tendance à jouer de façon abusive avec le facteur chance, mettant à la disposition des protagonistes des moyens d’exécution souvent beaucoup trop tirés par les cheveux. Si The Mechanic réussit tout de même à s’imposer comme un divertissement consommable, c’est en grande partie grâce à l’interprétation de ses deux vedettes, qui s’avèrent tout à fait à la hauteur des espérances. West et ses acolytes auront ainsi su faire évoluer le conflit sous-jacent entre les deux individus dans un contexte où la rédemption serait impossible et l’esprit de vengeance finirait tôt ou tard par faire son oeuvre. Dommage que cette idée, que le trio sera parvenu à rendre étonnamment engageante, ne débouche sur une finale qui désamorcera celle-ci en quelques secondes plutôt que de terminer le tout par un match nul, lequel se serait avéré beaucoup plus à propos. Il faut croire qu’une production de cette nature ne pouvait prendre fin dans une telle impasse. Pas à cette époque, encore moins dans un film hollywoodien, et définitivement jamais lorsque Jason Statham en est la tête d’affiche.
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Critique publiée le 7 mars 2011.