A priori,
28 Weeks Later est précisément le genre de projets sur lequel on spécule un peu partout sur la toile pendant un certain temps sans que personne ne lui accorde trop d’importance. Il faut dire qu’il n’y avait en soi aucune raison de risquer la réputation du fort substantiel
28 Days Later de
Danny Boyle pour ce qui aurait pu facilement n’être qu’une suite bidon catapultée en quatrième vitesse dans les salles de cinéma, ou pire : directement sur les tablettes des clubs vidéo. Plusieurs détails entourant la production du présent effort avaient pourtant tout pour nous mettre en confiance. D’une part, les noms de Boyle et du scénariste Alex Garland figurent toujours au générique - cette fois-ci à titre de producteurs exécutifs - alors que de leur côté, l’excellent
Robert Carlyle et l’étoile montante
Jeremy Renner mènent aisément une distribution tout ce qu’il y a de plus compétente. La réalisation du projet fut confiée quant à elle à l’Espagnol
Juan Carlos Fresnadillo, qui avait acquis une certaine notoriété en 2001 grâce à l’intrigant
Intacto. L’entreprise semblait ainsi avoir été mise sur pied dans le but de poursuivre et de solidifier ce qu’avait entamé le premier volet cinq ans plus tôt et non de capitaliser lâchement sur le succès surprise de ce dernier de ce côté-ci de l’Atlantique. Il ne restait plus qu’à voir si Fresnadillo réussirait à mener cet imposant navire à bon port, et surtout à éviter les nombreux obstacles qu’il allait inévitablement rencontrer au cours de cette longue et périlleuse aventure.
Pour arriver à leurs fins, Fresnadillo et son équipe de scénaristes auront d’abord abandonné les quelques protagonistes ayant survécu aux événements du premier épisode pour échafauder une nouvelle intrigue obéissant à une tout autre dynamique narrative. Ainsi, si
28 Days Later plaçait ses principaux personnages quelque peu en retrait par rapport à sa mise en situation afin de dresser un portrait aussi réaliste et empathique que possible de chacun d’entre eux, ce deuxième opus nous plonge pour sa part au coeur de la crise. Les survivants ayant tous été évacués, les infectés finirent par mourir de faim, emportant avec eux les dernières traces du terrible fléau qui ravagea le Royaume-Uni. La repopulation du pays s’amorça par la suite dans un quartier isolé de Londres sous le commandement de l’armée américaine et des Nations unies. Évidemment, ce qui devait arriver arriva et l’épidémie recommença rapidement de plus belle. Heureusement pour nous, un jeune garçon pourrait bien être porteur du même gène qui immunisa précédemment sa mère contre les horribles effets du virus, et donc la source d’un vaccin potentiel qui permettrait à la communauté internationale d’éradiquer cette dangereuse menace une bonne fois pour toute.
À l’instar du superbe
Children of Men d’
Alfonso Cuarón,
28 Weeks Later joue la carte du pessimisme d’une manière on ne peut plus percutante en étouffant progressivement chaque parcelle d’espoir qu’il met en place avec un acharnement et une brutalité hors du commun. Le réalisateur espagnol nous donnera d’ailleurs un avant-goût des choses à venir lorsqu’il fera d’un simple geste d’amour le point de départ de cette nouvelle épidémie. Ainsi, comme dans
Children of Men, la trame narrative de
28 Weeks Later s’articule elle aussi autour d’un seul et même objectif, soit assurer la survie du tout dernier espoir de l’humanité. Mais si le film d’Alfonso Cuarón cherchait tant bien que mal à entretenir une lueur d’espoir dans une situation où l’homme était pourtant confronté à sa propre extinction, l’opus de Juan Carlos Fresnadillo emprunte pour sa part le chemin inverse tout en suivant le même type de pentes ascendantes et descendantes sur le plan dramatique. Le cinéaste imitera également ses prédécesseurs au niveau du fond en se servant des bases de son récit pour édifier un constat peu flatteur sur l’Occident et son désir incessant de contrôler les zones troubles de notre planète, critiquant notamment son incapacité à contenir certains débordements qui ne lui sont que trop souvent fatals.
Au niveau de la forme, Fresnadillo assure la continuité de la série avec tout ce que cela implique en termes de coups d’éclat savoureux et de bévues qui auraient pourtant pu être facilement évitées. Le cinéaste délaisse ainsi l’approche plus personnelle et réaliste élaborée par Danny Boyle au profit d’une mise en scène un tantinet plus ambitieuse se prévalant de quelques jolis plans d’ensemble impeccablement exécutés. Les choses ont toutefois tendance à se gâter durant les moments de haute tension alors que le réalisateur espagnol cherche inutilement à renouer avec le style plus frénétique de son prédécesseur, ce qui mène une fois de plus à une surdose d’images saccadées et de mouvements de caméra un peu trop turbulents. L’initiative traduit, certes, l’état d’urgence dans lequel tentent de nous plonger ces séquences bien spécifiques, mais le traitement de celles-ci s’avère parfois si confus et approximatif qu’elles finissent inévitablement par créer l’effet inverse. Proposant une direction photo beaucoup plus précise et épurée que l’esquisse visuelle volontairement salie que défendait avec conviction
28 Days Later, Enrique Chediak sauve heureusement les meubles à plus d’une reprise en évitant plusieurs dérapages stylistiques et en apportant un peu plus de cohésion à certaines scènes, rehaussant ainsi de manière significative le climat de tension instauré par Juan Carlos Fresnadillo et ses coscénaristes.
Cette nouvelle mouture du film de zombies aura évidemment pu paraître quelque peu hasardeuse au premier abord étant donnée la façon pour le moins radicale dont Boyle aura substitué la lenteur hypnotique que nous associons depuis toujours aux morts-vivants par une démarche beaucoup plus rapide et agressive. Le zombie n’est plus cette menace latente pouvant être facilement évitée si le protagoniste se montre moindrement vigilant et se veut désormais la manifestation de tous les maux pendant au nez de la race humaine face auxquels il est peut-être déjà trop tard pour intervenir. Par l’entremise d’une mise en scène enlevante, d’un scénario intelligent et articulé, et de personnages dotés d’une capacité de réflexion des plus étonnantes considérant les standards intellectuels souvent peu élevés auxquels le genre nous a habitués, Juan Carlos Fresnadillo et ses acolytes auront su élaborer un discours quelque peu différent, mais tout aussi valable que celui formulé par leurs prédécesseurs. En élargissant son contexte de base pour lui ajouter un peu plus de profondeur, le cinéaste espagnol aura réalisé la suite dont cette nouvelle franchise avait précisément besoin pour être prise un peu plus au sérieux. Il ne serait d’ailleurs pas surprenant que celle-ci soit abordée - dans un avenir plus ou moins rapproché - tel un nouvel équivalent, voire la suite logique, de la célèbre trilogie - et ses rejetons tardifs - de
George A. Romero.