THE DAY THE EARTH STOOD STILL (2008)
Scott Derrickson
Par Jean-François Vandeuren
La « fin du monde » est devenue un genre cinématographique
en soi au cours des dernières années. Les catastrophes
naturelles, les armes biologiques et les invasions de zombies ont frayé
le chemin à une multitude de productions de tout acabit, dont
une quantité non négligeable de remakes de certains des
essais les plus salués de l’histoire du cinéma de
science-fiction. En pratique, l’exercice ne semblait souvent motivé
que par des visées purement mercantiles alors que trop peu d’efforts
étaient mis en bout de ligne sur le produit final, et ce, autant
au niveau de l’écriture que de la mise en image. Mais sur
papier, l’idée de transposer ces histoires intemporelles
dans un contexte plus actuel afin d’en refléter les enjeux
et les nouvelles inquiétudes face à l’avenir se
voulait pourtant tout ce qu’il y a de plus pertinente. Un constat
plutôt désolant auquel cette remise à neuf du fascinant
The Day the Earth Stood Still de Robert Wise par l’Américain
Scott Derrickson (The
Exorcism of Emily Rose) ne fait malheureusement pas
exception. L’idée de départ demeure sensiblement
la même : un extra-terrestre nommé Klaatu (Keanu Reeves)
et son fidèle robot « Gort » ont parcouru la galaxie
dans le but de s’adresser aux représentants des différentes
nations terriennes. Une requête que le gouvernement américain
refusera évidemment à l’humanoïde alors que
sa présence ici soulèvera énormément d’interrogations
chez tous les habitants de la planète bleue. Le visiteur pourra
fort heureusement compter sur l’appui de la jolie scientifique
Helen Benson (Jennifer Connelly) qui l’aidera à prendre
la fuite et à poursuivre sa mission. Ce premier contact avec
une civilisation venue d’ailleurs se révélera-t-il
amical, ou n’annoncera-t-il pas plutôt le début de
la fin pour le genre humain?
Dans une certaine mesure, ce The Day the Earth Stood Still
version 2008 semble vouloir s’imposer autant comme une relecture
que comme la suite logique du film de 1951 - même s’il ne
traite en soi aucunement des mêmes thématiques. La guerre
froide et la peur du nucléaire ont évidemment laissé
la place à des préoccupations d’ordre beaucoup plus
écologique ainsi qu’à une « profonde »
remise en question de la nature même de notre humanité.
Mais si le Klaatu du long-métrage de Robert Wise venait livrer
un avertissement et un message de paix à une espèce encore
respectable, et surtout récupérable, l’extra-terrestre
ne se manifestera cette fois-ci qu’au moment où les dés
auront visiblement déjà été jetés.
L’équation sera en soi fort simple, mais peu réjouissante
: si la Terre s’éteint, la race humaine périt avec
elle ; mais si l’homme disparaît de sa surface, la planète
bleue survit. Il s’en suit une inévitable course contre
la montre au cours de laquelle une poignée d’élus
tenteront d’éviter un nouveau déluge en s’attirant
les bonnes grâces de leur bourreau. Le problème est qu’autant
le scénario de David Scarpa semblera vouloir s’attaquer
à des enjeux tout de même assez complexes, autant l’inévitable
sauvetage in extremis qui permettra à tout le monde de respirer
un peu mieux effacera subitement toute trace d’un discours qui
aurait dû normalement déboucher sur des conclusions un
peu plus inspirantes et constructives. Le tout au profit d’une
résolution beaucoup trop simpliste - pour ne pas dire carrément
vide et insignifiante. Les deux cinéastes nous laisseront alors
en plan avec une morale à double-tranchant sur le pouvoir de
l’amour et l’imprévisibilité du caractère
humain, laquelle sera présentée à l’écran
d’une manière tout aussi mécanique et désintéressée.
Les séquences les plus marquantes de l’oeuvre originale
apparaissent bien à un moment ou à un autre du film de
Scott Derrickson, mais elles prennent aussi pour la plupart une toute
autre signification. Ce sera notamment le cas des incidents qui finiront
par donner un sens au fameux titre du présent exercice, lesquels
prendront ici davantage la forme d’une répression que d’une
simple démonstration de force. Mais les changements les plus
importants apportés à l’intrigue se situent en soi
au niveau des rôles attribués à chacun des différents
protagonistes. Ainsi, si le Klaatu qu’interprétait Michael
Rennie dans les années 50 était caractérisé
d’une innocence presque enfantine, lui qui contemplait d’ailleurs
le monde à travers les yeux du jeune fils d’Helen Benson,
il en est tout autrement cette fois-ci. La cause de l’homme sera
du coup défendue par quelques adultes encore idéalistes
tandis que la nouvelle génération sera représentée
par un beau-fils ingrat pour qui il est beaucoup plus concevable de
régler un conflit par la force que par le dialogue - une distanciation
face à la réalité que les deux auteurs auront d’ailleurs
le culot d’attribuer à l’influence «néfaste»
des jeux vidéo sur la jeunesse d’aujourd’hui. Mais
même s’ils trimballent leurs personnages d’un événement
à l’autre à un rythme pour le moins tumultueux,
Derrickson et Scarpa n’arrivent étonnamment jamais à
rendre leur effort ne serait-ce qu’un tant soit peu engageant.
Les deux cinéastes préfèrent ainsi se faufiler
à travers un récit prévisible et horriblement redondant
en admettant qu’il y a plusieurs problèmes sur lesquels
nous devons rapidement nous pencher, mais en jouant au final la même
carte que Steven Spielberg et son War
of the Worlds en refusant d’amener leur audience
au-delà du point de non-retour, et ce, malgré tout le
pessimisme déployé précédemment.
Le problème avec ce type de productions est que la plupart d’entre
elles ne cherchent finalement qu’à capitaliser sur la notoriété
d’une propriété intellectuelle déjà
bien connue du grand public, mais en faisant totalement abstraction
de la simplicité volontaire qui avait fait dans bien des cas
la renommée de celle-ci. Ainsi, si le film de Robert Wise parvenait
à installer un climat de mystère par l’entremise
d’une mise en scène pourtant élaborée avec
une formidable économie de moyens, nous sommes conviés
cette fois-ci à un spectacle lourd en effets spéciaux
(peu réussis) duquel ne se dégage ironiquement aucune
tension. Scott Derrickson nous propose en bout de ligne une suite de
séquences fades et anonymes dans lesquelles chaque ligne de dialogue
est livrée avec un minimum d’effort par une distribution
que l’on sait capable de beaucoup mieux. C’est le cas notamment
du toujours aussi inexpressif Keanu Reeves qui éprouve même
des difficultés ici à rendre crédible un personnage
pourtant dépourvu de toute émotion. Mais si les deux cinéastes
ne parviennent jamais véritablement à cacher leur jeu,
ils auront au moins su limiter quelque peu les dégâts en
injectant un certain bagage scientifique à une intrigue qui manquait
en soi cruellement de profondeur. Mais encore là, le tout ne
semblera servir la plupart du temps qu’à étirer
inutilement la substance d’un effort empruntant déjà
un nombre inimaginable de détours pour se rendre du point A au
point B. Certes, entre les mains d’une équipe un peu plus
talentueuse et créative, l’histoire aurait sans doute été
bien différente. Mais malheureusement, entre celles de Derrickson
et Scarpa, The Day the Earth Stood Still se révèle
être un film vide, inconcluant et profondément inutile
dont les bases cèdent rapidement sous le poids de leur propre
insignifiance.
Version française :
Le Jour où la Terre s'arrêta
Scénario :
David Scarpa, Edmund H. North (scénario
original)
Distribution :
Keanu Reeves, Jennifer Connelly, Kathy Bates, Jaden
Smith
Durée :
103 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
16 Janvier 2009