THE EXORCISM OF EMILY ROSE (2005)
Scott Derrickson
Par Jean-François Vandeuren
La particularité du film The Exorcist de William Friedkin
dans son affrontement entre la science et la religion était que
l’exorcisme alors mis en scène se voulait le dernier recours
entrepris par l’Église catholique pour sauver la jeune
Regan, prenant le relais d’une médecine qui n’aura
pu trouver de causes logiques aux symptômes de cette dernière.
Dans le cas de The Exorcism of Emily Rose de Scott Derrickson,
les choses s’annonçaient particulièrement intéressantes
alors que le présent effort reprenait sensiblement le même
débat, mais en remettant en question la validité des deux
approches au cours du procès d’un prêtre accusé
de négligence criminelle ayant causé la mort. Le problème
était également dans ce cas-ci que ce dernier proposa
malgré lui à la jeune victime d’abandonner un traitement
médical inefficace que les médecins jugeaient crucial
dans le traitement de comportements qu’ils croyaient attribuables
à une forme d’épilepsie à tendance psychotique.
Une prémisse intrigante qui, malheureusement, ne livre pas vraiment
la marchandise.
Il est toujours ardu d’annoncer un film comme étant basé
sur un fait réel, particulièrement lorsque cette histoire
flirte avec le surnaturel et des croyances religieuses. Prenant beaucoup
plus la forme d’un drame que celle d’un film d’horreur,
qui ne représente qu’une maigre partie de l’effort,
le film de Scott Derrickson se déroule la plupart du temps entre
les murs d’une salle d’audience où les avocats tentent
de nous convaincre au même titre que les jurés que le cas
d’Emily Rose découlait respectivement d’un trouble
psychologique ou d’une possession diabolique. Ce qui constitue
au départ une approche pour le moins inusitée laisse progressivement
la place à un scénario qui n’est pas totalement
impartial et parfois même manipulateur, répliquant aux
explications scientifiques solides du procureur de la couronne par un
sous-contexte confrontant l’avocate de la défense, interprétée
par Laura Linney, à des forces maléfiques, donnant lieu
à quelques scènes ridicules où Derrickson semble
préférer capitaliser sur un climat de frayeur éparpillé
et peu original pour attirer un public aussi vaste que possible, plutôt
que de réellement entrer dans les détails de l'affaire.
Mais encore là, le pont ne se fait pas toujours adéquatement
entre les scènes dramatiques et les retours en arrière
composant les grandes lignes de la partie basée sur l’horreur
de l’effort, où le tout prend forme sous une réalisation
complètement anonyme. Le film se veut par contre particulièrement
solide au niveau de sa distribution, où Tom Wilkinsion se montre
sous un jour toujours aussi convaincant dans la peau du prêtre
tourmenté, et Jennifer Carpenter se tire également très
bien d’affaire dans le rôle physiquement très exigeant
d’Emily Rose.
On se rend compte également qu’au tribunal, les deux avocats
se montrent aussi voraces l’un que l’autre pour faire accepter
leur plaidoirie, mais les éléments extérieurs nous
amènent néanmoins à pencher vers l'hypothèse
de la possession. Il aurait pourtant été assez facile
de changer le parti pris du film en reprenant les même scènes
se déroulant en cours, mais en suivant en dehors le chemin du
procureur (Campbell Scott) plutôt que celui du personnage de Laura
Linney. Cette dernière nous aurait paru de cette manière
probablement aussi détestable que son adversaire, ce qui aurait
peut-être rendu le film plus intéressant par la même
occasion. Un autre élément de l’histoire de la jeune
Annaliese Michel qui fut malheureusement ignoré et qui aurait
pu soulever un débat encore plus pertinent est que sa mort et
le procès original eurent lieu quelques temps après que
le film The Exorcist ait amener un certain vent de terreur
sur le monde. Évènement qui, selon certaines autorités
civiles, aurait pu altérer la réalité d’individus
atteints de troubles mentaux.
Partant donc d’une polémique dont le potentiel narratif
et la pertinence du sujet aurait pu faire de The Exorcism of Emily
Rose un des films les plus intéressants sur le sujet, c’est
plutôt à un effort préférant s’enliser
dans les nombreuses défaillances des deux genres abordés
que le réalisateur Scott Derrickson nous convie. Ce dernier avait
pourtant la chance de faire de son œuvre un beau supplément
au classique de William Friedkin, mais il finit par afficher un parti
pris qui a tendance à faire un peu perdre la face à son
effort, particulièrement par une série d’évènements
surnaturels se déroulant en dehors du cas de possession d’Emily
Rose qui viennent contrecarrer les meilleures intentions d’un
film qui réussit malgré tout, à l'occasion, à
peser adéquatement le pour et le contre des deux approches d’une
manière suffisamment intéressante. Dommage.
Version française :
L'Exorcisme d'Emily Rose
Scénario :
Paul Harris Boardman, Scott Derrickson
Distribution :
Laura Linney, Tom Wilkinson, Campbell Scott, Jennifer
Carpenter
Durée :
108 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
13 Septembre 2005