A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

WAR OF THE WORLDS (2005)
Steven Spielberg

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Malgré sa réputation étincelante et sa popularité stable, le fait est que le roi d'Hollywood Steven Spielberg traverse actuellement une période de turbulences qui s'étire depuis le triomphe de Schindler's List. Après avoir tenté de refaire le coup de la grande fable morale avec un Amistad qui sombre vite dans l'oubli, il se repose le temps d'une suite tiède et inconséquente au Jurassic Park de 1993. Viendront ensuite le célébré mais maladroitement patriotique Saving Private Ryan, dont la séquence d'ouverture demeure le seul véritable moment d'anthologie, et l'étrange mais intéressant A.I. qui divisera le public. Suivront un autre film de science-fiction plus sombre et deux comédies légères dont l'une demeure à ce jour son produit le plus indigeste. Lire entre les lignes de cette récapitulation, c'est découvrir un réalisateur en pleine crise d'identité. L'éternel entertainer, depuis son drame sur l'holocauste, veut être pris au sérieux. Le voilà ainsi déchiré entre ce désir compréhensible d'être respecté en tant qu'auteur et cette mission divine de divertir les peuples de la Terre.

De ce dilemme découle le ton plus grave et l'atmosphère obscure de plusieurs des plus récentes productions signées Spielberg. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a quelques conclusions à tirer sur l'état actuel du monde si Spielberg l'humaniste bon enfant ressent le besoin de faire un film aussi dur et cruel que ce War of the Worlds à saveur d'holocauste et de paranoïa post-9/11. Qu'il ait choisi d'investir sur une valeur sure telle que le classique roman d'H.G. Wells n'est pas en soi trop surprenant. Le réalisateur doit certainement ressentir le besoin de prouver à tous qu'il peut livrer un gros succès à sa guise. Mais que l'homme derrière E.T. et Close Encounter of the Third Kind, celui-là même qui déclarait qu'il ne présenterait jamais la vie extra-terrestre sous un mauvais jour, nous livre une oeuvre aussi apocalyptique en laissera plusieurs pantois.

Or, c'est avec surprise que l'on constate que le ton impitoyable que prend ici Spielberg pour décharger tous les malheurs du monde sur une humanité rapace et individualiste fonctionne à merveille. Les trois premiers quarts de War of the Worlds offrent une leçon d'efficacité cinématographique où se réveille le Spielberg de Jaws, ce génial manipulateur de foule maitre de ses spectateurs. La tension est soutenue de façon splendide tandis que la caractérisation se fait en quelques clins d'oeil judicieux. S'ensuit l'un des plus étouffants et urgents films d'horreur depuis le 28 Days Later de Danny Boyle. À grands coups de plans-séquences effrénés et d'effets spéciaux d'un bon gout remarquable, Spielberg monte un spectaculaire divertissement grand public qui fonctionne partout où l'Independence Day d'Emmerich échouait lamentablement. Il tempère ses élans patriotiques et écarte la narration épique pour se concentrer sur un drame personnel qui amplifie toute l'horreur de la situation en plus de nourrir le suspense.

Mais suite à un moment particulièrement sordide où le scénariste donne du fil à retordre au statut de vedette sympathique de Tom Cruise, Spielberg l'humaniste bon enfant renait de ses cendres pour détruire ce que Spielberg le nihiliste venait d'accomplir. Soudainement, un scénario qui semblait voué à se terminer dans le tourment et la misère de l'échec humain retourne de façon bancale sur le chemin du bonheur. On enfile tous les mauvais clichés d'une finale ratée de film catastrophe à un rythme aussi essoufflé que celui de l'introduction était saisissant. Et, afin de bien retourner le couteau dans la plaie, la finale heureuse de service est si bâclé et ridicule que l'on sent presque que Spielberg lui-même n'y croyait pas. Perdue dans cette solide déconfiture, la sympathique solution biologique du roman original prend l'amer gout de la mauvaise blague.

War of the Worlds frustre donc autant en fin de parcours qu'il satisfait tout au long de sa première heure et demie. Malheureusement, Spielberg n'y trouve jamais le courage d'assumer la conclusion logique de la démarche avec laquelle il s'est engagé dans le projet. Comme s'il avait réussi quelques instants à sonder l'âme trouble de l'être humain moderne, mais qu'effrayé par ce qu'il y avait trouvé s'était finalement réfugié derrière le mur de sa naïveté passée. Ainsi, un film intense et remarquablement bien fait qui avait franchement le potentiel de s'inscrire parmi les plus grandes réussites du réalisateurs américain s'effondre à bout de souffle dans les derniers miles. La déception n'a d'égale que la satisfaction que procure la majeure partie du film. Mais le dilemme du cinéaste se poursuit à notre grand dam.




Version française : La Guerre des mondes
Scénario : Josh Friedman, David Koepp, H.G. Wells (roman)
Distribution : Tom Cruise, Dakota Fanning, Justin Chatwin, Tim Robbins
Durée : 116 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 14 Juillet 2005