28 WEEKS LATER (2007)
Juan Carlos Fresnadillo
Par Jean-François Vandeuren
A priori, 28 Weeks Later est précisément le genre
de projet sur lequel on spécule un peu partout sur la toile pendant
un certain temps sans que personne ne lui accorde trop d’importance.
Il faut dire qu’il n’y avait en soi aucune raison de risquer
la réputation du fort substantiel 28
Days Later de Danny Boyle pour ce qui aurait pu facilement
n’être qu’une suite bidon catapultée en quatrième
vitesse dans les salles de cinéma, ou pire : directement sur
les tablettes des clubs vidéo. Plusieurs détails entourant
la production du présent effort avaient pourtant tout pour nous
mettre en confiance. D’une part, les noms de Boyle et du scénariste
Alex Garland figurent toujours au générique - cette fois-ci
à titre de producteurs exécutifs - alors que de leur côté,
l’excellent Robert Carlyle et l’étoile montante Rose
Byrne mènent aisément une distribution tout ce qu’il
y a de plus compétente. La réalisation du projet fut confiée
quant à elle à l’Espagnol Juan Carlos Fresnadillo,
qui avait acquis une certaine notoriété en 2001 grâce
à l’intrigant Intacto. L’entreprise semblait
ainsi avoir été mise sur pied dans le but de poursuivre
et de solidifier ce qu’avait entamé le premier volet cinq
ans plus tôt et non de capitaliser lâchement sur le succès
surprise de ce dernier de ce côté-ci de l’Atlantique.
Il ne restait plus qu’à voir si Fresnadillo réussirait
à mener cet imposant navire à bon port, et surtout à
éviter les nombreux obstacles qu’il allait inévitablement
rencontrer au cours de cette longue et périlleuse aventure.
Pour arriver à leurs fins, Fresnadillo et son équipe de
scénaristes abandonnèrent d’abord complètement
les quelques protagonistes ayant survécu aux événements
du premier épisode et échafaudèrent une nouvelle
intrigue obéissant à une toute autre dynamique narrative.
Ainsi, si 28 Days
Later plaçait ses principaux personnages quelque
peu en retrait par rapport à sa mise en situation afin de dresser
un portrait aussi réaliste et empathique que possible de chacun
d’entre eux, ce deuxième opus nous plonge pour sa part
au coeur de la crise. Les survivants ayant tous été évacués,
les infectés finirent par mourir de faim, emportant avec eux
les dernières traces du terrible fléau qui ravagea le
Royaume-Uni. La repopulation du pays s’amorça par la suite
dans un quartier isolé de Londres sous le commandement de l’armée
américaine et des Nations unies. Évidemment, ce qui devait
arriver arriva et l’épidémie recommença rapidement
de plus belle. Heureusement pour nous, un jeune garçon pourrait
bien être porteur du même gène qui immunisa précédemment
sa mère contre les horribles effets du virus, et donc la source
d’un vaccin potentiel qui permettrait à la communauté
internationale d’éradiquer cette dangereuse menace une
bonne fois pour toute.
À l’instar du superbe Children
of Men d’Alfonso Cuarón, 28 Weeks Later
joue la carte du pessimisme d’une manière on ne peut plus
percutante en étouffant progressivement chaque parcelle d’espoir
qu’il met en place avec un acharnement et une brutalité
hors du commun. Le réalisateur espagnol nous donnera d’ailleurs
un avant-goût des choses à venir lorsqu’il fera d’un
simple geste d’amour le point de départ de cette nouvelle
épidémie. Ainsi, comme dans Children
of Men, la trame narrative de 28 Weeks Later
s’articule elle aussi autour d’un seul et même objectif,
soit assurer la survie du tout dernier espoir de l’humanité.
Mais si le film d’Alfonso Cuarón cherchait tant bien que
mal à entretenir une lueur d’espoir dans une situation
où l’homme était pourtant confronté à
sa propre extinction, l’opus de Juan Carlos Fresnadillo emprunte
pour sa part le chemin inverse tout en suivant le même type de
pentes ascendantes et descendantes sur le plan dramatique. Le cinéaste
imitera également ses prédécesseurs au niveau du
fond en se servant des bases de son récit pour édifier
un constat peu flatteur sur l’Occident et son incessant désir
de contrôler les zones troubles de notre planète, critiquant
notamment son incapacité à contenir certains débordements
qui ne lui sont que trop souvent fatals.
Au niveau de la forme, Fresnadillo assure la continuité de la
série avec tout ce que cela implique en termes de coups d’éclat
savoureux et de bévues qui auraient pourtant pu être facilement
évitées. Le cinéaste délaisse ainsi l’approche
plus personnelle et réaliste élaborée par Danny
Boyle au profit d’une mise en scène un tantinet plus ambitieuse
se prévalant de quelques jolis plans d’ensemble impeccablement
exécutés. Les choses ont toutefois tendance à se
gâter durant les moments de haute tension alors que le réalisateur
espagnol cherche inutilement à renouer avec le style plus frénétique
de son prédécesseur, ce qui mène une fois de plus
à une surdose d’images saccadées et de mouvements
de caméra un peu trop turbulents. L’initiative traduit,
certes, l’état d’urgence dans lequel tentent de nous
plonger ces séquences bien spécifiques, mais le traitement
de celles-ci s’avère parfois si confus et approximatif
qu’elles finissent inévitablement par créer l’effet
inverse. Proposant une direction photo beaucoup plus précise
et épurée que l’esquisse visuelle volontairement
salie que défendait avec conviction 28
Days Later, Enrique Chediak sauve heureusement les meubles
à plus d’une reprise en évitant plusieurs dérapages
stylistiques et en apportant un peu plus de cohésion à
certaines scènes, rehaussant ainsi de manière significative
le climat de tension instauré par Juan Carlos Fresnadillo et
ses coscénaristes.
Cette nouvelle vision du film de zombies pouvait évidemment paraître
quelque peu hasardeuse au premier abord vue la façon pour le
moins radicale dont Boyle substituait la lenteur hypnotique que nous
associons depuis toujours aux morts-vivants par une démarche
beaucoup plus rapide et agressive. Le zombie n’est plus cette
menace latente pouvant être facilement évitée si
le protagoniste se montre moindrement vigilant et se veut désormais
la manifestation de tous les maux pendant au nez de la race humaine
face auxquels il est peut-être déjà trop tard pour
intervenir. Par l’entremise d’une mise en scène enlevante,
d’un scénario intelligent et articulé, et de personnages
dotés d’une capacité de réflexion des plus
étonnantes vus les standards intellectuels souvent peu élevés
auxquels le genre nous a habitués, Juan Carlos Fresnadillo et
ses acolytes élaborèrent un discours quelque peu différent,
mais tout aussi valable - sinon plus - que celui formulé par
leurs prédécesseurs. En élargissant son contexte
de base pour lui ajouter un peu plus de profondeur, le cinéaste
espagnol réalisa la suite dont cette nouvelle franchise avait
précisément besoin pour être prise un peu plus au
sérieux. Il ne serait d’ailleurs pas surprenant que celle-ci
soit abordée - dans un avenir plus ou moins rapproché
- tel un nouvel équivalent, voire même la suite logique,
de la célèbre trilogie de George A. Romero.
Version française : 28 Semaines plus tard
Scénario : Rowan Joffe, Juan Carlos Fresnadillo, Jesus
Olmo, Enrique Lopez Lavgine
Distribution : Robert Carlyle, Rose Byrne, Jeremy Renner, Imogen
Poots
Durée : 99 minutes
Origine : Royaume-Uni
Publiée le : 19 Juin 2007
|