28 DAYS LATER (2002)
Danny Boyle
Par Jean-François Vandeuren
On peut s’attendre, lorsque nous lisons le nom de Danny Boyle
et les mots « film de zombies » dans la même phrase
à quelque chose qui va, à toutes fins pratiques, sortir
de l’ordinaire. Environ huit mois après sa sortie européenne,
il est maintenant au tour des Nord-Américains de juger si la
dite réinvention du genre telle qu’avançait la bande-annonce
du film était fondée. Résultat : ce que l'on nous
donne est loin de correspondre à ce que l’on nous avait
annoncé au départ. Si Boyle ne réinvente pas le
film de zombies, où ces derniers sont nettement qu’accessoires
dans 28 Days Later, il faut tout de même reconnaître
la façon plutôt intéressante dont il aborde les
thèmes de survie et de vie en société.
28 Days Later tourne autour des divers moyens pris par un groupe
de protagonistes pour survivre aux ravages faits par un virus dérivé
de la rage qui a anéanti pratiquement toutes formes de «vie»
en Angleterre. De temps à autres, on aperçoit quelques
personnes infectées tentant de se jeter sur les derniers êtres
encore «normaux», mais là s’arrête la
partie du film s'orientant vers l'horreur. Le scénariste Alex
Garland réemprunte ici passablement les mêmes thématiques
qu'il avait exploitées dans The Beach, sa première
collaboration avec le réalisateur Danny Boyle. Le film se concentre
presque en totalité sur l’idée de survie et d'organisation.
Comme pour son portrait du communisme dans The Beach, Garland
parle ici des priorités humaines en société, surtout
en ce qui a trait à l’individualisme face à l’idée
de collectivité. En ce sens, le film reste traité de façon
humble. Aucune grande ligne ne sort de la bouche des principaux personnages.
On est en présence d'individus tout ce qu'il y a de plus ordinaires
qui sont amenés à faire des choix. Doivent-ils prendre
le risque d’aider d’autres personnes malgré le fait
que ces derniers pourraient les ralentir en chemin, ou faut-il les laisser
derrière se débrouiller seuls? Y a-t-il encore de la place
pour un raisonnement sensé quand plus rien ne tient debout et
qu’il faut prendre avantage sur les autres survivants afin de
garder un sentiment d’espoir en vie? Ou encore, justement, où
est l’intérêt de survivre si tout ce que l’on
essaie de sauver est une seule et même personne: nous-même?
On aurait apprécié cependant que ces idées soient
poussées un peu plus loin.
Sur le plan technique, on reconnaît bien le style de Boyle. Son
esquisse visuelle est satisfaisante dans le genre, mais ne rivalise
en rien avec le niveau de qualité de son Trainspotting.
Plusieurs points faibles sont notables sur ce plan. Tout d’abord,
l’idée de tourner le film en numérique pour ajouter
un effet réaliste au contexte est tout à fait respectable,
mais en même temps, cela vient gâcher la minutie du travail
de Boyle. De plus, dans certaines scènes, on ne voit absolument
rien de ce qui se passe à l'écran. Boyle répéta
en ce sens les mêmes erreurs que Ridley Scott dans Gladiator
quand vint le temps d'élaborer les scènes où les
infectés se manifestent. Comme dans les séquences d’arènes
de Gladiator, on se retrouve avec un montage ultrarapide de
gros plans constamment en mouvement et face auxquels nos yeux ne captent
pratiquement rien de l'action de façon cohérente. Très
décevant venant d'un réalisateur aussi talentueux que
Boyle. Pour ce qui est du son, le choix musical baignant dans le rock
expérimental et l’ambient venant d’artistes tels
que Grandaddy, Godspeed You! Black Emperor et Brian Eno est tout à
fait génial. Un autre aspect intéressant est que le film
ne tombe pas trop dans la facilité et tente d'aborder des éléments
qui ne sont pas nécessairement nouveaux d'une façon différente.
En ce sens, les effets d'escalade par rapport à la tension ou
à une idée bien précise, comme la solitude par
exemple, sont assez bien rendus.
En résumé, ne vous attendez aucunement à un film
d’horreur en entrant dans la salle, mais plutôt à
une bonne réflexion sur ce qui fait tenir une société
debout. Les toutes premières images du films portent à
elles seules un message assez révélateur alors que nous
croirons voir défiler des images d'un monde en crise suite à
l’épidémie quand finalement elle n’aura même
pas encore eu lieu. Un film fort intéressant, mais malheureusement
incomplet.
Version française :
28 Jours plus tard
Scénario :
Alex Garland
Distribution :
Cillian Murphy, Naomie Harris, Christopher Eccleston,
Megan Burns
Durée :
112 minutes
Origine :
Angleterre
Publiée le :
6 Juillet 2003