DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Host, The (2013)
Andrew Niccol

Moi et l'hôte

Par Jean-François Vandeuren
Plus les années passent, plus les productions se succèdent, plus il devient difficile de faire état du cinéma d’Andrew Niccol. L’oeuvre du Néozélandais continue, certes, de mettre de l’avant des concepts aussi pertinents qu’inspirés et intrigants, mais à l’intérieur de scénarios de plus en plus élémentaires, et mal servis par une démarche artistique se révélant elle aussi de plus en plus laborieuse. Que nous retrouvions à présent le réalisateur à la barre de l’adaptation de l’« autre roman » de l’auteure Stephenie Meyer en dit évidemment long sur la direction dans laquelle Niccol semble désormais vouloir orienter sa carrière, même si un tel choix de projet ne s’avère pas totalement dépourvu de sens. The Host aborde d’ailleurs plusieurs des thématiques auxquelles le cinéaste se sera intéressé tout au long de sa carrière. Comme à l’habitude, Niccol nous transporte dans un avenir pas si lointain où la violence, la pauvreté et les questions environnementales seront devenues choses du passé depuis qu’une race extraterrestre aura pris le contrôle de la vaste majorité des habitants de la planète bleue. Dans cette prémisse faisant nécessairement écho à Invasion of the Body Snatchers et They Live, une minorité d’hommes et de femmes continuent de se battre pour conserver leur humanité. En voulant échapper à ses poursuivants, Melanie (Saoirse Ronan) se retrouve dans une impasse dont la mort semble être la seule issue. Ayant miraculeusement survécu à sa chute, l’héroïne se réveille emprisonnée dans un corps dont elle n’a plus le contrôle, celui-ci étant désormais habité par une entité du nom de Wanderer. Capable d’entretenir un dialogue avec cette dernière, l’esprit de la jeune femme cherchera dès lors à la persuader de ne pas accomplir la mission qui lui a été confiée, soit de fouiller sa mémoire afin de mener les autorités à l’endroit où se cachent un groupe de Terriens résistant toujours à l’envahisseur.

Dès l’instant où Melanie convaincra Wanderer de prendre la fuite pour lui permettre de s’assurer du bien-être de ses proches, le film d’Andrew Niccol réunira petit à petit tous les éléments dramatiques à partir desquels Meyer aura développé l’essence de sa désormais célèbre saga Twilight. Le scénario de The Host sera dès lors alimenté par la formation d’un triangle - voire d’un quadrilatère - amoureux entre les deux âmes habitant le corps de la jeune femme et deux hommes issus de la communauté à laquelle elle appartenait lorsqu’elle n’était qu’humaine. Un groupe qui se montrera d’abord hostile face à la présence de Wanderer, elle qui parviendra à rassurer certains de ses membres en exprimant celle de Melanie derrière ses yeux brillants - caractéristique nécessitant de nouveau l’utilisation d’une quantité considérable de lentilles cornéennes de couleur vive. La situation deviendra toutefois beaucoup plus compliquée lorsque Melanie tentera de se manifester auprès de Jared (Max Irons), son amoureux d’il n’y a pas si longtemps, tandis que Ian (Jake Abel) succombera pour sa part au charme de l’entité venue d’ailleurs. Et comme dans Twilight, notre représente de l’espèce dominante se retrouvera soudainement au milieu d’êtres appartenant à la minorité (in)visible. Ceci dit, The Host dépasse tout de même d’une bonne tête les piètres productions ayant découlé de la précédente initiative cinématographique à laquelle aura été mêlée Stephenie Meyer, et ce, en grande partie grâce au travail de Niccol, qui aura su accomplir - minimalement, du moins - ce que les cinéastes s’étant perdus au milieu des affrontements répétés entre loups-garous et vampires n’auront jamais su orchestrer. Ainsi, si le Néozélandais aura évidemment dû effectuer certains compromis minant le produit fini plus souvent qu’autrement, c’est le savoir-faire technique et la signature artistique de ce dernier qui permettent ultimement à The Host de garder le cap, même si la traversée ne s’avère en soi jamais mémorable.

La signature de Niccol se fera sentir dans un premier temps à travers les traits de l’univers aseptisé qu’il met de nouveau en images, faisant état d’une apparente perfection cachant un mal que le cinéaste n’aura jamais exprimé aussi directement que dans le présent exercice. La trame dramatique de The Host s’articule du coup autour d’une autre manifestation de résistance face à un système établi, rappelant l’affront contre la quête de perfection génétique dans Gattaca, la recherche d’une réalité n’ayant pas été préfabriquée dans The Truman Show, le combat perpétuel des moins nantis devant littéralement se battre pour chaque seconde de leur vie dans In Time, etc. Ce sera d’autant plus grâce à leur détermination et leur débrouillardise que les laissés-pour-compte de The Host auront pu survivre eux aussi au coeur d’un environnement sur lequel l’humanité aura exercé une emprise qui aura fini par devenir problématique. Et si le réalisateur méthodique et maniéré nous ayant proposé le brillant Gattaca de 1997 fait toujours sentir sa présence dans The Host, ce dernier se voit trop souvent obligé de jongler avec les impératifs d’un studio l’amenant à retenir ou à carrément saboter ses élans créateurs. Une série de raccourcis visuels et narratifs se manifestant plus particulièrement dans la façon évidemment tout ce qu’il y a de plus juvénile dont Niccol aura dû mettre en scène les rebondissements liés à l’histoire de son triangle amoureux, ainsi que dans l’emploi d’effets de style aussi inutiles que malhabiles, notamment lors de ces quelques flashbacks nous révélant le passé à la fois trouble et idyllique de Melanie. Un tel manque de finesse émanera également de la manière tout aussi peu inspirée dont auront été traités les désaccords comme les efforts de coopération à la fois internes et externes entre Melanie et Wanderer, lesquels mèneront à des dialogues gauches et inutilement explicatifs devenant vite agaçants.

The Host ne parvient évidemment jamais à s’imposer comme une proposition unique, voire inusitée, Meyer ne s’étant une fois de plus contentée que de fouiller un registre bien spécifique de la fiction pour n’en retenir que les éléments dont elle avait besoin pour arriver à ses fins. L’auteure aura tout de même su accoucher d’une histoire beaucoup moins superficielle et manipulatrice que n’importe quel épisode issu de la saga Twilight. De son côté, Niccol était certainement le réalisateur tout désigné pour en assurer la transition vers le grand écran, et ainsi permettre à ses producteurs de battre le fer pendant qu’il était encore chaud. En son genre, le résultat final s’avère suffisamment fonctionnel, défendu adéquatement par une Saoirse Ronan plus habitée que Kristen Stewart ne l’a jamais été, donnant la réplique à un William Hurt et une Diane Kruger tout aussi convaincants. Mais en revenant toujours en arrière pour tenter de renforcer les différents drames dont il fait état, The Host finit par étirer la sauce là où l’exercice se serait révélé assurément plus efficace s’il avait été édifié d’une manière un peu plus concise. Il en va de même pour la façon de plus en plus appuyée dont Niccol fera ressortir les thèmes forts de son film, présentant un discours on ne peut plus élémentaire et redondant sur l’acceptation d’autrui et les nombreuses leçons que l’Homme pourrait tirer ici de son envahisseur, et vice-versa, entre les méthodes de consommation, la façon d’exploiter un environnement de manière respectueuse et l’inévitable expression de ce qui nous rend si « humain » malgré tout. Le tout dans un ensemble où tout est continuellement souligné à gros trait sans jamais être marquant ou totalement pertinent, ultime constat d’une production laissant bien paraître plusieurs qualités formelles, mais croulant au final sous le poids de son propre manque d’ambitions et de caractère.
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Critique publiée le 29 mars 2013.