DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Last Stand, The (2013)
Jee-woon Kim

Nouveaux venus et vieux routiers

Par Jean-François Vandeuren
The Last Stand s’impose d’une certaine façon comme un double rendez-vous. Il s’agit d’abord de la première fois en près de dix ans que nous retrouvons Arnold Schwarzenegger comme tête d’affiche d’un long métrage de fiction, lui qui, entretemps, aura servi deux mandats à titre de gouverneur de la Californie. Le présent effort s’avère être également la première réalisation américaine du cinéaste sud-coréen Kim Jee-woon (A Tale of Two Sisters, I Saw the Devil). Ce dernier s’était déjà risqué il y a cinq ans à la mise en scène de l’un de ces westerns postmodernes ayant défilé périodiquement sur les écrans depuis le début des années 2000 avec The Good, the Bad, the Weird, parvenant au final à des résultats plutôt mitigés. Ce que le réalisateur nous propose cette fois-ci à travers le scénario d’un autre nouveau venu en la personne d’Andrew Knauer, c’est un western dans lequel les codes les plus rigides du genre auront tout simplement été transposés dans le contexte plus « moderne » d’un film d’action. Nous nous retrouverons du coup au coeur d’un petit village de l’Arizona situé en bordure de la frontière séparant les États-Unis et le Mexique. C’est vers cette localité que semblera se diriger un dangereux trafiquant de drogue au volant de l’une des voitures sport les plus rapides de la planète suite à une spectaculaire évasion survenue quelques heures plus tôt dans les rues de Las Vegas. Les complices de ce dernier ayant déjà fait passablement de dommages dans la région, il en reviendra au shérif Ray Owens (Schwarzenegger) et ses acolytes plus ou moins dégourdis de s’assurer que le malfrat en question ne puisse quitter le pays, et ainsi recouvrer sa liberté.

Pour le premier film dont il allait tenir la vedette depuis le banal Terminator 3: Rise of the Machines de 2003, nous ne pouvions évidemment nous attendre à ce que l’acteur d’origine autrichienne réalise un coup d’éclat en prenant part à un projet de grande envergure. La question se pose évidemment à savoir si pareille option aurait pu simplement se présenter à lui, en particulier pour un acteur dont la dernière véritable production de qualité remonte tout de même au True Lies de 1994. The Last Stand nous arrive ainsi comme une énième opération cinématographique visant à satisfaire, et surtout à soutirer l’argent des cinéphiles nostalgiques de la belle époque du cinéma de gros bras, au même titre que les récentes tentatives de Sylvester Stallone de ressasser le passé avec des films comme Rocky Balboa, Rambo et The Expendables. À cet effet, nous ne pouvons pas dire que Knauer se soit compliqué la vie outre mesure en ce qui a trait à l’élaboration de la présente intrigue. Chaque enjeu sera ainsi clairement résumé en une fraction de seconde sans qu’aucune surprise de taille ne vienne jamais changer la donne en cours de route. Ce qui s’en suivra ne sera donc rien de plus qu’un long crescendo annonçant d’ores et déjà l’inévitable affrontement final des plus musclés devant survenir entre cowboys modernes et hors-la-loi sans pitié. Si The Last Stand frappe souvent dans le mille durant ces séquences hautes en couleur et en adrénaline, il n’y a cependant rien de très stimulant dans la façon on ne peut plus mécanique et télégraphiée dont le scénariste positionne chacune de ses pièces.

Le moindre engrenage du scénario d’Andrew Knauer sera ainsi introduit de la manière la moins subtile qui soit et souvent par simple souci de convenance, parvenant rarement à élever celui-ci au-delà du hasard en plus de n’intégrer que le strict minimum d’éléments dramatiques pour solidifier sa prémisse et interpeller le spectateur sur une autre base que la simple quête d’émotions fortes. Il y aura cette partie de football qui amènera les habitants à quitter massivement la petite localité pour le weekend, question que celle-ci puisse prendre les traits typiques des rues désertiques du Far-West, cette voiture sport dont le shérif obtiendra les clés d’entrée de jeu qui lui permettra évidemment de partir à la poursuite du monstre sur roues conduit par l’antagoniste, ce musée d’armes à feu tenu par le gentil nigaud de service (Johnny Knoxville) qui offrira la puissance de frappe nécessaire aux autorités locales pour qu’elles puissent se mesurer à cet ennemi de taille… Bref, un schéma narratif paraissant beaucoup trop calculé, voire carrément arrangé avec le gars des vues. Et c’est définitivement ce qui empêche The Last Stand d’être un divertissement, certes, primaire, mais tout de même efficace du début à la fin, ses maîtres d’oeuvre se révélant tout bonnement incapables d’en dissimuler les rouages ou d’envelopper ceux-ci d’une quelconque aura de mystère. L’ensemble est néanmoins appuyé comme nous pouvions nous y attendre par le savoir-faire technique d’un Kim Jee-woon, qui aura su orchestrer des séquences d’action enlevantes exploitant une violence graphique typiquement américaine n’ayant rien à voir avec celle d’un film comme I Saw the Devil.

Il y a évidemment plusieurs questions à se poser sur la sortie d’un spectacle se plaisant à faire l’apologie de la culture des armes à feu à un moment où le pays de l’Oncle Sam se retrouve justement plongé dans un important débat de société sur le sujet. D’autant plus que, outre la présente initiative, le début de l’année 2013 sera également marqué par le retour en solitaire de Sylvester Stallone, et même de John McClane. Dans ses meilleurs élans, le film de Kim Jee-woon réussit bien à tirer son épingle du jeu en offrant quelques moments de pur divertissement aussi intenses que barbares, et surtout rehaussés d’une touche d’humour « cartoonesque » qui s’avère plus que la bienvenue. Le tout alimentant une formule pensée et exécutée sans effort, se révélant d’autant plus difficile à classer sous le sceau de la parodie ou de la simple nonchalance créatrice, en particulier lors de cette démonstration de franche camaraderie où les rires complices n’ayant rien de naturel viendront terminer l’exercice une fois sa bruyante pétarade achevée. Mais entre un Arnold Schwarzenegger défendant son héritage de façon juste assez convenable, un Forest Whitaker compétent et un Johnny Knoxville foncièrement irritant en comique de service, il n’y a au final que le toujours excellent Peter Stormare qui offre ici une performance aussi juste que foncièrement distrayante. C’est donc sans surprise que The Last Stand se révèle au final une première production mineure en sol américain pour le cinéaste sud-coréen, laquelle ne peut que faire écho à l’arrivée d’un certain John Woo à Hollywood au milieu des années 90. Même son de cloche pour un acteur dont le grand retour au coeur du star-système hollywoodien se sera lui aussi déroulé de la seule façon envisageable.
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Critique publiée le 18 janvier 2013.