Transformers: Revenge of the Fallen (2009)
Michael Bay
Et un autre morceau de robot...
Par
Mathieu Li-Goyette
Gras. Victime d’obésité morbide. La dernière boulimie de Michael Bay est tout à l’image de sa filmographie : sexe, voitures, forces militaires. Sorte de longue lettre d’amour à son propre talent et sa propre légende, le second volet de la trilogie annoncée de Transformers ramasse tout ce qui pouvait rester de cinéma dans la carcasse déglinguée du premier épisode en n’y laissant cette fois-ci qu’un amère arrière-goût mal digéré. Megatron a survécut, les Autobots sont demeurés sur Terre où ils font maintenant équipe avec les forces militaires états-uniennes, Sam fait ses premiers pas dans une université prestigieuse tandis que sa plantureuse petite amie répare les motocyclettes de son paternel. Pour ainsi dire, on reprend où Optimus Prime nous laissait il y a de ça deux ans. Devant un spectacle idéologique au moins fort intéressant pour ce qu’il représentait comme objet hollywoodien, le premier film faisait du peuple américain le sauveur de tous (douce manie chez Bay) en les mettant au milieu d’une guerre entre Dieu et Satan (incarnés chez des jouets de la compagnie Hasbro) et faisant ainsi de Sam et de sa boîte de Pandore (un cube capable de libérer le pouvoir de métamorphose des Transformers dans tous les appareils électroniques) le catalyseur d’un feu d’artifice pour le moins contrôlé, mais tout à fait divertissant et explosif.
Pour ce qui est donc de la suite, la mégalomanie l’emporte sous tous les aspects. Signant un scénario déficient, Alex Kurtzman, Roberto Orci (qui étaient déjà de l’aventure il y a deux ans) et Ehren Kruger (à qui l’on doit principalement le sympathique Brothers Grimm et les remakes américains de Ringu) sont, malgré une feuille de route bien estimable, les initiateurs d’un massacre cinématographique et de la perte d’intensité d’un autrement dit très long parcours parsemé de robots et de soldats se confrontant aux quatre coins du monde (de Shanghai aux États-Unis en finissant par les pyramides de Gizeh). Transformers : Revenge of the Fallen suit pourtant bien une certaine tendance instaurée par les trilogies de Lucas et poursuivit tout au long de Pirates of the Carribean (et autres films « opéras » plus ou moins recommendables). Un héros, placé devant le bien et le mal part en quête d’un objet sacré accompagné par une équipe aux personnalités bien distinctes. Lors du deuxième volet, le héros s’éloigne des terres « explorées » à la recherche d’un savoir (ou d’un sage) qui lui en apprendra plus sur sa destinée au moment où l’ennemi que l’on croyait si imposant s’avèrera le simple félon d’un stratégiste bien plus terrifiant (l’Empereur, Davy Jones, The Fallen) qui sera aussi à la recherche du trésor pourchassé par notre jeune apprenti (de la force, de la piraterie, de la testostérone). La formule a été testée, éprouvée… et elle fonctionne à merveille lorsque traitée avec l’intelligence qu’un public décent peut exiger.
Du début à la fin, Sam apprend à devenir un homme. Il aime l’école, mais pas l’institution, il veut être fidèle, mais laisse parler la tentation, il aime ses parents, mais ne veut plus d’eux… Sam est en fait l’archétype voulu du fiston de la haute classe moyenne américaine. Poussé à vivre par lui-même après les terribles événements du premier volet, le personnage joué par le très solide Shia LaBeouf doit surmonter ses désirs personnels en sacrifiant sa jeunesse fêtarde pour le bien de l’humanité; après tout, « j’ai déjà sauvé le monde avec l’aide des robots » dira-t-il à ses parents. Convaincu par Optimus « Dieu » Prime à porter le poids du monde et le destin de l’homme contre Megatron « Satan » tout droit ressuscité de l’océan, Sam part à la recherche d’un artéfact enseveli en plein sous la terre sainte aux abords de la Mer Rouge. À la mort de Prime, Sam n’a alors d’autres choix que de « croire » au pouvoir de l’artéfact désormais détruit alors que Megatron, le Fallen, et une armée complète de Decepticons le poursuivent à travers le désert jusqu’à la mort du héros. S’en suit l'une des séquences les plus marquantes du cinéma de Bay et qui, a elle seule, vaut peut-être sa consécration au panthéon du symbolisme à go-go. Sam se réveille dans un désert illuminé où les autres Prime (qui, en plus de voler, sont littéralement auréolés d’une aura divine) l'accueillent alors que celui-ci revient à lui et fait un miracle : le Christ a une nouvelle incarnation et celle-ci baise, conduit rapidement et a de gros robots comme meilleurs amis.
Qu’il faille s’insurger ou non contre un symbolise de bas-étage, le cinéma de Bay nous a pourtant habitué a bien mieux dans la lignée des films d’action. Sous-signant encore son opus grâce à la participation de l’armée américaine, les soldats vont, fronts suant, à la cadence d’un hymne au courage vers la plus horrible des fins. Avec un armement à la fine pointe de la technologie, des marines et des officiers toujours plus sensés que les « sales bureaucrates de Washington » et une complicité de dur-à-cuir avec les robots (« des vrais combattants de front comme nous! »), regarder Transformers : Revenge of the Fallen, c’est se soumettre au plus grand condensé de préconçus et de bêtises de la carrière d’un cinéaste normalement maître en la matière. Car de cette prolifique carrière ayant débutée pour Playboy et puis les annonces automobiles, cet oeuvre en conserve certainement les thématiques sans toutefois y apporter une mise en scène inspirée. Bay se rallie visiblement à la récente mode du plan séquence et opte pour les longs plans de grue et les caméras portées plutôt que son montage charcuté où son incroyable intuition à créer le mythe le laissait digne d’intérêt. S’ensuit un spectacle complaisant en plein milieu d’un immense bac à sable digitalisé dans lequel la confusion règne dans ce produit insignifiant qui cherche désespérément sa raison d’être. D’une blague pathétique à l’autre, des performances insipides aux deux talents du film (sans aucun doute LaBeouf et le très fidèle John Turturro), ce dernier rejeton à tout le plumage nécessaire pour confirmer l’adage bien d’ici: grosse corvette, petite…
Critique publiée le 7 juillet 2009.