L’épouse de Benjamin Mee (
Matt Damon) est récemment décédée à la suite d’un long combat contre la maladie. Un drame dont le père de famille n’arrive toujours pas à se remettre alors que la simple vue d’un endroit que le couple avait l’habitude de fréquenter parait suffisante pour replonger celui-ci dans ses plus beaux souvenirs, l’empêchant ainsi d’aller véritablement de l’avant avec son existence. La situation n’est guère plus réjouissante du côté de son fils Dylan qui, pour sa part, semble canaliser sa rage comme sa tristesse dans la création de dessins particulièrement macabres, tandis que son comportement plus qu’erratique aura mené à son expulsion de l’école. La « femme de la famille » est donc à présent la très jeune Rosie, qui tentera comme elle peut de prendre soin de son paternel et de son grand frère en gardant un souffle de joie et d’optimisme bien en vie à l’intérieur de la maisonnée. Croyant qu’un changement d’air ferait tout de même le plus grand bien à tout le monde, Benjamin fera l’acquisition d’une demeure située en dehors de la ville. Mais l’habitation vient avec de grandes responsabilités puisque celle-ci est accompagnée d’un zoo où séjournent en permanence une quantité considérable d’animaux sauvages. Plutôt que d’y voir un inconvénient, Benjamin et Rosie y trouveront une nouvelle aventure, et la chance d’un nouveau départ pour le trio. En compagnie des derniers spécialistes, menés par Kelly Foster (
Scarlett Johansson), ayant bien voulu rester pour prendre soin des animaux, Benjamin entreprendra de remettre sur pied les installations afin que le zoo soit de nouveau ouvert au grand public. Mais l’investissement financier, et émotionnel, que requerra un tel projet se révélera vite beaucoup plus élevé que ce qu’il avait imaginé au départ.
Tout porte à croire que
Cameron Crowe se sera passablement cherché au cours des dix dernières années sans jamais vraiment réussir à se trouver, lui qui avait atteint un certain sommet en 2000 avec son épopée rock à saveur autobiographique
Almost Famous. Depuis, le jadis prolifique réalisateur aura accouché coup sur coup de deux documentaires musicaux qui lui auront permis de demeurer en terrains connus après avoir signé deux films de fiction dans lesquelles il aura continué de creuser au coeur des mêmes préoccupations ayant marqué son oeuvre depuis ses débuts, mais par l’entremise d’une démarche créatrice qui, elle, aura commencé à montrer ses limites.
We Bought a Zoo semblait ainsi annonciateur d’une certaine stabilité pour ce personnage masculin - typique des récits du cinéaste américain - n'ayant jamais réussi à sortir totalement de l’adolescence, mais poursuivant néanmoins une éternelle quête de maturité doublée d’un goût prononcé pour l’imprévu. Des caractéristiques que nous retrouvions notamment chez le protagoniste du
Jerry Maguire de 1996. Dans cet ordre d’idées, le personnage bien réel de Benjamin Mee, dont les mémoires auront inspiré le présent exercice, se voulait en soi un sujet idéal pour un cinéaste visiblement toujours désireux de mettre en relief les difficultés existentielles liées à l’âge adulte dans un contexte propice au développement de situations et à la rencontre d’individus sortant de l’ordinaire. C’est donc sans surprise que
We Bought a Zoo traite lui aussi d’une recherche de stabilité qui ne pourra s’effectuer sans que ne soient pris plusieurs risques. Un retour à l’essentiel, aux joies de la nature dans ce cas-ci, allant évidemment de pair avec le manuscrit rédigé jadis par Jerry Maguire dans le but d’inspirer ses collègues à replacer l’être humain avant le profit dans les relations d’affaires.
Crowe ne semble donc pas s’être cassé la tête outre mesure lorsqu’il a entrepris la réécriture du scénario d’Aline Brosh McKenna. Bien que l’Américain parvienne à éviter la plupart des pièges qui auraient pu pousser son public à l’accuser de se plagier lui-même, et ce, malgré une façon de faire et nombre de situations rappelant inévitablement ses productions antérieures, l’exécution dans
We Bought a Zoo nous donne tout de même l’impression d’avoir affaire à un cinéaste oeuvrant sur le pilote automatique. Ainsi, si le présent effort reprend la formule éculée du «
feel-good movie » familial d’une manière suffisamment enjouée, et même parfois inusitée, pour lui permettre d’atteindre la plupart de ses objectifs, l’ensemble arrive néanmoins difficilement à dissimuler un parcours sur railles dont Crowe ne démontre jamais la moindre intention de déroger. Les petits et grands drames se succèdent du coup dans
We Bought a Zoo d’une façon que nous aurons vue plus souvent qu’à notre tour sans que la forme n’ait subi une quelconque modification, la mauvaise attitude de Dylan, qui aura besoin de passablement de temps pour s’habituer à ce nouvel environnement loin de « sa vie », et l’inévitable conflit père-fils qui en découlera arrivant en tête de liste. Des problèmes qui, nous nous en doutons bien, menaceront l’avenir de l’ambitieux projet de Benjamin. Le tout sans compter l’emploi répété d’images manquant bien souvent de subtilité, tel ce tigre vieillissant et gravement malade dont Benjamin ne saura se résoudre à mettre fin aux souffrances. Un ultime geste de compassion qui permettra au protagoniste de finalement se tourner vers le futur. Une évolution qui signifiera ici laisser le passer là où il est pour enfin pouvoir avancer en regardant droit devant.
Comme cela avait été particulièrement le cas dans
Elizabethtown,
We Bought a Zoo se révèle une oeuvre semblant continuellement à la recherche d’un rythme de croisière - que le réalisateur et son monteur semble d’ailleurs avoir toutes les difficultés du monde à maintenir. Il en résulte un montage souvent déficient dont les lacunes se reflètent également dans l’utilisation tout aussi maladroite - pour ne pas dire carrément abusive - du support musical. Les compositions les plus connues du répertoire de l’artiste islandais Jónsi - qui signe également ici quelques pièces originales - et de son groupe Sigur Rós sont ainsi employées à répétition, et ce, dans des moments qui se seraient avérés beaucoup plus effectifs si Crowe n’avait pas tant cherché à surstimuler nos sens. La petite histoire de
We Bought a Zoo est donc celle d’un long métrage dont la prémisse méritait certainement d’être portée au grand écran et à laquelle le cinéaste et ses interprètes seront bien parvenus à insuffler toute la légèreté et les bons sentiments requis pour la rendre captivante, mais sans jamais réussir cette fois-ci à ajouter cette étincelle, cette once d’originalité dans le traitement, pour en faire une expérience cinématographique réellement mémorable. Si nous nous serions, certes, attendus à davantage de la part de Cameron Crowe, la quantité non négligeables de fautes techniques et scénaristiques, notamment au niveau des dialogues, nous permettent de croire que
We Bought a Zoo aura été la création d’un cinéaste s’étant contenté de jouer de prudence en misant sur quelques valeurs sûres. L’Américain obtient au final le salaire de ses efforts, rien de plus, rien de moins, et nous laisse devant un divertissement possédant juste assez de qualités pour que nous puissions apprécier le voyage.