DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Real Steel (2011)
Shawn Levy

Pièces recyclées

Par Jean-François Vandeuren
Il faut croire que les Transformers de Michael Bay auront laissé une impression durable sur ce futur pas si lointain dans lequel nous plonge le présent Real Steel de l’Américain Shawn Levy. Si bien que l’engouement pour les combats de robots aura fini par envahir le sport professionnel, le grand public n’étant plus tant intéressé par les prouesses physiques d’athlètes exceptionnels plus que par la violence et le chaos régnant au milieu du ring. Les boxeurs de la trempe de Charlie Kenton (Hugh Jackman) auront ainsi dû céder leur place à ces géants d’acier pouvant distribuer et encaisser un nombre de coups beaucoup plus imposant, et rendre le spectacle beaucoup plus brutal par la même occasion. Cette mascarade prendra évidemment davantage les traits d’un jeu vidéo grandeur nature que d’une discipline sportive alors que, dans les grands amphithéâtres comme dans les clubs undergrounds, les « entraîneurs » de ces automates dirigeront ces derniers aux abords de l’arène à l’aide d’une manette des plus sophistiquées ou par l’entremise de commandes vocales. Un milieu dans lequel tentera désespérément de s’imposer Charlie, mais avec très peu de succès. Les choses seront toutefois appelées à changer lorsque le protagoniste devra soudainement prendre soin de son fils de onze ans qu’il a très peu connu, Max (Dakota Goyo), suite à la mort de la mère biologique de ce dernier. La relation pour le moins tumultueuse que le duo entretiendra au départ prendra inévitablement du mieux à mesure que progressera le récit, en particulier après que Max ait déniché un robot nommé Atom dans un tas de ferrailles et que celui-ci ait prouvé contre toutes attentes qu’il était assez puissant pour sortir vainqueur d’une série d’affrontements.

Il sera évidemment assez difficile de se forger une opinion favorable de Charlie, lui qui nous sera présenté dès le départ comme un être profondément irresponsable prenant des décisions aussi douteuses que répréhensibles, telle accepter de concéder la garde légale de son enfant à la soeur de la défunte en échange d’une importante somme d’argent. Et comme c’est souvent le cas dans ce genre de récits, les premières traces d’une réelle maturité proviendront du personnage le moins âgé, qui apprendra à son paternel à mieux jouer ses cartes dans son domaine d’expertise, et surtout à chérir ce qu’il possède au lieu de continuellement abandonner tout ce qui l’entoure pour de simples questions monétaires. Charlie ressortira évidemment transformé de ce long périple sur la route, lui qui assimilera d’importantes leçons de vie et acquerra de belles valeurs humaines. Un voyage au cours duquel leur combattant, que l’on croyait incapable d’accomplir quoi que ce soit, finira d’autant plus par se hisser parmi les plus grandes stars du milieu. Nous ne pouvions certainement pas nous attendre à ce que le traitement réservé par Levy à cette relation florissante entre un père et son fils, avec qui ce dernier voudra ultimement rattraper le temps perdu, fasse dans la dentelle. Mais même si nous étions prêts à faire preuve de suffisamment de bonne volonté avant d’entamer le visionnement du présent exercice, le réalisateur en viendra malgré tout à malaxer sa guimauve jusqu’à la rendre si épaisse qu’elle finira inévitablement par nous faire frôler l’indigestion, y allant d’élans mélodramatiques qui alourdiront passablement un récit qui avait déjà tendance à s’étirer inutilement en longueur, ne se gênant d’ailleurs pas pour étaler une histoire aussi simplette au-delà de la marque des deux heures.

De voir Steven Spielberg agir ici à titre de producteur exécutif n’a en soi rien de vraiment surprenant. Cela  explique que ce périple au coeur de la science-fiction privilégie de nouveau le point de vue d’un enfant appelé à se comporter en adulte, lui qui se verra conférer la plus grande force de caractère, plutôt que celui d’un adulte qui, pour sa part, aurait dû savoir faire preuve d’un minimum de maturité depuis longtemps. Toutefois, à la réalisation, Levy ne possède définitivement pas le doigté du père du blockbuster moderne, n’arrivant jamais à insuffler la densité et les touches de nuance nécessaires à son oeuvre pour la rendre réellement significative, voire simplement mémorable. Ce qui ne veut pas dire que le cinéaste soit incapable d’orchestrer quelques moments d’une surprenante beauté esthétique (cette séquence d’ouverture où Charlie se dirigera vers une foire au soleil couchant, tirant le maximum de la direction photo de Mauro Fiore) et des séquences d’action réellement excitantes (un dernier combat livrant allègrement la marchandise). L’une des plus belles réussites de l’effort se situe  également dans la façon dont Levy parviendra à attribuer une certaine essence de même qu’une personnalité propre à un Atom pourtant inhabité, lui dont les actions dépendent, comme dans un jeu vidéo, de celles de l’individu dont il incarne l’extension. Le jeune Dakota Goyo tirera également son épingle du jeu en y allant d’une performance des plus surprenantes, alliant sagesse, candeur et détermination pour rendre son personnage aussi attachant que divertissant, et surtout jamais irritant. Ainsi, Real Steel propose bien une quantité non négligeable de moments qui atteignent la cible sans difficulté et qui sauront satisfaire les spectateurs de tous âges, mais dans un ensemble qui, lui, demeure on ne peut plus inégal.

La principale faiblesse de Real Steel est en soi de ne jamais être en mesure de présenter quelque chose sortant réellement des sentiers battus ou, à tout le moins, d’apprêter sa recette d’une manière un tant soit peu originale. Le film de Shawn Levy marche ainsi dans les traces de la plus récente mouture de The Karate Kid, qui était autrement plus convaincante d’ailleurs, tout en faisant comme tant de drames sportifs traditionnels l’ayant précédé en recopiant les grandes lignes du Rocky de John G. Avildsen, ou plus précisément du Rocky Balboa de Sylvester Stallone, qui en faisait tout autant. Le scénario de John Gatins revisite du coup la bonne vieille histoire de ces sous-estimés sortis des bas-fonds qui finiront par donner du fil à retordre à un champion que l’on croyait jusqu’alors invincible. Atom et ses entraîneurs, comme l’étalon italien, voire Homer Simpson dans un certain épisode de la populaire émission, reprendront alors cette bonne vieille stratégie de tenter d’encaisser un maximum de coups jusqu’à ce que leur adversaire ait déployé la quasi totalité de ses énergies. Le tout dans un univers futuriste dans lequel il sera de nouveau question d’un monopole exercé sur le divertissement sportif par les entreprises les plus riches d’une manière qui ne sera pas sans rappeler le discours tenu par le fameux Speed Racer de 2008. Nous parlons évidemment ici d’un film destiné à un public assez jeune et, à cet effet, Real Steel saura certainement satisfaire celui-ci tout en se permettant une finale dont les élans de joie ne dissimuleront jamais complètement les finalités d’un drame beaucoup plus important. Mais dans cette catégorie de productions familiales à grand déploiement, on appréciera toujours davantage la fable familiale beaucoup plus créative et colorée des frères Wachowski.
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Critique publiée le 13 octobre 2011.