DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Friday the 13th: The Final Chapter (1984)
Joseph Zito

Juré, craché

Par Laurence H. Collin
Nous sommes en 1984. Paramount Pictures entreprend alors quelque chose de totalement inusité : le studio annonce la soi-disant conclusion d’une série qui, entre ses mains, est à peu près l’équivalent d’une licence lui permettant d’imprimer des billets verts. Son équipage marque le grand retour du chef maquilleur Tom Savini, lui absent du volet précédent, pour donner un coup de main à l’achèvement de cette série dont la genèse a énormément bénéficié de sa contribution. « This is the one you’ve been screaming for », indique l’affiche du film. Les fans de Jason font de nouveau la file pour voir leur idole au grand écran, peut-être pour la toute dernière fois. Le maniaque à la machette allait-il être renvoyé parmi les morts pour de bon?

C’est bien dommage, mais à peu près le seul élément digne de mention de ce Final Chapter est un facteur dont la date d’expiration est dépassée depuis belle lurette. On fait ici référence à l’anticipation précédant la confrontation décisive entre l’ultime survivant et l’inéluctable machine à tuer. En sachant que, tel que promit par le titre de ce quatrième épisode, le sort de Jason Voorhees serait décidé devant nos yeux, tout ce qui précéderait l’affrontement tant attendu prendrait la forme d’amuse-gueule plutôt que de plat principal. Difficile alors de trancher à savoir si cette incarnation est « bonne » ou « mauvaise », même selon les standards propres à sa famille.

D’une part, le fait que le générique d’ouverture affiche le nom de Savini ne peut certainement pas nuire à l’ensemble. Sa simple présence remet les choses au clair par rapport à ce qu’un dévoué désire obtenir, et avec raison : le gore. Non, il ne s’agit pas de n’importe quel gore - on parle de celui rendu par les effets de Tom Savini, soit un gore détaillé, un gore dégoulinant, un gore de dynamite. L’une des dures réalités d’un amateur de « mauvais » films va comme suit : les mauvais films sont mal faits, et ce, souvent par des tâcherons qui ne causeront aucune étincelle de créativité pendant leurs heures de boulot. Dans plusieurs films d’horreur ou slashers de catégorie Z, et celui-ci n’est pas l’exception qui confirme la règle, l’un des seuls artisans s’investissant pleinement dans la cause du bon spectacle est le chef maquilleur. D’où la nécessité de reconnaître, même au détriment de pratiquement tout ce qui rend une oeuvre narrative potable, que le travail de Savini sur cette mouture en particulier s’avère de très bonne qualité.

Car oui, bon public, The Final Chapter est un slasher absolument fastidieux, fréquemment confus et désespérément en quête d’élan. S’il ne s’écrase pas de la même façon que son prédécesseur immédiat (spécialement en ce qui concerne les scènes de meurtres charnières), le film signé Joseph Zito n’en demeure pas moins approximatif et bâclé. Pour la première fois dans n’importe quel Friday the 13th, la plus qu’abondante nudité féminine renforce le sentiment que les images licencieuses ne font pas partie intégrante de la trame narrative autant qu’elles ne s’y retrouvent que dans le but de nous la faire oublier à tout prix. Est-il notable que The Final Chapter soit le chapitre de la série se rapprochant le plus du cinéma d’exploitation sous sa forme la moins diluée? Au spectateur d’en déterminer. Toujours est-il que, à ce stade, on ne pourrait rendre plus transparentes les fioritures obscènes tentant de dissimuler le creux gigantesque où récit, personnages et motivations s’entassent généralement.

Une fois de plus, seule une petite dizaine de minutes tirent de justesse l’ensemble des sables mouvants de l’imbécilité - du moins, juste assez pour qu’il puisse respirer, et à travers une seule narine. Peut-être que ce dernier acte, ayant probablement retenu jadis les fans fébriles de jeter leur popcorn à l’écran, aura même sauvé le futur de la franchise en procurant une bonne dose d’adrénaline tout juste avant le naufrage par excès de médiocrité. Encore une fois, la partie de chasse centrée autour de Jason et notre « Final Girl » (incluant ici un jeune garçon, joué avec conviction par un néanmoins très irritant Corey Feldman, pré-substances illicites) surprend par son impact. Vrai, son montage manque parfois de clarté et les déplacements de ses participants ne donnent pas dans la crédibilité, mais il serait de mauvaise foi de la priver de son statut de plus haletante dans la série.

Aurait-il fallu que Zito rate la cible précisément à l’instant où son audience n’attendait que de ressentir la trépidation viscérale ressentie lors d’un visionnement du premier ou du deuxième volet, Jason serait peut-être une icône reléguée aujourd’hui seulement à la première moitié des années 80. Ce ne fut pas le cas. The Final Chapter, pour toute sa torpeur, son manque d’imagination et ses tentatives gênantes de garder les postérieurs assis jusqu’à la grande finale, est parvenu à livrer la marchandise convoitée à la onzième heure. Du coup, la perspective d’un nouveau volet suivant le présumé dernier ne paraîtra plus si grotesque et hypocrite; les acheteurs en sont sortis satisfaits, pourquoi n’y retourneraient-ils pas? Il n’y a pas de raison pourquoi la Paramount aurait refusé une telle logique de répétition. Rendu à ce stade, il sera plutôt unanime d’admettre que ce manque de raison de ne pas se répéter emplit corps et âme l’entité qu’est Friday the 13th.
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Critique publiée le 31 août 2011.