DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Bridesmaids (2011)
Paul Feig

Kristen Wiig, tu es ma préférée!

Par Maxime Monast
En sortant de la projection de Bridesmaids, je me suis dirigé vers mon bar préféré. Ma serveuse habituelle était à son poste; une confidente pour plusieurs, mais pour moi une simple figure féminine qui me sert de l’alcool. Pour elle, je ne suis qu’un client, un visage qui se cache sporadiquement derrière un verre. Ma soirée fut bien arrosée, signifiant que « l’unique » verre que je m’étais promis fut clairement ignoré par plusieurs histoires d’amies, de connaissances ou même d’étrangers. Toute la soirée, j’étais incapable d’arrêter de penser à Kristen Wiig, l’actrice. Son sourire, son visage, ses cheveux, son corps… il est difficile de lui trouver un équivalent pour l’analyser. Je suis d’avis qu’elle est unique et, pour cette raison, je suis heureux.

C’est donc cette femme qui hanta ma soirée… seulement grâce à Bridesmaids de Paul Feig, dans lequel Annie (Wiig) doit s’occuper des festivités entourant le mariage de sa meilleure amie Lilian (Maya Rudolph). Entre les petites attaques d’une nouvelle comparse de Lilian (Helen, interprété par Rose Byrne) et sa vie amoureuse rocambolesque, Annie connaîtra un parcours pour le moins difficile. Mais si cette pensée devient si contagieuse, c’est que ce nouveau long métrage de la troupe de Judd Apatow (Feig étant l’un des créateurs de l’excellent Freaks & Geeks) ne fait que renforcer la puissance comique de Wiig. Coécrit par l’actrice de Saturday Night Live et Annie Mumolo, l’accent est mis avant tout ici sur la présence de l’actrice à l’écran alors que les meilleurs gags lui sont toujours réservés. Une astuce qui devient vite très évidente alors que le fil des événements n’est en soi qu’un prétexte pour sauter d’un lieu à l’autre, d’une blague à l’autre. La force du film n’est donc pas dans le récit ou dans les relations entre les personnages, mais plutôt dans les moments de pur délire que nous offrent ses six personnages féminins.

Depuis 2004, Judd Apatow semble dominer le monde de la comédie américaine avec un tollé de films tanguant de l’absurde au sérieux. Beaucoup d’entre eux sont facilement oubliables, tandis que d’autres sont de véritables bijoux. Comme vous avez pu le remarquer, votre rédacteur refuse de pointer du doigt Bridesmaids, de le caser dans une catégorie et de le contempler aux côtés du public hilare et de la critique dithyrambique. La réussite d’une telle oeuvre relève bien évidemment du subjectif : tout le monde ne rit pas des mêmes choses, c’est aussi simple que ça - et c’est probablement pourquoi Apatow est si apprécié une fois sur deux. Des répliques faciles déclencheront l’hystérie dans une salle, tandis qu’une petite remarque rapide titillera une minorité du public. Mais le résultat est toujours le même : l’ensemble fait rire. Une tâche dont s’acquitte admirablement Bridesmaids.

La prémisse est simple et le produit final est aussi prévisible que votre mets préféré d’une chaîne de restauration rapide. Une réalité peut-être trop frappante, mais néanmoins véridique. Car si Bridesmaids nous sert un gâteau composé des mêmes ingrédients ayant servi à concocter Forgetting Sarah Marshall, Superbad ou même Step Brothers, on nous promettait malgré tout un « film de filles » avec du mordant, sans le flafla qui repousse les hommes, un vrai coup de génie (surlignons le sarcasme). Une façon d’attirer deux publics, une tactique qui va surement payer lors du premier weekend au box-office. Seule particularité? Un nombre plus élevé de femmes à l’écran. Mis à part quelques observations assez croustillantes (un échange entre Wiig et l’excellente Rudolf (Saturday Night Live, Away We Go) sur les fellations qui semble assez juste), le film reprend les mêmes mécanismes qui ont propulsé les « R-Rated comedies » au sommet des titres les plus en demande. Plusieurs moments forts viennent nourrir ce petit projet. Évidemment, la performance de Wiig demeure la principale source d’affolement. Une scène en particulier à bord d’avion où elle déambule dans les allées après avoir mélangé scotch et médicaments témoigne de la puissance de son jeu comique. Ce qui la rend si attirante et mémorable, ce sont les différentes expressions qu’elle arbore : les sourires coquins, les multiples rires et les poses inusités.

Les trente premières minutes du film démarrent la machine avec une lenteur surprenante. L’univers de Bridesmaids, pourtant commun, ne semble pas être aussi limpide pour les deux scénaristes. Il faudra attendre le début des festivités pour voir le film enfin battre de ses propres ailes. Même si plusieurs blagues s’’avèrent mémorables, l’ensemble, voire l’atmosphère générale qui s’en dégage, est simplement plaisant. Un sourire constant, même lors des séquences particulièrement prévisibles entre deux futurs amoureux, s’affiche sur notre visage. Le sentiment est contagieux, puisque ces courts moments demeurent irrésistibles, et ce, malgré leur redondance. Une figure forte se révèlera en Melissa McCarthy qui, dans le rôle de Megan, s’accapare l’écran à chaque réplique. Son personnage, similaire de plusieurs façons à celui d’Alan Garner de The Hangover, va de pair avec l’approche très slapstick de Wiig. Le duo est puissant.

À un niveau purement technique, Bridesmaids laisse paraître plusieurs faiblesses, ou simples paresses, qui condamnent malheureusement trop souvent la comédie. Rares sont les exceptions où l’aspect visuel s’allie admirablement à l’humour : tous ne sont pas en mesure de proposer un travail aussi remarquable que celui de Janusz Kamiński pour Funny People. Ici, le directeur photo attitré de Wes Anderson, Robert D. Yeoman, se charge de ne pas déstabiliser les masses avec un traitement simpliste et peu inspiré. Une manière de filmer qui affectera particulièrement le rythme de l’oeuvre. Les séquences - et la simplicité de leur résolution (les solutions arrivent aussi rapidement que les problèmes), sont souvent décousues et ne s’intègrent pas toujours naturellement au récit, comme s’il ne s’agissait que d’une suite de scènes humoristiques. Cet aspect, souvent escamoté, rend au moins l’exercice toujours délirant. Faire en sorte que le public soit toujours trop occupé à rire, tel est le pari de Feig et Apatow.

Après plusieurs verres et un moment intime avec ma serveuse habituelle, le retour à la maison se passe plutôt bien. À l’image de ma soirée, Bridesmaids est rempli de petites habitudes qui me font sourire et me tiennent compagnie lorsque les choses vont mal. Pour l’instant, je suis satisfait.
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Critique publiée le 13 mai 2011.