Le bon, la brute et le truand
Par
Jean-François Vandeuren
Faster débute sur un gros plan de l’un des biceps de Dwayne Johnson. Ce dernier fait alors les cent pas à l’intérieur de sa minuscule cellule, visiblement impatient de recouvrer sa liberté après plusieurs années d’emprisonnement. Une fois à l’extérieur, l’individu se mettra à courir en direction d’une fourrière où quelqu’un aura eu l’amabilité de laisser un puissant bolide à sa disposition. Mais la voiture n’est pas la seule chose qu’il trouvera sur les lieux alors qu’il dénichera dans le coffre à gants la photo d’un homme, une série d’indications routières et un révolver. Au bout d’un long voyage, notre ex-détenu fera éruption dans un bureau et, à la vue de tous, tirera une balle dans la tête de l’employé figurant sur ladite photographie. C’est que notre homme est en mission, lui qui compte bien retrouver et éliminer tous les responsables de la mort de son frère. Évidemment, celui-ci sera aussitôt pris en chasse par les forces de l’ordre, représentées ici par un duo des plus improbables formé d’un vieux flic n’étant plus qu’à quelques jours de la retraite (évidemment), mais ayant de sérieux problèmes de dépendance à la drogue (Billy Bob Thornton), et de sa jeune coéquipière beaucoup plus compétente (Carla Gugino). Au même moment, un millionnaire devenu tueur à gages pour le simple plaisir de la chose (Olivier Jackson-Cohen) poursuivra lui aussi notre mystérieux vengeur après que la tête de ce dernier ait été mise à prix par un individu craignant vraisemblablement pour sa vie. Une proie idéale pour ce professionnel en constante recherche d’émotions fortes, lui qui se vantera d’ailleurs d’avoir « battu le yoga »…
Dès notre premier contact avec le protagoniste du présent exercice, nous comprenons que cet antihéros n’en a que faire de la subtilité et que ses méthodes seront violentes et on ne peut plus directes. L’homme voyagera ainsi à vive allure, d’une cible à une autre, dans le seul et unique but de se faire justice, même si cela signifie s’infiltrer dans un hôpital pour abattre un individu alors que ce dernier gît entre la vie et la mort sur une table d’opération. Le personnage principal nous sera d’ailleurs présenté comme un véritable ange de la mort, ses victimes sachant pertinemment ce qui les attend à la minute où elles l’apercevront. Une force brute ne pouvant être arrêtée, lui qui avait d’ailleurs déjà été déclaré mort peu de temps avant son incarcération. Le tout tandis que notre policier amoché cherchera à mettre de l’ordre dans sa vie et que notre tueur s’apprêtera à faire face à son plus grand défi à ce jour : le mariage, lui qui marquera l’occasion de façon assez modeste en tirant sur quelques bouteilles vides au milieu du désert en compagnie de sa douce moitié. Mais aussi idiot et simplet puisse-t-il être, c’est peut-être cette stupidité totalement assumée qui finit justement par faire la force - jusqu'à un certain point - du scénario des frères Joe et Tony Gayton. Car Faster demeure un film carburant exclusivement à l’adrénaline des poursuites de voitures, des éclaboussures de sang et des nombreuses fusillades qu’il met en scène. Une idée qui explique également pourquoi les trois principaux personnages ne sont identifiés ici que par des mots tels « Driver », « Cop » et « Killer ».
Évidemment, lorsque nous regardons sous le capot, il ne faut pas s’attendre ici à trouver l’engin le plus performant disponible sur le marché. Car après tout, Faster demeure un bolide de seconde main ayant sa part de vices cachés. Mais même s’il ne s’agit pas de la machine la mieux huilée, la plus étincelante, ou même la plus robuste, elle réussit à tout le moins à transporter ses passagers de la ligne de départ jusqu’au fil d’arrivée sans trop effectuer d’accrochages en cours de route. Pour une production de cet acabit, nous pouvons dire qu’elle accomplit au moins l’essentiel. La mise en scène de George Tillman Jr. (Notorious) n’est cependant pas toujours des plus convaincantes, proposant un travail juste assez musclé sans que celui-ci ne réussisse véritablement à s’imposer d’une quelconque façon. L’alternance entre les différentes pistes narratives du récit se fait également de façon plutôt maladroite, en plus de mettre parfois l’emphase sur certains éléments sans nécessairement leur apporter quelque chose de plus que lors de leur présentation initiale. Il faut dire que nous avons droit ici à un effort beaucoup plus apte à tourner ses faiblesses à son avantage qu’à mettre ses forces en valeur. Le tout dans un enrobage évidemment très énergique, lequel évite fort heureusement de sombrer dans la démesure comme c’est trop souvent le cas avec ce genre de projets. La présente aventure vibre néanmoins au rythme d’une sélection de pièces musicales particulièrement luxuriante, rassemblant l’inévitable « I Wanna Be Your Dog » des Stooges, un extrait du dernier album de The National, en plus de se permettre un clin d’oeil pour le moins inattendu au Big Lebowski des frères Coen.
L’intrigue de Faster s’avère, certes, des plus prévisibles alors que les pièces manquantes du casse-tête se retrouveront en notre possession de longues minutes avant leur apparition à l’écran. Mais autant le film de George Tillman Jr. semble toujours conscient de ses propres limites, autant il tente souvent d’en faire beaucoup trop, imposant notamment un discours à saveur religieux sur la nature de la vengeance dans lequel le film se noiera progressivement. Le cinéaste ira même jusqu’à afficher des références bibliques sur un téléphone cellulaire. C’est tout dire! Autrement, ce dernier réussit à ajouter un peu de chair autour de l’os en accordant juste assez d’importance à la composition éclatée de ses personnages pour les rendre intéressants. Pour un film d’action dont nous nous délectons avant tout de la désinvolture, des erreurs de mise en scène et des dialogues délicieusement mauvais, Faster remplit allègrement son mandat tout en se prévalant de certaines qualités. L’effort se situe ainsi à des miles de la débilité profonde d’un Crank sans toutefois réussir à se hisser au niveau d’un Taken. Faster tire également son épingle du jeu au niveau de l’interprétation, qui se révèle assez convaincante. Dwayne Johnson nous offre ainsi une autre bonne performance, lui qui aura fini par se défaire complètement du pseudonyme qu’il employait du temps qu’il était lutteur. Il faut dire que les traits sympathiques du héros lui auront permis de faire ses classes en touchant à un plus large éventail de rôles, contrairement à plusieurs de ses contemporains qui seront restés confinés dans le cinéma d’action de série B. C’est néanmoins dans la peau de ce genre de personnages qu’il demeure le plus efficace, lui qui devrait y penser deux fois avant de rejouer les fées des dents…
Critique publiée le 2 décembre 2010.