Une finale explosive!
Par
Jean-François Vandeuren
Ce qui est le plus impressionnant avec cet ô combien stimulant Sudden Death de Peter Hyams (le même Peter Hyams qui serait à l’origine quatre ans plus tard de cet affrontement ultime entre Arnold Schwarzenegger et Satan dans End of Days), c’est cette attention portée aux plus menus détails qui saura certainement ravir les amateurs de hockey, à défaut de rencontrer les exigences des fans d’action et de suspense, voire des cinéphiles en général. D’abord parce que l’équipe de création aura eu la brillante idée de recréer la finale de la coupe Stanley de 1992 entre les Pingouins de Pittsburgh et les Blackhawks de Chicago - à l’exception que les deux équipes n’auront pas eu besoin d’un septième match pour déterminer un gagnant dans la réalité. Ensuite, en prenant la peine d’utiliser le vrai nom des joueurs des deux formations de l’époque - l'ailier québécois Luc Robitaille fait d’ailleurs une apparition remarquée ici, lançant une réplique des plus mémorables en plus de compter le but le plus important de la rencontre. Et finalement, en donnant la chance aux commentateurs Mike Lange et Paul Steigerwald de faire leur boulot au grand écran. Si le choix des Blackhawks peut être perçu comme une décision purement fanatique (les Kings de Los Angeles étaient pressentis au départ pour représenter l’équipe visiteuse), celui des Pingouins, quant à lui, était absolument nécessaire. La raison en est fort simple : l’ancien Civic Arena était le seul amphithéâtre de la Ligue Nationale de Hockey à être muni d’un toit rétractable. Un atout essentiel pour le film de Hyams, puisqu’il offrira ultimement l’opportunité au personnage interprété par Jean-Claude Van Damme d’envoyer l’un de ses rivaux dans le tableau indicateur du complexe sportif, en plus de permettre à un hélicoptère de s’écraser lentement (très lentement) sur la surface de jeu.
La première version de ce Suspense en prolongation (de son délicieux titre francophone) était en soi bien différente de celle à laquelle nous avons finalement eu droit alors que son auteur, Randy Feldman (Tango & Cash), avait d’abord imaginé une comédie d’action. Nous aurions d’ailleurs pu croire que l’intention serait demeurée sensiblement la même lorsque le scénariste Gene Quintano (Police Academy 3 et 4) fut appelé en renfort pour mettre la dernière touche à la présente intrigue. Bien que le film de Peter Hyams réserve, certes, quelques moments d’hilarité (in)volontaires, le projet aura néanmoins fini par prendre une tournure beaucoup plus « sombre et dramatique », ne se gênant pas pour proposer quelques gros plans de morceaux de peau gravement brûlés ainsi que plusieurs séquences de bagarre tout ce qu’il ya de plus convenues pour le genre. Ici, Van Damme incarne Darren McCord, un ex-pompier qui, suite à un profond traumatisme, aura été contraint de quitter la profession avant de devenir responsable de la sécurité au Civic Arena. Pour faire plaisir à ses enfants, l’homme divorcé leur offrira des billets pour le dernier match de la finale de la coupe Stanley, joute à laquelle doit également assister le vice-président des États-Unis. Malheureusement pour tout ce beau monde, une bande de malfrats viendra gâcher les célébrations en prenant le politicien en otage et en réclamant une somme exorbitante en échange de sa libération. Si le gouvernement respecte les demandes des ravisseurs, l’homme d’état et tous les spectateurs présents à l’intérieur de l’aréna auront la vie sauve. Mais si les fonds ne sont pas transférés avant la fin de la troisième période, les brigands ne se gêneront pas pour faire sauter l’édifice. Prenant conscience de tout ce qui se trame sur son lieu de travail, notre héros tentera, avec un peu de chance, de trouver et de désamorcer les engins explosifs disposés un peu partout dans l’amphithéâtre.
Évidemment, tout dans le présent exercice nous ramène à l’excellent Die Hard de John McTiernan. À commencer par cette prise d’otages effectuée par un groupe de criminels endurcis mené par une tête forte (Powers Boothe) qui n’hésitera pas à faire feu sur des innocents pour avoir ce qu’il désire. Au centre de tout ce chaos, un représentant des forces de l’ordre qui, envers et contre tous, devra faire tout ce qui est en son pouvoir pour déjouer leurs plans à leur insu, et ainsi sauver la vie des milliers d’individus prisonniers de cet immense building, en particulier celle de ses deux progénitures (motivations personnelles prenant ici la place de la belle Holly de John McClane). Notre pompier sera même appelé à entrer en contact avec un agent afro-américain devant pour sa part gérer la crise de l’extérieur de l’amphithéâtre. Une notion avec laquelle jouera d’ailleurs Quintano afin de déjouer les attentes des cinéphiles qui auront reconnu la ressemblance entre les deux opus et de créer un revirement de situation on ne peut plus inattendu. Bref, pour l’originalité, on repassera. Mais même si Peter Hyams exploite en soi une formule des plus génériques, le réalisateur propose tout de même quelques bonnes idées en plus de faire preuve d’un certain savoir-faire derrière la caméra. On pense principalement à la façon dont il parvient à faire progresser son intrigue en utilisant le rythme effréné de la partie de hockey pour générer du suspense, mais aussi à la manière dont le personnage de Van Damme se retrouve bien souvent aux antipodes des rôles antérieurs de l’acteur et même de bon nombre des héros d’action de l’époque. Ce dernier sera du coup appelé à se défendre beaucoup plus qu’à se porter à l’attaque et à se servir de sa tête plutôt que de ses muscles. Ce qui n’est pas peu dire!
Sudden Death met donc en scène l’histoire d’une figure déchue se voyant offrir une chance unique de retrouver ses lettres de noblesse en affrontant une menace comme elle n’en avait sûrement jamais imaginée auparavant. Nous avons ainsi affaire à un film d’action typique du début des années 90, suivant à la lettre un schéma que plusieurs productions du genre avaient alors déjà copié à outrance, et ce, d’une façon parfois beaucoup plus inspirée. Peter Hyams et ses acolytes signent malgré tout un divertissement ayant juste assez de relief pour éviter les comparaisons avec la minceur d’une feuille de papier et dans lequel Van Damme réussit à exprimer convenablement le caractère torturé de son alter ego. Le tout tandis que notre esprit diabolique de service affichera un tempérament à la fois glacial, intraitable et plus grand que nature. Mais si l’effort ne propose en soi rien d’extraordinaire, ou même de particulièrement mémorable, au niveau de l’esthétique, de l’écriture ou de l’interprétation, Sudden Death tire tout de même son épingle du jeu à quelques occasions en assumant jusqu’à un certain point le ridicule de sa mise en situation. En ce sens, le premier adversaire auquel sera confronté Darren McCord - et qui le dominera jusqu’à sa mort inévitable - sera une femme déguisée en pingouin - seul vestige du scénario de Randy Feldman. Par la suite, alors qu’il cherchera un moyen de semer ses assaillants, le protagoniste ne trouvera rien de mieux que de se faire passer pour le gardien partant de l’équipe local. Une stratégie qui lui permettra à tout le moins d’effectuer un arrêt spectaculaire. Ainsi, si cette deuxième collaboration entre Hyams et la superstar belge - l'autre étant le Timecop de l’année précédente - n'est pas suffisamment convaincante pour passer à l’histoire et pas assez mauvaise pour aspirer au statut d’objet culte, elle a au moins le mérite de ne jamais trop se prendre au sérieux.
Critique publiée le 13 octobre 2010.