DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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High School (2010)
John Stalberg

Les bons ingrédients

Par Jean-François Vandeuren
Que ce soit au cinéma ou à la télévision, nous sommes tous déjà tombés au moins une fois dans notre vie sur une histoire dans laquelle les héros devaient déjouer les plans d’un antagoniste dont le but premier semblait être de faire passer un mauvais quart d’heure à tout le monde, et ce, pour aucune raison particulière. Vous savez, ces savants fous, ces militaires déchus et ces mégalomanes richissimes désirant anéantir le monde pour le simple plaisir de la chose… Un phénomène que nous pouvons généralement observer dans le cinéma d’action de série B, mais qui se prête également très bien au contexte d’une comédie adolescente. Nous nous rappelons tous, par exemple, du directeur Ed Rooney qui, dans l’on ne peut plus trépidant Ferris Bueller’s Day Off de John Hughes, décidait de prendre en chasse le personnage titre du film comme si faire l’école buissonnière était le pire crime qu’un homme puisse commettre. Nous avons affaire dans ce High School de l’Américain John Stalberg à un directeur d’école assez similaire à celui qu’interprétait Jeffrey Jones en 1986. En plus d’être roux et peu sympathiques, tous deux semblent avoir vécu une expérience suffisamment marquante qui les amena à prendre un malin plaisir à voir les étudiants placés sous leur supervision échouer. Dans ce cas-ci, notre valeureux pourvoyeur de discipline (Michael Chiklis) déclenchera une guerre sans merci contre la drogue après qu’une étudiante de son institution se soit présentée à un concours d’épellation sous l’influence de substances illicites. Le directeur soumettra alors l’ensemble de son corps étudiant à un test antidrogue en ayant la ferme intention d’expulser tout élève qui échouerait ledit examen. Deux adolescents seront toutefois bien déterminés à saboter l’initiative et à donner un tout autre sens au titre du présent exercice.

Nous ferons ainsi la connaissance d’Henry Burke (Matt Bush) et de Travis Breaux (Sean Marquette), deux amis d’enfance s’étant quelque peu perdus de vue après leur entrée au secondaire. L’un se trouvant à quelques notes parfaites d’une bourse d’étude du MIT, l’autre excellant dans l’art de se mettre dans de beaux draps et de consommer de la marijuana. Le problème, c’est que notre petit Einstein en devenir décida de fumer un joint pour la première fois de son existence la veille de l’inspection. Un « écart de conduite » qui pourrait bien mettre en péril un avenir pourtant tout ce qu’il y a de plus prometteur. Breaux aura toutefois l’excellente idée de profiter de la vente annuelle de pâtisseries devant avoir lieu le même jour pour plonger l’école en entier dans un état second. Le tout en remplaçant les gâteries cuisinées avec amour par les mères de la communauté par des brownies bourrés d’une drogue spéciale dérobée plus tôt à un dealer local (Adrien Brody). Nous pouvons évidemment deviner quelles avenues empruntera le scénario de John Stalberg, Erik Linthorst et Stephen Susco à partir de ce moment. Nos deux antihéros déclencheront une pagaille sans précédent entre les murs de ce lieu d’apprentissage, eux qui devront ensuite trouver un moyen d’effacer toutes traces de leurs manigances et de faire la paix avec un criminel psychologiquement instable. L’objectif premier des trois scénaristes sera en soi de revisiter avec assez d’ingéniosité les bases d’un cinéma nous offrant de plus en plus rarement des productions de qualité, voire simplement stimulantes. Un défi que relèvera le trio en ne cherchant pas forcément à aller à contre-courant des thèmes et des conventions des sous-genres cités, mais en misant plutôt sur l’efficacité d’un récit menant étonnamment à plusieurs moments de franche rigolade.

Stalberg et ses acolytes réussiront ainsi à prouver qu’ils ont plus d’un tour dans leur sac en exploitant au maximum les nombreuses possibilités de leur scénario, qui était déjà une source débordante de situations délirantes à la base. Le plus surprenant par contre, c’est que High School ne cherche aucunement à se tenir dans les bas fonds de la comédie, comme c’est généralement le cas avec ce genre d’entreprises, évitant ainsi de sombrer dans un humour de fond de bécosse ou inutilement cabotin. À l’opposé, le trio misera judicieusement sur divers effets de répétition ainsi qu’une pléthore de dialogues savoureux pour proposer une expérience comique qui, à défaut d’être un modèle de raffinement et de subtilité, aura néanmoins été orchestrée avec intelligence et bon goût. Mais le coeur de High School demeure ses personnages et à ce niveau, Stalberg aura pu compter sur une distribution des plus enjouées dont le fer de lance se veut évidemment un Adrien Brody dans une forme absolument spectaculaire dans la peau de ce « cultivateur » entretenant une bien drôle de relation avec son environnement et sa grenouille. Bien que nos deux « héros » forment en soi un duo assez typique de l’élève modèle et coincé et du jeune fauteur de trouble, High School parvient tout de même à trouver un juste milieu dans la personnalité des deux individus pour ne jamais en faire que de simples caricatures. Il s’agit d’ailleurs là d’une carte que jouera habilement le réalisateur en offrant une vision d’ensemble, certes, quelque peu exagérée, mais en aucun cas dénaturée. Ce dernier fait d’autant plus preuve d’un sens du rythme pour le moins impressionnant qui ne fait qu’ajouter à l’efficacité des séquences à caractère humoristique, voire du récit en général.

Cela prenait tout de même un certain courage pour entreprendre la production d’un film mélangeant deux des genres cinématographiques les plus ridiculisés tout en ayant le culot de proposer un rôle à un acteur de la trempe d’Adrien Brody. En voyant ce dernier accepter une telle invitation, nous ne pouvions que présumer que Stalberg et ses complices avaient su créer un mélange suffisamment alléchant pour être digne d’intérêt. Et c’est bel et bien le cas. La trame narrative de High School se révèle évidemment tout ce qu’il y a de plus classique. Les deux protagonistes finiront ainsi par tirer une belle leçon de vie l’un de l’autre, à savoir qu’il y a des moments où il faut savoir faire preuve de rigueur, mais que la vie n’est pas à prendre à ce point au sérieux pour autant. Stalberg se démarque d’ailleurs de bon nombre de ses contemporains de par la façon particulièrement sincère, mais non moins extravagante, dont il traite l’ensemble des éléments de son film, qui n’est pas sans rappeler les meilleurs élans d’un certain John Hughes. Le scénario de High School est évidemment loin d’être parfait alors que plusieurs boucles seront bouclées de façon parfois précipitée, et même inconséquente. On pense à cette histoire d’harcèlement qui viendra soudainement sceller le destin de notre vilain directeur, ou à la naissance inespérée d’une histoire d’amour que les scénaristes avaient à peine effleurée auparavant - quoiqu'ici, c’est peut-être une bonne chose. Le fait que les auteurs du film conseillent eux-mêmes de voir le produit fini sous l’influence de certaines herbes aurait pu en dire long sur la qualité de cette énième comédie pour « stoners ». La bonne nouvelle, c’est que sans avoir affaire à rien de révolutionnaire, nous avons tout de même droit ici à une comédie remplissant amplement son mandat, avec ou sans l’aide de substances illicites.
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Critique publiée le 30 juillet 2010.