Super bling-bling
Par
Sophie Pomella
Le premier volet d’Iron Man, sorti en 2008, nous avait surpris et emballés par sa fraîcheur, son ironie et son sens de la répartie. Hélas, dans le deuxième épisode, on ne retrouve pas grand-chose de ce qui donnait sa saveur à ce super-héros décalé, inventif et qui ne se prenait jamais trop au sérieux. Flashback. Nous avons découvert dans le premier opus un Tony Stark outrancier, drôle et vulgaire ; toujours entrain de se moquer de lui-même et d’un type de capitalisme sans morale. Robert Downey Jr. y interprétait en effet une super star de la vente d’armes, patron d’une société héritée de son père mettant tout son génie scientifique au service de la guerre. Car malgré une certaine subtilité, on demeure face à un projet qui doit tout aux grosses ficelles hollywoodiennes et qui ne lésine pas sur le manichéisme primaire. Il y a donc la guerre d’un côté et la paix (ou plutôt la paix dans le monde) de l’autre. Mais Jon Favreau laissait tout de même de la place pour quelques scènes de développement jouissives qui contrastaient bien avec les diverses séquences de combat, des personnages secondaires bien dessinés (dont la délicatesse d’une Pepper Potts faussement ingénue et réellement amoureuse de son cynique employeur) et une certaine réflexion politique posant un regard plutôt intéressant, quoiqu’inhérent au genre, sur la mondialisation du pouvoir. Bref, nous étions heureux.
Le deuxième volet conserve quelques traits du premier, notamment un humour cinglant de plus en plus rare dans les films d’action, et nous présente un Iron Man blasé et mourant : la substance qui alimente son coeur artificiel se disperse dans son corps tel un poison le tuant à petit feu. Iron Man déprime. Iron Man s’en ficherait presque de récolter les fruits de la gloire et d’être le premier super-héros entièrement assumé qui n’aura pas eu besoin de se cacher derrière la modestie sûrement suspecte d’un Batman ou d’un Spider-Man. Car Iron Man incarne la réussite moderne, allant même jusqu’à se revendiquer comme le premier homme ayant réussi à « privatiser la paix dans le monde ». Encore elle.
Dans cet épisode, Tony Stark doit se battre contre tout (un ennemi revanchard possédant la même technologie que lui, un concurrent tout aussi mégalomane, et un état jaloux de la place qu’il occupe dans le coeur du peuple), mais surtout contre lui-même et ses penchants autodestructeurs. Si l’on retrouve bien ici quelques ingrédients ayant fait l’originalité de la « série », à savoir un savoureux mélange de comédie plutôt sophistiquée et de film d’action rempli de scènes de baston et d’images de synthèse, cette suite manque néanmoins cruellement de piquant et peine à démarrer. Là où l’intrigue nous engageait dès les premières minutes dans le premier volume, elle nous laisse ici frustrés et nous plonge dans un ennui profond. Le profil comico-burlesque de Stark semble délavé et les douces vacheries du duo qu’il forme avec Pepper oubliées. Robert Downey Jr. demeure tout de même excellent en super-héros super star se réfugiant dans l’alcool et se donnant en spectacle, ivre et ridicule, en se trémoussant dans son armure lors d’une fête organisée à son domicile.Il ne reste que le bling-bling des montres et des voitures et le gling-gling des armes contre les armures.
L’une des seules réjouissances serait l’apparition de Mickey Rourke en méchant à face de catcheur tout droit sorti de The Wrestler, assez drôle (au second degré!) dans le rôle d’un Russe en proie à la vengeance et voulant à tout prix la peau d’un Tony Stark monté tellement haut qu’il ne peut à présent que redescendre. Hélas, le reste de la distribution n’est pas à la hauteur. Sam Rockwell exaspère en obsédé de la destruction (il veut être le leader mondial en matière de vente d’armes), même si son personnage permet de conserver l’une des données de départ : la guerre de demain (d’aujourd’hui peut-être) sera industrielle ou ne sera pas. La scène où il présente son nouvel arsenal lors d’un gigantesque spectacle devant un public en délire demeure néanmoins fascinante et donne froid dans le dos. Don Cheadle ne convainc pas non plus en reprenant le personnage du Lieutenant James Rhodes et Scarlett Johansson semble totalement sous-exploitée dans son rôle de super assistante à décolleté. La seule et très brève séquence d’action dans laquelle elle apparaît laisse pourtant imaginer certaines aptitudes de la comédienne pour les rôles sportifs.
Les références aux « comics » sont moins nombreuses et moins subtiles et le scénario peine par son manque de souffle et d’innovation. Il n’y a pas vraiment d’intrigue globale, mais de courtes scènes qui aboutissent plus ou moins à quelque chose de compréhensible pour le public. La scène de combat finale entre Iron man et War Machine (car le Lieutenant Rhodes a désormais lui aussi son armure) et les robots guerriers ennuie de par son manque de rythme et de suspense, comme si la mise en scène passait « à côté de l’action ». Le film nous semble alors bancal, comme pris entre deux désirs qu’il n’arrive jamais à conjuguer, soit l’action et la comédie. L’humour qui surgit à de mauvais moments coupe l’excitation du spectateur et fait tomber à plat toute tentative de nous faire rire. Le thème de la filiation et de l’héritage y est traité de manière lourde et totalement banale, rapprochant de façon trop évidente l’homme de fer de ses congénères homme chauve-souris et autres. Le tout jusqu’à sombrer dans le ridicule niaiseux lors d’une séquence vue et revue au cinéma : Tony Stark, qui vit dans l’ombre de son père, retrouve un film tourné durant son enfance dans lequel ils apparaissent tous les deux. Il tombe alors sur une séquence de nostalgie mélodramatique où son géniteur s’adresse à lui, face à la caméra, dans un message posthume et salutaire.
Malgré une réalisation soignée, les bons sentiments et la faiblesse du scénario font définitivement basculer Iron Man 2 vers le mauvais film d’action et la triste fatalité des « suites » qui ne sont souvent que la pale copie des épisodes antérieurs ayant, pour leur part, hérité de toutes les idées des scénaristes, de l’énergie du réalisateur et de la motivation des comédiens. Le présent effort échoue là où le précédent avait réussi : Iron man 2 manque d’un fil conducteur et accumule les scénettes sans apporter de sens à l’histoire, ni donner vie à ses personnages. Dans le monde des super-héros, il n’est pas jamais bon de vivre sur ses acquis, au risque de perdre ses admirateurs. Les hommes bioniques ont besoin de prendre des risques, les cinéastes aussi.
Critique publiée le 1er juin 2010.