Star Wars: The Clone Wars (2008)
Dave Filoni
Encore un clone
Par
Mathieu Li-Goyette
La saga Star Wars est à la fois synonyme de grandeur immémoriale chez certains et chez d’autres, la trahison impardonnable de son créateur rongé par l’avarice. Chose certaine, les vrombissements de Darth Vader et les combats inter-galactiques de l’Étoile Noire symbolisent le summum d’une pop culture américaine de la consommation; arme redoutable s’étant attaqué tour à tour aux figurines, aux boîtes à lunch et aux bonbons, quitte à renaître au moins une fois l’année pour l’occasion de l’Halloween. Vous l’aurez compris, parler du phénomène Star Wars, trois ans après l’arrivée du dernier épisode, c’est replonger dans les souvenirs douloureux d’un amour sacro-saint qui s’est amèrement terminé en procession de divorce. Maintenant que le grand-prêtre Lucas, au nom des fans, de la Force et du dollar remet en marche le bébé artificiel qu’il semble allaiter depuis 30 ans déjà, la parution d’une nouvelle série télé animée (qui annonce la mise en chantier d'une série incarnée par des êtres de chair) lancée par le présent film de La Guerre des Clones a tout pour inquiéter le plus convaincu des adorateurs et rebuter comme la peste les pires incultes du sujet.
Et pourtant, la réputation qu’il s’est mérité faute d'une campagne de marketing bizarrement éclipsée par les autres gros succès de l’heure n’est peut-être due en fait qu’au comeback décevant d'Indiana Jones ou plutôt au public blasé auprès duquel l’hameçon des sabres-lasers n’a plus l’effet escompté; la Force seule le sait. Développé depuis la fin du dernier volet, The Clone Wars s’échelonne quelque part entre la 1ère et la 2e saison de la série de dessins animés du même nom (la fameuse « campagne publicitaire » qui faisait saliver les plus impatients en attendant La Revanche des Siths). Dave Filoni (animateur réputé pour sa participation à la sérieAvatar: The Last Airbender) en compagnie de Lucas dans la chaise du producteur exécutif ont donc façonné cet épisode « 2.5 » en reprenant le nouvel apprenti du vieillot comte Dooku, Asajj Ventress, aparue précédemment comme la rivale parfaite d’Anakin dans les plans du futur empereur (Sidious/Palpatine). Assassin sans pitié qui mène les forces restantes de la Fédération Commerciale et ses alliées, Ventress se cache derrière l’enlèvement étrange du fils de Jabba le Hutt, maintenant persuadé par une fausse pièce à conviction que l’Ordre Jedi serait derrière l’enlèvement. Uniques chevaliers jedi prêts à être déployés, Obi-Wan et Anakin sont dépêchés immédiatement avec Ahsoka Tano (nouvelle apprentie padawan de ce dernier) pour sauver le rejeton de Jabba tout en démasquant la conspiration, en rétablissant la paix dans l’anneau extérieur de la galaxie… mais surtout en mettant les pièces de jeu pour la prochaine série hebdomadaire.
Mise à part la trame événementielle qui sonne, et c’est pour dire, « télévisuelle », Clone Warsnous ramène en terrain connu avec tout le plaisir que cela implique pour les amateurs et les détracteurs de planètes inconnues et d'extra-terrestres innombrables. En effet, ces combats spatiaux, à l’épée, au canon, à la ruse, à la Force, bref, tous les moyens sont bons pour refaire l’inventaire des personnages que l’on se plaît de retrouver sur grand écran, loin des romans supplémentaires de la série ou des jeux vidéo où LucasArts ne semble souvent que trop actif. L’animation est découpée au scalpel, sans texture, mais aussi sans défaut. Elle est celle d’une perfection, d’un but à atteindre dans son domaine infographique (iconigraphique?). C'est une certaine falsification de la beauté, de l’harmonie des lignes. Les visages sont déformés, rectilignes, mais colorés dans un pastel complet qui rappelle une transposition bédéiste des œuvres du Pop Art tout en visant la précision utopique d'un univers qui l'est tout autant chez les croyants du culte. Plus encore, déplacements de plans, usage des flous, signature des transitions, des dialogues, Clone Wars retourne chercher les meilleurs aspects de l’hexalogie pour fonder son potentiel cinématographique qui n’est pourtant pas négligeable (rappelons l’immensité de treize heures dans lesquelles les créateurs peuvent se permettre de piger).
Exercice de [ré]animation agréable, cette ouverture (assumée, plus que jamais) au monde de l’enfance reconstitue ce qu’aurait dû être le Jar Jar Binks de la deuxième génération. La petite boule gluante qu’est le fils du Hutt, les dialogues ricaneurs entre Ahsoka et Anakin et puis les répliques (parfois trop embêtantes pour les plus vieux) des androïdes sont des ingrédients qui plairont à la nouvelle génération de cinéphiles, qui tombera à son tour probablement sous le charme de cet univers. Pour les autres, il convient de mentionner que ce dernier-né de chez Lucasfilm fait enfin la part des choses entre divertissement enfantin et développement de l’intrigue. Anakin devenu chevalier jedi, c’est Ahsoka qui prendra cette fois-ci le rôle de l’apprentie insouciante confrontée aux décisions de son maître qui garde toujours les traces de la mort tragique de sa mère. Bien plus intéressant ainsi que les séries animées précédentes qui relevaient bien plus de l’anecdote belliqueuse et péniblement caricaturale par moments, Clone Wars est la version définitive (et pourtant inspirée sur bien des points) de la courte série d’épisodes de cinq, dix ou quinze minutes des trois saisons respectivement.
Loin d’être surprenante, c'est une remise à neuf qui bénéficie d’un tic de son penseur à se défendre d’être toujours capable d’améliorer ses films, de les peaufiner visuellement, narrativement, et… numériquement. L’exercice technologique qu’il nous présente cette fois-ci (en attendant la restauration 3-D des anciens volets), cartoon de style vidéo-clip, est une surprise en son genre, sans oublier l’équipe technique et le réalisateur Filoni (apparemment talentueux) avec qui l’avenir d’une suite ne devrait pas se faire trop attendre. Très loin d’être parfait tout au long de son heure et demie de durée, plusieurs décisions comme l’usage d’une nouvelle partition parfois jazz, parfois rock, au sein de l'action fait perdre beaucoup de plumes à sa capacité de soulever d'anciennes émotions. John Williams, pourtant grand artisan des thèmes de la série, n'y brille que dans des moments glorieux difficiles à digérer qui font alors passer plusieurs scènes dans une langueur près de celle de La Menace Fantôme et sa suite, premiers épisodes du récit-fleuve qui font toujours office de minimum garanti en terme de qualité. Rendons à César ce qui est à César, la surprise provoquée par la sortie d’un énième film de Star Wars, dans cette pluie redondante de suites que l’on doit affronter, est une excellente manière de remettre les pendules à l’heure et de prouver la supériorité inhérente d’un univers riche, mais enfant-martyr d’une génération gavée aux super-héros et aux automobiles modifiés. Bravo M. Lucas, vous êtes sans doute un parent encore assez prudent et consciencieux pour convaincre votre enfant-unique, produit d’un tiers de siècle, à demeurer dans votre Skywalker Ranch, pays imaginaire d’un rêve devenu 100% numérique. 100% artificiel.
Critique publiée le 29 août 2008.