L’organisation du Canadien de Montréal aura vu les choses en grand pour célébrer le centième anniversaire de la Sainte-Flanelle. La métropole aura ainsi eu le privilège de présenter le match des étoiles et la séance de repêchage amateur au cours de la même année, en plus d’être le théâtre d’une foule d’activités commémoratives qui auront su faire la joie et le bonheur des nombreux partisans. Le plan quinquennal mis sur pied par le directeur général Bob Gainey avait même pour ultime objectif de ramener la Coupe Stanley en sol montréalais pour une vingt-cinquième fois, après une disette de plus de seize ans. Pour couronner le tout, les dirigeants de la formation se sont permis d’engager le réalisateur Sylvain Archambault et le scénariste Jacques Savoie dans le but d’immortaliser la riche histoire de la concession au grand écran. Évidemment, nous connaissons tous à présent la façon pitoyable dont les choses se sont déroulées. L’édition 2008-2009 du Tricolore aura connu une fin de saison désastreuse, se taillant de peine et de misère une place en séries éliminatoires avant de se faire sortir d’une manière on ne peut plus expéditive par ses éternels rivaux du Massachussetts. La saison estivale aura ensuite été particulièrement chargée pour Gainey qui aura changé complètement le visage de son club en décidant de ne pas offrir de nouveaux contrats à onze de ses hockeyeurs. Une série d’échecs qui compliquent évidemment la donne de cette production dont les héros évoluent à présent à des miles du Centre Bell. De leur côté, Archambault et Savoie auraient sûrement aimé pouvoir livrer un portrait un peu plus réjouissant de la dernière saison sans que le tout ne semble arrangé avec le gars des vues. Et pourtant, nous sommes bien loin ici du véritable problème de ce bordel cinématographique qui, en plus de ne faire souvent aucun sens, échoue lamentablement la seule mission qui lui a été confiée.
Dans la province de Québec, il y a deux institutions qui, pour des raisons évidemment fort différentes, n’ont aucunement besoin du moindre battage publicitaire : Hydro-Québec et le Club de hockey Canadien. Et c’est pourtant ce qui se cache en réalité sous cette production arborant l’horrible titre « Pour toujours les Canadiens ». Cela explique en soi que la barre du projet ait été confiée à un réalisateur ayant principalement oeuvré dans le domaine de la publicité, lui qui nous propose ici un premier long-métrage après une carrière particulièrement fructueuse au petit écran. Tous les mécanismes employés par Sylvain Archambault servent d’ailleurs unilatéralement à vendre et à (re)dorer l’image d’une organisation qui, selon son film, ne connaît que des hauts. Dans cette bouillie indigeste débordant de bonnes intentions et de bons sentiments, nous serons introduits à un jeune hockeyeur venant de joindre les rangs d’une nouvelle équipe en banlieue de Montréal. Une période d’adaptation qui se révélera des plus difficiles alors qu’il devra jongler avec la relation tumultueuse qu’il entretient avec certains de ses nouveaux coéquipiers, en plus de vivre un inévitable conflit avec son père - qu'il décrira comme une figure absente, même si la majorité des scènes dans lesquelles ce dernier apparaît se déroulent à l’intérieur du domicile familial. La mère de l’adolescent, infirmière à Sainte-Justine, devra quant à elle s’occuper d’un bambin souffrant d’une insuffisance rénale. Beaucoup plus un « drame d’hôpital » qu’un film sportif à proprement parler, Pour toujours les Canadiens s’articule essentiellement autour de l’histoire de ce jeune partisan du Tricolore à la recherche d’un donneur. Dans la foulée, le jeune hockeyeur au comportement trouble s’éprendra d’amitié pour le garçon, lui qui assimilera entretemps cette importante leçon dictant que les meilleurs joueurs ne sont pas seulement grands sur la patinoire…
Évidemment, le tout servira éventuellement à souligner l’implication de la formation montréalaise auprès des enfants malades. Le problème, c’est que cette initiative beaucoup trop longue et fastidieuse finit par s’accaparer une bonne partie du temps d’écran qui aurait dû normalement revenir au vrai sujet du film : le hockey. Il faut dire que Jacques Savoie a aussi énormément de difficulté à développer les enjeux dramatiques de son récit. Les pistes narratives mises sur pied par ce dernier sont en ce sens truffées d’ellipses qui rendent celles-ci complètement invraisemblables alors qu’il était déjà assez difficile d’y vouer ne serait-ce qu’un tant soit peu d’intérêt. C’est le cas notamment du parcours de ce hockeyeur qui, sans la moindre progression apparente à l’écran, sera promu du jour au lendemain capitaine de son équipe. Des dialogues aberrants et une mise en situation digne des pires mélodrames témoignent également du manque total de naturel de cette entreprise dans laquelle s’imbriquent une pléthore d’images d’archives de façon aléatoire et terriblement maladroite. Il est évident que le présent effort a été conçu dans le but d’attirer le plus large public possible, en particulier chez les spectateurs en bas âge qui n’ont toujours pas eu la chance de voir leurs favoris aspirer aux grands honneurs. Mais à force de vouloir créer du drame à tout prix et de rendre chaque situation magique ou exceptionnelle, il finit par ne ressortir de cette exercice qu’une mise en scène artificielle, à la limite de l’insignifiance et, d’une certaine façon, malhonnête. La facture visuelle d’Archambault se vautre d’autant plus dans une panoplie d’effets de style aussi ridicules que gênants, telle cette interminable séquence dans laquelle deux garçons hospitalisés s’échangent de vieilles cartes de hockey tandis que celles-ci flottent autour d’eux, ou encore ces auréoles de lumière enveloppant la Coupe Stanley et les bannières des joueurs dont le chandail a été retiré.
Le grand oublié du film de Sylvain Archambault est en soi le fameux septième joueur de l’équipe : les partisans. Un oubli tout simplement impardonnable dans une ville qui « est hockey » et dont la population affiche des signes récurrents d’un comportement maniacodépressif que nous pouvons directement lier aux performances de ses Glorieux. Ce rassemblement et cet esprit de collectivité n’est illustré que par le biais de trois chauffeurs de taxi (dont deux immigrants - car le Canadien est aussi un formidable outil d’intégration sociale) alors que le reste du temps, hormis quelques séquences au Centre Bell, les matchs du Tricolore sont regardés de manière individuelle par les différents personnages. C’est à croire que personne n’a voulu lire ou corriger les écrits de Jacques Savoie avant que ne s’amorce le tournage tellement les trous sont importants, et ce, autant d’un point de vue historique que scénaristique. Nous retrouvons au centre de cette catastrophe cinématographique, voire publicitaire, une distribution interprétant de peine et de misère des personnages unidimensionnels et décalés, parmi laquelle s’illustrent tout de même Claude Legault lors de ses trop brèves apparitions et Jean Lapointe, dont le personnage de sympathique chauffeur de zamboni collectionnant les vieilles reliques du « CH » forme en soi le meilleur élément du film. Autrement, les instigateurs de ce fiasco auraient eu avantage à s’inspirer du formidable La Mémoire des anges de Luc Bourdon en proposant plutôt un élégant collage d’images d’archives, lequel aurait été beaucoup plus logique et approprié vues les circonstances. Ainsi, Pour toujours les Canadiens se révèle un film bâclé qui, à l’opposé de son sujet, ne passera certainement pas à l’histoire. Un triste constat pour un effort devant mettre fin aux célébrations du centenaire de l’équipe et dans lequel nous pouvons à peine entendre un simple « Go Habs Go ».