DOSSIER : Le cinéma et ses conjurations
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Cœur fou, Le (1970)
Jean-Gabriel Albicocco

Cri du cœur

Par Jean-Marc Limoges
Voici le premier — et le seul — scénario signé par Albicocco. Ses quatre autres longs métrages étaient des adaptations des romans d’Honoré de Balzac, de Jacques Lanzmann, d’Alain-Fournier et de Christine de Rivoyre. Pour une fois — pour l’unique fois —, Albicocco ne puise pas le sujet de son long métrage dans une œuvre qui lui préexiste, mais en lui. En effet, il semblerait que ce film, qui l’aurait habité dès le lendemain de La fille aux yeux d’or et auquel il se serait plus sérieusement attelé pendant le tournage du Grand Meaulnes serait un film « autobiographique ». Il le dira lui-même : « Il était important pour moi […] de réaliser ce que l’on appelle un film d’auteur. Le seul fait de provoquer l’élaboration d’un scénario ne pouvait plus me satisfaire. Dans ce [film] j’ai mis une grande part de mes obsessions, de mes impulsions, de mes psychoses aussi. Depuis des années, cette histoire mûrissait en moi. » (UniFrance Film, n° 362)
 
L’élaboration du scénario s'est donc échelonnée sur cinq ans, entre 1961 et 1966, et a porté, avant de s’appeler définitivement Le cœur fou, plusieurs titres : L’homme seul, Le coup de lune, Brûle-Cœur… Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Il expliquera que si Le grand Meaulnes, son précédent film, avait été pour lui « l’assouvissement d’un rêve d’enfant », il lui a aussi donné « la possibilité de faire une carrière [et de se] libérer de certaines entraves financières ». Cette aisance lui aurait ainsi permis de réaliser un film qu’il « approuve sans réserve ». L’aveu est troublant : « J’ai désiré ce film comme d’autres femmes désirent un enfant pour qu’il soit le témoin d’une histoire d’amour. » (UniFrance Film, n° 362)

Que raconte donc ce film pour être si personnel ? Une histoire d’amour entre un photographe d’âge mûr et une jeune pyromane écervelée pour laquelle il plaquera tout afin de la suivre jusqu’au bout dans son délire. Bien qu’il s’agisse d’une œuvre originale, le scénario n’est pas sans rappeler la trame de ses précédentes adaptations. En effet, si Le cœur fou entretient des liens avec La fille aux yeux d’or en cela que « l’héroïne principale dans ce nouveau film, comme dans l’autre, est un être étrange, plein de fascination, et qui vit en marge de la morale traditionnelle » (UniFrance Film, n° 362), il entretient aussi quelques liens avec Le grand Meaulnes en cela que « l’un comme l’autre sont des films désespérés » (René Quinson, dans UniFrance Film). On pourrait  ajouter qu’il se rapproche du Rat d’Amérique et du Petit matin en cela que le personnage (homme ou femme) préféra, plutôt que de vivre seul et heureux, vivre malheureux mais en couple. Bref, Albicocco fait encore valoir l'amour absolu, en marge des conventions.


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Pour le rôle masculin, il envisage d’abord Maurice Ronet, acteur avec lequel il dit entretenir plusieurs affinités. Ce sera Michel Auclair, avec lequel il entretient quelques ressemblances physiques. Pour le rôle féminin, il « ne cache pas son enthousiasme pour Eva Swann » (René Quinson), la « comédienne qu’il porte le plus dans son cœur » (UniFrance Film, n° 418). Il avouera : « Le film a été écrit pour elle. Même s’il ne servait qu’à révéler cette extraordinaire comédienne, je m’estimerais heureux. En s’identifiant à Clo, elle a su trouver dans son extrême sensibilité des accents très rares pour une débutante. Il est toujours émouvant de voir naître ce qui sera un jour une grande comédienne. Elle s’est imposée à nous tous, parce que la rigueur de ses actes nous déconcertait… son goût de la vérité lui donne sa force. » (26 mai 1970) Il ajoutera qu’« on ne peut la comparer à personne », qu’elle a « un talent immense, une infinie tendresse dans le regard, des qualités de cœur », qu’« il s’agit d’une femme, d’une vraie », qu’« elle est le symbole de la féminité ». Bref, confie-t-il, « je pourrais tourner d’affilée dix films avec elle, car la femme que j’aime ou que je déteste lui ressemble[.] Comment voulez-vous réaliser un film sans être amoureux de l’héroïne ? » (UniFrance Film, n° 362)

Un autre document nous permet d’adopter le point de vue de la comédienne : « Je m’appelle Ewa depuis que j’ai rencontré Jean-Gabriel Albicocco. Avant je m’appelais Melvina. Gabriel disait que ce prénom ne pouvait convenir qu’à une sorcière ou une tireuse de cartes. » (UniFrance, n° 392) Puis, abordant son personnage, elle apporte quelques précisions d’un grand intérêt : « Les états d’âme de Clo basculent au dixième de seconde. Elle oscille toujours entre le rire et les larmes. Elle est toujours en déséquilibre. Chaque caprice non satisfait débouche sur le désespoir. La plupart des scènes commencent sur le ton de la comédie et s’achèvent aux frontières de l’hystérie. » (26 mai 1970)
 
Développant ailleurs sur son expérience, elle ajoutera que « le tournage a été souvent difficile, parfois même dur […] parce que nous commencions souvent au lever du soleil, ce qui suppose qu’on se lève à trois heures et demie du matin ». Elle racontera aussi cette anecdote : « Pendant une scène avec Michel Auclair, je reçois une paire de gifles puis je bascule à la renverse dans un fossé. Nous avons tourné la scène plusieurs fois. J’ai eu une vertèbre démise et j’ai dû passer deux jours en observation. J’ai repris le tournage pendant une séquence où flambe une maison. La chaleur était terrifiante. Je me suis évanouie. Je suis restée inconsciente vingt minutes. » En effet, « le film compte trois séquences d’incendie qui ont été difficile à réaliser ». Albi « avait fait reconstituer par le décorateur la lingerie d’une clinique psychiatrique en pleine campagne pour l’incendier. Pendant le tournage, le décor était cerné d’ambulances toutes portières ouvertes, de deux médecins, d’un cordon serré de pompiers, de couvertures mouillées. » Ewa Swann conclura non sans un brin d’humour : il fallait faire « le tout… en “une seule” prise. Le brasier devait tout dévorer : il a parfaitement joué son rôle. » (UniFrance Film, n° 383).

On apprend enfin qu’Albicocco « procédait au montage du film pendant le tournage. C’est-à-dire que plusieurs fois par semaine, il passait la nuit à Paris et reprenait sa place à l’aube avec nous. Il dormait peu. Nous étions tous inquiets mais il a tenu bon. » (UniFrance Film, n° 383)


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Dans une discussion suivant la projection, reprise par Gilbert Picard dans le Paris-Jour du mercredi 22 avril 1970, Jean-Gabriel Albicocco offre quelques réponses nous permettant de comprendre le but poursuivi par son film. On y apprend que s’il a choisi la folie comme thème, il n’a toutefois pas voulu faire un film sur la folie, mais plutôt un film sur l’amour : « L’amour exprimé dans Le cœur fou est exceptionnel. Ceux qui l’éprouvent paraissent anormaux. D’où le titre… » Il avoue aussi, du même souffle, avoir également tenté une critique de la société, et notamment du système de santé français : « Il y a effectivement une attaque très directe contre les cliniques modernes où se rendent les célébrités. En réalité, elles se font plus cajoler que soigner. Avec la société, on peut toujours jouer le double jeu. »

En somme, serions-nous à même d’affirmer, le film oscillerait entre une critique sociale et un délire poétique. Au centre de ces deux pôles, les « obsessions », les « impulsions » et les « psychoses » du réalisateur. Cette critique sociale, cette amertume envers la société et ses diktats, on en trouve la trace la plus éloquente, en fait, non dans le portrait de l’univers clinique, mais dans celui qui est fait des journalistes de la presse à scandale, dont il aurait peut-être lui-même été victime pendant sa relation avec Marie Laforêt. Dès le générique, d’incessants clics d’appareil photo morcellent et figent le nom des acteurs et des artisans du film sur fond de vert pâturage. Une musique sourde, mais omniprésente, donne à cet extérieur bucolique un aspect vaguement inquiétant, oppressant. L’incessant bourdonnement d’un essaim de mouches parasite aussi l’air. Le « statement » d’Albi ne saurait être plus clair : nous nous plaçons ici manifestement du point de vue des paparazzi, véritables « mouches à merde », attroupés autour de ce que l’on pourrait deviner être un cadavre en putréfaction (qui reposerait hors-champ), mitraillant la scène « au ras des pâquerettes ». La critique, qui ne laisse aucun doute, est virulente, sans nuance.


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Serge Menessier (Michel Auclair) débarque de sa jeep rouge, franchit les clôtures d’un asile psychiatrique et tente d’y retrouver son ex-femme (Madeleine Robinson), qui vient d’y être internée. Les dialogues défilent à vive allure, sont chargés d’informations importantes, exigent une grande concentration. Menessier a entretenu, il y a vingt ans, une relation avec l’actrice, avant qu’elle ne devienne la star qu’il a lui-même contribué à former : il aurait « commis l’erreur » d’en devenir amoureux. Il est, depuis, remarié et père de deux enfants. Mais il est, une fois de plus, en instance de divorce. Sa femme, Cécile (Brigitte Auber), s’est acoquinée avec son ami d’enfance, Georges (Jean-Claude Michel), relation qu’il vit pour sa part très bien. À l’époque victime des paparazzi, le voici donc, vingt ans plus tard, jouant le rôle du bourreau, du tortionnaire, du harceleur, réduit à traquer les malheurs de son ex-femme pour sustenter la presse à grand tirage.
 
Dans cette scène d’ouverture boostée aux stéroïdes, une dizaine de photographes qui sortent de la forêt comme de rampants rapaces — cette même forêt où Meaulnes découvrait le Domaine mystérieux recèle aussi une infecte vermine — échangent à vive allure les répliques qui nous permettent de reconstituer le passé trouble de notre anti-héros, dans une charge anti-paparazzi qui est aussi une charge anti-star. À Marc Jordan (Marc Michel), nouvelle vedette masculine montante, qui descend de sa rutilante voiture pour reprendre Clara Noël des mains des psychiatres, les journalistes demandent de leur confirmer qu’il doit bel et bien sa popularité à l’actrice et de les rassurer quant à la suite : « l’hospitalisation de Clara Noël nuira-t-elle à votre carrière ? » Tout n’est qu’apparat, standing, visibilité. 
 
Mais la critique du monde du showbiz s’arrêtera là et laissera ensuite place à ce qui a tout l’air d’une auto-critique. Serge réussira à pénétrer dans la chambre où son ex-femme, victime d’une solide dépression, est tenue enfermée. Cependant, alors qu’il s’imaginait la piéger, prendre quelques clichés, puis repartir dare-dare, le voilà lui-même pris au piège, devant subir les admonestations de la vieille folle qui lui entame un procès, l’accusant d’être « un minable… un moins que rien… », bref, un pauvre type qu’elle aurait, dès le début de leur relation, et à son insu, trompé à tire-larigot. Clara pète les plombs, lance ses couteaux très bas et Serge en prend plein la gueule. Les gros plans serrés sur la sienne permettent alors d’étoffer l’hypothèse de l’auto-critique. Qu’Albi meurt pour qu’Albi vive.


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La critique s’élargira ensuite, quand Menessier, déconfit, quittera la furie. Il rencontrera Clo (Ewa Swann), dans le parc de l’asile, une jeune et naïve pyromane en brûlant manque d’affection. Elle lui quête une clope. Elle craque une allumette, et lui, pour elle. Se disant jalouse de l’attention que l’on accorde à cette vieille toquée, elle statue : « Il faut être malade pour qu’on t’aime, mais moi j’suis pas malade, j’ai besoin qu’on m’aime un peu c’est tout. » Son ingénuité, sa fragilité, son intensité fascinent Serge qui tente d’approcher ce petit animal rétif. Pour l’apprivoiser et créer une connivence, il ne trouvera d’autres répliques que celle-ci : « J’aime pas les flics, j’aime pas les chiens… j’aime ni les toubibs ni les avocats… » Le dernier clou est enfoncé. Albi s’en prend, non seulement au star-système, mais à la société en général, à tous ceux qui nous disent quoi faire, quand le faire et comment le faire. À la fin de la trentième minute, s’enfuyant avec sa nouvelle flamme sur un train qui les mène ailleurs, il se défera de son alliance — dernière chaîne qui le lie à une société dont il ne veut plus faire partie — et la lancera à bout de bras. Une nouvelle vie commence. Clo s’échappe de la clinique qui la tenait prisonnière et mènera Serge sur les chemins où il sera contraint, obligé, sommé d’être libre. Lui, il n’y échappera pas.


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Clo voit tout en rose, puis tout en noir. Albicocco prendra soin d'installer, dans chacun des lieux visités — asile, café, auberge, pharmacie, chalet — des vitraux de diverses couleurs aux travers lesquels ses personnages ne regarderont jamais le monde, car regarder à travers un vitrail, même coloré, c'est tout de même condescendre à regarder à travers un cadre que quelqu’un nous impose.


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Mais cette nouvelle vie ne sera pas de tout repos. Clo est insatiable et instable. Elle rigole comme une gamine, puis hurle comme une harpie. Elle veut tout, tout de suite. Elle insulte les commerçants. Elle fout le feu aux immeubles. Elle a besoin — demande, quémande, exige — de l’attention. Serge oscille entre le découragement et la fascination. « C’est la femme de ma vie. », avouera-t-il péremptoirement à son ami Georges à qui il demande, depuis une chambre d’hôtel où il se terre avec cette conquête qui le conquiert, un peu d’argent. « Elle n’a pas besoin d’un toubib. Elle a besoin qu’on l’aime un peu. », rajoute-t-il, comme pour s’en convaincre lui-même. Mais cette frénétique girouette change d’humeur aussi rapidement que les brasiers s’enflamment. Le temps qu’il lui tourne le dos, elle l’obligera à faire face à la musique. Un sourd crépitement l’allumera. Il l’aime. Éperdument. « J’te trouve formidable, lui avouera-t-il. Si j’avais foutu le feu à tout ce que je voulais brûler il ne resterait plus grand-chose. » Dès lors, un seul feu l’anime : non seulement la protéger, mais la rendre heureuse, par-delà tout ce que la société — médecins, policiers, avocats, amis… — exigera de lui.


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Dès lors, le second tiers du film prend les allures d’un « road movie » poétique (en voiture ou en vélo volés) à travers les champs mauves de la Sologne. La caméra d’Albicocco capte cette histoire d’amour improbable – métaphorique, en fait – grâce à une caméra flottante, montée sur rail ou sur grue, sans cesse en mouvement, donnant l’impression de cadrer ses personnages un peu au hasard de leurs tribulations, poursuivant sa lancée, quittant le site, coupant la prise, repassant devant eux comme pour s’informer de l’état des lieux, continuant encore, les laissant évoluer hors du cadre, les reprenant une fois de plus, un peu plus loin, dans un autre état, et ainsi de suite, très souvent en plan éloigné, comme s’il refusait lui-même de les (en)cadrer, de les foutre en boîte, de brimer leur liberté. On a l’impression d’une caméra voyeuse, d’une caméra voyageuse, qui passait par hasard par là, qui s’est intéressée à ces deux drôles pour un temps, qui a voulu poursuivre son chemin, mais qui n’a pu s’empêcher de revenir y voir, comme fascinée par leur étrange dynamique.

Au troisième tiers, nos deux personnages, ayant d’abord évolué au sein d’une critique sociale et s’étant ensuite retrouvés dans road trip poétique se transforment en deux Robinsons Crusoé modernes. Le public de l’époque avait décroché. Albi allait trop loin. Il dérapait. Il déraillait. Il délirait. Son récit, déjà bancal, par trop lacunaire, devenait invraisemblable. Or, le public n’avait pas compris qu’il ne s’agissait pas d’un film réaliste. Ou, en tout cas, que le film avait, au terme de cette fuite, changé de couleurs. On se retrouve dans cette cabane au fond des bois, lieu de tous les souvenirs où Serge et son ami Georges (maintenant l’amant de sa femme) se retrouvaient, enfants, pour jouer. Clo, devant les souvenirs que Serge lui étale, lui demande de tout brûler. Est-ce jalousie ? Des souvenirs, elle ne semble pas en savoir. Ou, en tout cas, pas de si beaux. Elle lui lance : « Je voudrais être heureuse, c’est tout… même si c’est pas pour longtemps… seulement, je sais pas comment faire… tu sais que je compte sur toi pour que tu m’apprennes… Si tu m’aimes, tu vas tout brûler. » Serge craquera derechef et allumera lui-même le brasier.

Invraisemblable ? Bien sûr ! Improbable ? Évidemment ! Poétique ? Et comment ! Mais la scène, on l’a tous vécue. C’est la femme qui demande à son homme : « Qu’est-ce que tu serais prêt à faire pour moi ? » Brûler tous tes souvenirs ? Couper tous les ponts ? Faire table rase de ton passé ? Me suivre jusqu’au bout du monde ? Me décrocher la lune ? Embarquer dans mon délire ? Sous peine de tout perdre, et surtout la raison ? C’est à cette scène, mainte fois jouée et rejouée par tous les couples du monde, qu’Albi donne ici corps, dans un émouvant délire poétique. Les flammes ravagent la maisonnette de Serge, réduisent tous ses souvenirs en cendre, la transforment assez vite en Enfer au centre duquel il peut, lui aussi, se consumer pour sa nouvelle flamme. Dès le générique, Albi nous avait pourtant annoncé que son film allait être métaphorique. Il la file, la suit, la poursuit sa métaphore.
 
Autour de ces vestiges encore fumants, Clo, qui n’avait jusqu’à maintenant à peu près jamais fait l’objet d’un plan, ni même d’un « beau » plan (elle était, ou bien filmée en plan large, ou bien filmée en crise d’hystérie), retiendra alors, pour tout le reste du film, l’œil du cinéaste qui n’aura de cesse d’embellir son joli minois et de mettre son regard étincelant en valeur. Au terme de cette destruction, Clo marque (enfin !) une pause bien sentie, pause pendant laquelle elle manifestera tendrement et sincèrement son amour à Serge. C’est la rançon du feu.


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Maintenant réduits à vivre en marge de la société, Serge et Clo s’isolent sur une île déserte — invraisemblable ? Mais la poésie ne reproduit pas la réalité, elle la produit —, et tentent de vivre d’amour et d’eau fraîche. Tout le film semble donner corps, d’ailleurs, aux expressions éculées, prendre au sens propre ce qui n’est pris qu’au sens figuré. Ils seront dérangés dans leur bonheur par la flicaille qui débarquera en leur sommant de se rendre. On appâtera la fille avec un petit chien. C’est la première fois que son rire cristallin éclatera, occupera la bande-son, traversera la rivière. Elle est heureuse. Elle l’a été. Serge est maintenant seul. Il a perdu sa raison (de vivre). Il ne lui reste qu’à se flinguer. Au terme d’un lent et magnifique panoramique circulaire qui clôt le départ de Clo, on se dit que tout cela n’avait servi de prétexte au personnage. Et l’on est forcé de se demander si la vie que nous menons est réellement celle que nous voulions vivre et si, advenant une réponse négative, nous serions prêts à aller jusque-là pour la fuir et la refaire. C’est la question qu’Albi se pose – et nous pose –, c’est le cri (du cœur) qu’il lance.
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Critique publiée le 21 juin 2018.