Sabotage
Par
Jean-François Vandeuren
Nous n’avions aucunement besoin d’un Alien vs Predator, et encore moins d’un deuxième. Mais même si le premier épisode signé de la main peu habile de Paul W.S. Anderson ne fut pas le lamentable échec tant escompté, il était tout de même assez difficile d’imaginer qu’un produit plus vide et superficiel ressortirait de ce second tour de piste que plus personne n’espérait, ni ne souhaitait d’ailleurs. Et bien il semblerait que proposer mieux que le réalisateur de Soldier et Resident Evil soit une tâche absolument colossale, du moins pour les nouveaux venus Colin et Greg Strause qui réussirent à faire encore plus ridicule et méprisable que leur prédécesseur. Ce modeste déchet ayant pour titre Aliens vs Predator - Requiem (?) débute en soi exactement là où le premier film se terminait. Suite à la naissance de la vile créature qui officialisa une bonne fois pour toute cette monstrueuse union entre deux des figures les plus connues du cinéma fantastique américain, le vaisseau de nos chasseurs intergalactiques favoris s’écrasa de nouveau sur Terre près d’un petit village du Colorado. Ce qui devait arriver arrivera et la propagation des « étrangers » dans la région prendra vite des proportions alarmantes. (Mal)Heureusement pour nous, un signal de détresse envoyé en désespoir de cause par l’un des survivants de l’appareil forcera l’un des confrères de chasse de ce dernier à sortir de sa torpeur et à venir faire une courte escapade sur la planète bleue pour enrayer la menace, et écorcher quelques humains au passage pour le simple plaisir de la chose.
La question que plusieurs se posaient lors de l’annonce du premier volet de la série était évidemment pourquoi les cinéastes aux commandes du projet n’envoyèrent pas directement leurs deux bestioles au beau milieu d’une localité quelconque pour y semer la pagaille, plutôt que de les isoler en Antarctique dans une étrange pyramide ensevelie sous une épaisse couche de glace? Et bien nous avons maintenant notre réponse, car en somme, cette prémisse aux possibilités plutôt limitées telle que mise en scène par les frères Strause ne vole pas plus haut que celle d’une production de bas étage que l’on catapulte habituellement sans escale sur les tablettes des clubs vidéo. En fait, l’échec des deux réalisateurs est si aberrant qu’il nous fait même prendre conscience des « bons » coups de leur prédécesseur qui, au fond, avait su faire preuve d’un peu d’ingéniosité durant son court séjour à la barre de la franchise. À défaut d’avoir une bonne histoire sous la main, Anderson réussit néanmoins à présenter ses respects de façon subtile aux films originaux tout en mélangeant d’une manière qui n’était pas nécessairement bête les bases du film fantastique à celles du film d’aventure. Même si le scénario de Shane Salerno enchaîne ici affrontements musclés et scènes chocs dans lesquelles il tue avec une aisance pour le moins inhabituelle, et d’une manière particulièrement grotesque, jeunes bambins et femmes enceintes, ce dernier n’arrive tout simplement pas à orchestrer la moindre montée dramatique ou à générer ne serait-ce qu’un minimum de suspense.
Les choses ne s’améliorent guère sur le plan visuel alors que ces étranges louanges pour le travail de Paul W.S. Anderson se forment à nouveau dans notre esprit. Certes, la réalisation tape-à-l’oeil de ce dernier n’avait en soi rien d’exceptionnel. Mais contrairement à ses substitues, Anderson semblait tout de même avoir un certain contrôle sur ce qui se passait devant et derrière la caméra. À l’opposée, la réalisation fade et peu compétente des frères Strause aurait mieux servi les intérêts d’une série télévisée à petit budget que ceux d’un projet destiné au grand écran. Cette mascarade d’une médiocrité pour le moins déconcertante se rapprochera toujours un peu plus du fond du baril à mesure que défileront chacune de ses pitoyables séquences d’action, au cours desquelles les deux cinéastes nous lanceront au visage une quantité invraisemblable d’images sans jamais se soucier de la qualité ou de la pertinence de celles-ci. Comme pour tant d’autres productions du genre ayant vu le jour ces dernières années, le tout se traduira par de nombreux abus au niveau du montage et par une utilisation exagérée du gros plan. Et pour tourner un peu plus le fer dans la plaie, le travail absolument nullissime au niveau de l’éclairage nous fera passer la moitié du film dans la noirceur presque totale. Si bien que nous ne retiendrons au final de cette suite de plans flous assemblés de façon déficiente que les effets sonores et les quelques pistes musicales soutirés aux efforts originaux qui servent ici un spectacle odieux qui fait vraiment peine à voir, même si nous ne distinguons bien souvent rien de ce qui se passe à l’écran.
Même si les deux cinéastes semblaient vouloir interpeler directement les fans du Aliens de James Cameron et du Predator de John McTiernan en élaborant un divertissement tout ce qu’il y a de plus sinistre et brutal, l’amas de violence présenté ici s’avère au final aussi gratuit qu’inefficace et ne fait qu’ajouter à la piètre qualité d’un produit fabriqué en quatrième vitesse par une équipe qui n’était visiblement pas intéressé par le projet qu’elle avait sur les bras. Aliens vs Predator - Requiem se veut ainsi un nouvel exemple du manque total de jugeote de certains producteurs hollywoodiens qui n’hésitent plus désormais à sacrifier la renommée de certaines propriétés intellectuelles pour générer un minimum de profit. La présente initiative est d’autant plus désolante lorsqu’on pense que l’argent qui a été injecté jusqu’à maintenant dans cette franchise tout ce qu’il y a de plus futile aurait pu servir à la mise en chantier d’un cinquième chapitre beaucoup plus substantiel de la série Alien. Les frères Strause ne firent guère mieux au niveau de la direction d’acteur et du développement des personnages, en particulier celui de la pseudo-Helen Ripley de service fraichement rentrée d’Irak que nous n’aurions pu imaginer moins charismatiques. Ce spectacle insipide, ennuyant à mourir et de très mauvais goût prendra fin sur une note tout aussi abominable alors que la traditionnelle célébration du devoir accompli effacera subitement toutes les peines engendrées par la mort tragique des proches des principaux protagonistes. Et dire qu’un troisième épisode est déjà en préparation…
Critique publiée le 15 janvier 2008.