Le long-métrage d’horreur québécois constitue toujours un objet hors normes, et c’est précisément là où le bât blesse. Pionniers naïfs dans un domaine inexploré, privés d’une expertise locale inestimable, les artistes ayant œuvré à sa création n’ont rarement su faire mieux que le bon docteur Frankenstein, rapiéçant des morceaux de cadavres défraîchis déterrés çà et là pour mieux accoucher d'une série de monstres confus et embarrassants. Preuve à l’appui,
Le scaphandrier d’Alain Vézina constitue un véritable zombie cinématographique, créature grotesque errant sans but dans des lieux communs trop confortables, évocateurs en outre d’une nostalgie brumeuse qui lui sert de seule raison d’être.
Le récit du film est d’une banalité exemplaire, tentative bâclée de transposer en sol québécois la prémisse de
The Fog (1980) en lui injectant une forte dose d'hémoglobine qui ne saurait faire oublier la nature anémique du propos. Une bande de croisiéristes morts-vivants atterrissent ainsi dans une charmante petite ville côtière, pressés de récupérer leurs biens volés par des pilleurs d’épave sans scrupule. À leur tête, le
slasher titulaire, exemple flagrant du manque d’imagination scénaristique plombant la crédibilité du genre tout entier. Nous rappelant sans cesse l’ennuyeux Jason Voorhees, cette brute maladroite à l’arsenal illimité prépare donc le terrain à ses amis en massacrant quiconque aura eu le malheur d'entrer en contact avec les objets dérobés. Devant l'ennui mortel que représente cet antagoniste archétypique, on ne peut que soupirer, surtout que l’héroïne journaliste qu’on lui oppose s’avère tout aussi ennuyeuse, simple trait d'union entre les différents épisodes du récit dont l’effacement total lors de la scène finale la dérobe même de la qualité mythologique propre à la
survivor girl américaine. À l’instar d’innombrables prédécesseurs, l’œuvre force ainsi le spectateur à se rabattre sur quelques effets gore particulièrement sanglants, rares stimuli capables de combattre la torpeur comateuse qui menace sans cesse de le submerger.
Véritable matrice formelle, la scène d'ouverture n'a d'autre mérite que de nous confronter d'emblée aux tares les plus saillantes de la production. On y voit deux patrouilleurs côtiers abordant une épave inhabitée, brisant en chemin les volutes de brume d'usage. La première chose qui nous frappe chez eux est leur inconfort évident à débiter les dialogues littéraires qu'on leur a mis en bouche, lesquels compromettront d'ailleurs le naturel de tous les personnages subséquents. On constate ensuite la faiblesse effarante du montage lorsque le générique interrompt brusquement la scène. Supposé lui servir de point d’orgue, celui-ci vient plutôt briser le rythme de la séquence, stoppant nette l'immersion du spectateur dans la diégèse et laissant présager la nature désespérément épisodique du récit. Pour finir, le spectateur se retrouve confronté à des plans subjectifs grossiers, ponctués par la respiration sourde d’un tueur immédiatement identifiable, ainsi qu’à des tas de tripes et de membres sectionnés platement cadrés – force est d’admettre toute l’étendue de la régression iconographique en cours.
La route cahoteuse où le film évolue s'étire malheureusement jusqu'à la toute fin, passé la scène d'introduction maladroite de protagonistes creux et les péripéties usitées qui pavent la voie vers la fusillade finale, laquelle termine en beauté le travail d'abêtissement entrepris 75 minutes plus tôt. La progression narrative est particulièrement laborieuse, alors que la jeune héroïne se lance dans une enquête simpliste qui tient de la peinture à numéros, occasion pour le réalisateur de la catapulter mécaniquement d'archétype en archétype, au gré d'indices grossiers fournis par ceux-ci pour mieux remplacer la simple curiosité professionnelle supposée caractériser son personnage. Pour ajouter l'insulte à l'injure, on superpose paresseusement aux éléments d'enquête les scènes de massacre d'usage, toutes calquées sur le modèle éculé de
Friday the 13th (1980). Ainsi, le tueur se présente soudainement devant différentes victimes, armé de divers outils meurtriers, incluant les harpons et les haches attendues, mais aussi de la fameuse anguille électrique avec laquelle il étrangle et électrocute une jeune femme aux mœurs légères. Or, il est déplorable de constater que cette arme constitue la seule innovation dont le film soit capable, surtout qu'elle sert ici à anéantir la même femme écarlate un million de fois punie par autant de bourreaux réactionnaires.
Au-delà de ses nombreux défauts, incluant des effets de synthèse rivalisant de ridicule avec les dialogues,
Le scaphandrier souffre d'une profonde crise de légitimité. Produit à grands frais pour un public fantôme, fruit de subventions publiques douteuses en « période d'austérité », le film se complaît dans des clichés si usés qu'ils dépassent l'entendement, adoptant en outre un style international qui le prive de toute saveur proprement québécoise. Même le vernaculaire gaspésien est sacrifié au profit d'une langue lisse et sans accent particulier, laissant aux seuls paysages côtiers de notre petit coin de pays le soin de fournir une qualité pittoresque à l'univers diégétique. Faute de substance narrative ou iconographique, on se surprend donc à admirer la vue toute simple d'humbles maisonnettes bordées d'herbes, regrettant en somme que l'argent investi dans la production du film n'ait pas plutôt servi à tirer des brochures touristiques qui auraient su mieux les mettre en valeur.