Si une nouvelle adaptation du roman
Carrie de Stephen King était déjà futile en soi, nous pouvions questionner encore davantage la production d’un remake de la version de 1976, réalisée par Brian De Palma. À la barre de cet autre objet abject issu des studios Screen Gems et MGM, nous retrouvons
Kimberly Peirce (
Boys Don’t Cry,
Stop-Loss). Mais aussi inutile puisse être cette nouvelle mouture, celle-ci tombe tout de même dans un entre-deux qui, s’il se révèle passablement problématique, ne s’avère pas totalement dépourvu d’intérêt.
Pour tous ceux qui auraient oublié, Carrie White (
Chloë Grace Moretz) est une adolescente marginalisée malgré elle. Sa mère (
Julianne Moore), chrétienne ultra croyante et dérangée, tente d’endoctriner sa progéniture dans une vie de prières faisant fi d’une société en pleine transformation. Suite à un incident survenu à son école, Carrie devient la mire de tous ses camarades de classe. Un événement qui aura des conséquences tragiques pour les jeunes filles responsables de son humiliation, de même que pour toute une communauté.
En visionnant le long métrage de Kimberly Peirce, on s’interroge automatiquement sur plusieurs facettes de ce cinéma dit « moderne ». Quels objectifs cache l’adaptation d’un roman ayant déjà bénéficié du traitement hollywoodien il y a près de quatre décennies? Le phénomène n’est évidemment pas unique au présent long métrage, la question nous ayant déjà traversé l’esprit au contact du
Lolita d’Adrian Lyne ou encore du
The End of the Affair de Neil Jordan.
Carrie suscite néanmoins d’autres interrogations, à savoir quel intérêt y a-t-il à reproduire et à retravailler des images aussi bien ancrées dans l’imaginaire collectif? Des questions qu’avaient su aborder Gus Van Sant et Michael Haneke dans des essais filmiques qui repoussaient réellement les limites de leur propre diégèse. Entre leurs mains, nous étions volontairement confrontés à ce déjà-vu cinématographique pratiquement indissociable du remake. Ni particulièrement intelligent ou nécessaire, le
Carrie de Peirce prend quant à lui les traits d’une carcasse dont il ne resterait que les os.
Le chemin menant de la page à l’écran se révèle souvent des plus ardus.
Carrie cherche pour sa part à faire vivre ce récit mélangeant exclusion sociale et phénomène paranormal en restant fidèle à la vision de King (au même titre que le film de De Palma, qui demeure l’une des adaptations les plus réussies des écrits de l’auteur américain). L’initiative finit par poser problème ici alors que plusieurs éléments indispensables sur papier ne fonctionnent tout simplement pas lorsque mis en images. Malheureusement, il ne s’agit pas, encore là, du plus gros problème du film de Peirce.
Peirce ne parvient jamais en ce sens à se détacher de l’héritage du film de De Palma, lequel conservera toujours une place de choix dans la mémoire des cinéphiles grâce à sa mise en scène impeccable de plusieurs moments phares – notamment celui du fameux sceau de sang – qui resteront à jamais des exemples purement cathartiques. La version de 1976 n’a d’ailleurs rien perdu de son impact d’antan, même si les écrits de King ont en soi vieilli beaucoup plus que l’on voudrait le croire. Les modifications apportées ici respectent, certes, l’essence du roman, mais s’avèrent en somme si minimes qu’il devient impossible de les prendre réellement en considération. La promiscuité et l’emprise de la religion est déjà beaucoup moins frappante aujourd’hui qu’elle ne pouvait l’être dans les années 70. Il n’y a du coup que le difficile sujet de l’exclusion sociale qui pouvait être récupéré de manière effective, problématique que la réalisatrice s’empressera toutefois d’utiliser comme béquille à tout moment.
Nous nous retrouvons donc au final devant un autre remake sans âme ni véritable raison d’être. Un vase creux ne capitalisant que sur sa « mise à jour » des séquences de destruction iconiques du film original. En somme,
Carrie incarne exactement tout ce qui ne tourne pas rond avec le modèle hollywoodien actuel.