Matthew Vaughn est visiblement incapable de demeurer en place, refusant de retourner à la barre d’une franchise dont il avait été l’un des principaux artisans de la réussite, ou abandonnant carrément des projets dont il avait accepté de signer la mise en scène pour prendre les rênes d’une autre production. L’histoire lui aura néanmoins donné raison jusqu’à maintenant, lui qui aura su éviter les projets casse-gueules pour mettre ses talents au service d’initiatives qui auront permis à sa carrière de progresser dans la bonne direction. Il s’agit malgré tout du genre de décisions avec lesquelles viennent les inévitables « et si… » Après en avoir surpris plus d’un avec l’ultra-violent, mais on ne peu plus pertinent
Kick-Ass, le Britannique aura décidé de ne s’impliquer qu’à titre de producteur pour ce second tour de piste, confiant la chaise du réalisateur à
Jeff Wadlow (
Never Back Down) - de la même façon qu’il aura redonné les commandes de la série
X-Men à Bryan Singer après avoir réalisé l’excellent
First Class de 2011. Un nouveau changement de cap découlant en soi directement de sa participation au premier opus, lui qui travaille présentement à l’adaptation de la dernière création du bédéiste Mark Millar,
The Secret Service. L’absence de la touche plus incisive et provocatrice de Vaughn se fait d’ailleurs sentir rapidement dans ce deuxième épisode, qui peine malheureusement à atteindre le même niveau d’exubérance que son prédécesseur. Jonglant avec la même matière que celle qui avait fait la réputation du film de 2010, Wadlow n’est pourtant jamais en mesure de tirer un discours aussi réfléchi et articulé de ses élans.
Le principal problème de
Kick-Ass 2, c’est qu’il s’efforce de jongler avec énormément de matière et d’enjeux dramatiques sans que son maître d’oeuvre ne soit toujours en mesure d’en sortir un tout cohérent, voire simplement stimulant, d’un point de vue narratif. Nous retrouverons dans un premier temps Dave Lizewski (
Aaron Taylor-Johnson) et Mindy Macready (
Chloë Grace Moretz) quelques années après les événements du premier épisode. Leurs frasques sanguinolentes auront depuis inspiré bon nombre de citoyens ordinaires à patrouiller la ville à leur tour, vêtus de leur propre costume de super-héros, à la recherche d’un crime à combattre. Si le duo s’entraînera tous les jours dans le but de reprendre du service, Mindy sera toutefois freinée dans ses élans par son nouveau tuteur, qui lui fera promettre de laisser définitivement les activités de la justicière Hit-Girl derrière elle et de tenter de goûter à la vie normale des autres jeunes filles de son âge. Perdant son acolyte, Dave se joindra à une escouade de héros du dimanche dirigée par le Colonel Stars and Stripes (
Jim Carrey), un ancien membre de la mafia newyorkaise devenu défenseur de la veuve et de l’orphelin depuis sa reconversion au christianisme. De son côté, Chris D’Amico (
Christopher Mintz-Plasse) a toujours du mal à digérer que Kick-Ass ait fait exploser son père à l’aide d’un bazooka. Désirant se venger à tout prix de son ennemi juré, ce dernier entreprendra de créer un contrepoids à l’arrivée de tous ces justiciers masqués en devenant le tout premier super-vilain de l’histoire.
À cet égard,
Kick-Ass 2 marche évidemment dans les traces du
Dark Knight de Christopher Nolan, traitant la formation de la petite armée de celui qui se fera appeler «
The Mother Fucker » comme le résultat du combat qu’auront décidé de livrer ces simples citoyens au nom de la justice avec un grand J. Une telle prémisse se voulait certainement des plus ambitieuses étant donné la réalité amplifiée, mais tout de même plus concrète que celle représentée dans la majorité des adaptations de bandes dessinées, dans laquelle évolue le scénario de Jeff Wadlow. Avant l’inévitable confrontation finale, la plupart des « héros » secondaires rencontrés dans le film de Wadlow sembleront d’ailleurs davantage intéressés à transformer leur quotidien en un perpétuel Comic-Con plutôt que de prendre les moyens pour faire une réelle différence. Le cinéaste accorde cependant beaucoup plus d’importance au développement d’une intrigue qui n’en finit plus de s’éparpiller à travers de multiples quêtes d’identité, de justice et de vengeance qu’à la réflexion sur les actes de violence qui finiront par en découler. À l’instar du film de Matthew Vaughn,
Kick-Ass 2 s’intéresse aussi à l’ampleur que peut prendre un phénomène social par l’entremise des réseaux sociaux, aux actes sans conséquences, à la notion de justice personnelle, à la glorification de la violence dans l’industrie du divertissement, au microcosme souvent cruel de la vie adolescente, etc.
Kick-Ass 2 ne se contente toutefois d’aborder toutes ces questions par la bande, nourrissant davantage ses ambitions de divertissement irrévérencieux plutôt que son propos, lequel finit malheureusement par tourner à vide.
Jeff Wadlow répète en soi la même erreur que celle commise par la plupart des réalisateurs s’étant retrouvés un jour aux commandes d’une telle initiative en cherchant à combler son public en capitalisant d’abord et avant tout sur la forme du spectacle présenté précédemment plutôt que sur son sens profond. Derrière la caméra, l’Américain propose un travail paraissant tout ce qu’il y a de plus compétent, falsifiant la technique de Matthew Vaughn sans toutefois réussir à se jouer aussi sournoisement du degré de lecture de ses images.
Kick-Ass 2 ne parvient jamais du coup à recréer le fragile équilibre entre les différents niveaux de satisfaction que son prédécesseur pouvait procurer à son auditoire tout comme son extravagance n’apparaît jamais aussi inspirée. Wadlow multiplie ainsi les élans de violence extrême et les effets gore de manière totalement irréfléchie, chaque effusion de sang paraissant glorifiée plutôt que d’être remise en question comme avait su le faire le cinéaste britannique d’une manière parfaitement manipulatrice. Il en ressort un exercice qui se laisse écouter, évitant la médiocrité grâce à quelques excellents gags et aux performances enthousiastes d’une distribution appuyant allègrement le mélange d’obscénités et de démembrements que Wadlow déploie à l’intérieur d’un récit qui, trop souvent, semble manquer de souffle. Le réalisateur signe au bout du compte un spectacle sanglant et vulgaire, mais oubliable. Une production ayant visiblement été orchestrée par des individus tout à fait conscients du potentiel créatif et commercial de la franchise, mais n’ayant pas tout à fait saisi les raisons réelles qui auront permis au premier opus de laisser sa marque dans ce paysage cinématographique en particulier.